Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

végétation (suite)

• Les forêts tropicales à rythme saisonnier. Par opposition aux forêts sempervirentes ombrophiles, ces forêts tropicales se développent dans des régions à saisons sèches, et, au fur et à mesure que la longueur et la sévérité de celles-ci s’accroissent, la proportion de la caducité augmente dans la formation ; d’où le nom de forêts tropophiles ou décidues (semideciduous, deciduous forests) qui leur est donné. Comme beaucoup de ces forêts correspondent à des climats de mousson, ce terme est aussi retenu (monsoon forest, Monsunwald).

On trouve de telles forêts en Afrique, surtout au sud de l’équateur, sur les grands plateaux des bassins du Congo (Zaïre) et du Zambèze ; par contre, au nord de l’équateur, ces forêts sont peu développées et il n’y a guère qu’en basse Casamance qu’elles occupent une certaine étendue. Dans le Sud-Est asiatique, les forêts tropophiles occupent de vastes surfaces en Birmanie, en Indochine et en Inde (surtout au nord-est), où elles présentent deux grands faciès. Dans la forêt à Teck, lorsque la saison sèche ne dépasse pas cinq mois et quand la hauteur des pluies annuelles excède 1,50 m, la caducité est alors fortement réduite en durée ; le Teck, par exemple, ne perd ses feuilles que deux mois après la fin des pluies et débourre de un à deux mois avant leur réapparition. La forêt à Sāl relaie la précédente lorsque la saison sèche s’allonge et que la caducité est beaucoup plus importante et longue ; de surcroît, si la formation végétale reste bien une formation fermée grâce aux sous-bois serrés de type fourrés, les arbres (Sāl, Teck et autres Diptérocarpacées) s’écartent, et l’on passe à la savane arborée. En Amérique, on retrouve cette forêt tropophile dans trois positions : au nord et au sud de la forêt sempervirente amazonienne ; dans le sud-est du Brésil, en arrière de la forêt de pluie côtière ; enfin dans la partie orientale côtière de l’Amérique centrale et dans le sud des Caraïbes.

• Les forêts tempérées mixtes caducifoliées et les laurisylves. Dans la mesure où l’on parvient, après les transformations des paysages réalisées par l’homme — et qui sont les plus importantes de la planète —, à reconstituer la végétation naturelle antérieure, on constate que la zone tempérée est la moins forestière de toutes les zones du globe et que les prairies, les steppes et les semi-déserts occupent une place plus importante que les forêts.

La répartition des forêts tempérées à feuilles caduques et mixtes est des plus complexes. Si on laisse de côté les quelques forêts décidues de l’extrémité de l’Amérique du Sud, il faut noter une opposition fondamentale entre les façades orientales et les façades occidentales des continents. Toutefois, comme il n’y a pas de forêt caducifoliée tempérée à l’ouest de l’Amérique du Nord, puisque la grande forêt de Conifères pacifique et la forêt méditerranéenne californienne se touchent, la situation revient à opposer pour l’essentiel les forêts de l’Europe occidentale aux forêts de l’est des États-Unis et de la Chine, auxquelles on peut ajouter — car il n’y a aucune limite nette — les forêts mixtes de type chinois (laurisylves) qui relaient ces deux dernières vers le sud-est.

Dans les lambeaux qui demeurent de la forêt caducifoliée de l’Europe occidentale, il n’est pas toujours facile de se faire une idée de la végétation primitive, d’autant que les forêts monospécifiques (chênaie, hêtraie) y semblent presque toujours être l’œuvre multiséculaire de l’homme ; celui-ci a sélectionné progressivement les espèces forestières les plus utiles ou les mieux adaptées aux conditions locales. Étant donné le plus petit nombre d’espèces, et leur tri fréquent par les forestiers, l’absence, dans beaucoup de cas, à peu près totale de Conifères fait de la forêt caducifoliée de l’Europe occidentale la formation forestière où la caducité est la plus parfaite en hiver (défoliation totale pendant quatre à six mois).

En Amérique du Nord, dans la moitié orientale des États-Unis, s’étend la plus grande forêt caducifoliée du monde, la forêt appalachienne. Elle diffère de la forêt d’Europe à la fois par sa richesse floristique (deux fois plus de genres d’arbres qu’en France, 28 espèces de Chênes contre 5) et par sa vitesse de croissance, ainsi que par sa luxuriance. Ces caractères semblent souvent résulter à la fois des conditions climatiques actuelles et de déplacements moins difficiles des flores au Quaternaire, qui se sont soldés par beaucoup moins de disparitions.

À la forêt appalachienne succède au nord une forêt mixte, où des Conifères se mêlent aux feuillus (forêt laurentienne ou forêt de feuillus tolérants). Au sud, une autre forêt mixte naturelle se développe en bordure du golfe du Mexique. Des feuillus se mêlent à des sempervirents à larges feuilles, tels que les Magnolias (d’où le nom de laurisylve de Louisiane, de forêt maritime à Magnolias, etc.). Enfin, une formation forestière, la pinède sud-atlantique, qui existait à l’état naturel entre la forêt appalachienne et la laurisylve, a été largement étendue, à la suite des défrichements du Vieux Sud, dans la région de collines sableuses ourlant le sud des Appalaches (d’où le nom de Pine Hills).

En Chine, la forêt caducifoliée s’étend entre la Mandchourie et le Yangzijiang (Yang-tseu-kiang). À bien des égards, elle rappelle la forêt appalachienne. Toutefois, elle a été plus anciennement et plus largement défrichée. D’autre part, de vastes étendues de très bons sols bruns sur lœss compensent en quelque sorte des quantités de pluies nettement plus faibles qu’aux États-Unis et plus concentrées en été.

Cette forêt passe au nord à une forêt mixte qui fait transition avec la forêt boréale apparaissant à la frontière russo-chinoise. Au sud du Yangzijiang, elle passe rapidement à un autre type de forêt mixte, comparable à la laurisylve de Louisiane ; la grande richesse en espèces est due à un mélange d’espèces tempérées et tropicales très nombreuses (50 espèces d’Érables, autant d’espèces de Chênes, 15 espèces de Magnolias). C’est par ailleurs la région du monde qui possède les plus remarquables espèces relictes, dont le Ginkgo biloba, le Métaséquoia.