Compositeur d’origine française, naturalisé américain (Paris 1883 - New York 1965).
La vie
Il est dès son enfance envoyé dans la famille paysanne de sa mère, en Bourgogne, près de Tournus, dont la basilique romane détermine sa formation profonde et incline son esprit vers l’architecture : « S’il y a quelque force ou quelque beauté dans ma musique, je le dois à Saint-Philibert de Tournus. » Là, dans le petit village du Villars, il grandit entre son grand-père, vigneron, et son grand-oncle, tonnelier. À l’âge de neuf ans, il doit suivre ses parents à Turin, où il commence à apprendre la musique en cachette de son père. Celui-ci veut le présenter au collège polytechnique de Zurich, mais, après la mort de sa mère, Varèse, révolté contre toute autorité, s’enfuit de la maison paternelle pour étudier la musique à Paris.
En 1903, il entre à la Schola cantorum, dans la classe de Vincent d’Indy, qu’il ne tarde pas à quitter. Avec Albert Roussel, il apprend le contrepoint, et la fugue dans la classe de C. M. Widor au Conservatoire. Charles Bordes lui révèle les maîtres du Moyen Âge et de la Renaissance, dont, toute sa vie, il dirigera les œuvres, à partir de la création de la chorale de l’Université populaire en 1906. Il aime Pérotin et Guillaume de Machaut, Josquin Des Prés et Victoria, se passionne pour Monteverdi et Marc Antoine Charpentier, sans oublier les organistes, Jehan Titelouze ou Nicolas de Grigny.
La lecture d’ouvrages scientifiques l’aide à préciser les principes de la nouvelle musique qu’il pressent, l’art-science de la musique, comme il le définit. Il étudie Helmholtz, poursuivant lui-même des expériences sur le son, les résonances, les sirènes, dont le son continu dessine des paraboles. Ses tâtonnements sont soudain éclairés par la définition de Wronski : « La musique est la corporification de l’intelligence qui est dans les sons. » Varèse commente : « Je trouvais, pour la première fois, une conception de la musique parfaitement intelligible, à la fois nouvelle et stimulante. Grâce à elle, sans doute, je commençai à concevoir la musique comme étant spatiale, comme de mouvants corps sonores dans l’espace, conception que je développai graduellement et fis mienne. J’ai compris très tôt qu’il me serait difficile ou impossible d’exprimer avec les moyens mis à ma disposition les idées qui me venaient. J’ai même commencé très tôt, dès cette époque, à caresser le projet d’affranchir la musique du système tempéré, de la délivrer des limitations imposées par les instruments en usage et par toutes ces années de mauvaises habitudes qu’on appelle, de façon erronée, la tradition. »
À vingt ans, il s’est donc engagé sur sa propre voie, celle qui va le conduire à libérer la musique de carcans désuets, à mettre les découvertes de notre siècle au service de son art. Il refusera toujours de s’asservir à la sécheresse des théories, préférant méditer sur Aristoxène de Tarente et Aristote, sur Léonard de Vinci, Copernic ou Paracelse, qui stimuleront vigoureusement son imagination, car, aimera-t-il à répéter, le dernier mot est imagination.
À Paris, puis à Berlin, où il vit de 1908 à la Première Guerre mondiale, il se lie avec Debussy*, Busoni*, Richard Strauss*, Carl Muck (1859-1940). Romain Rolland le protège et l’encourage. Il fréquente surtout les peintres, les poètes et les savants ; le sculpteur Julio González* est son ami dès son adolescence. Il connaît toutes les personnalités marquantes de son temps.
En 1910, année de la naissance de sa fille Claude, sa première œuvre symphonique, Bourgogne, est exécutée sous la direction de Josef Stransky à la tête du Blüthner Orchestra. Même à Berlin, c’est un scandale. Varèse en détruira le manuscrit vers 1960 ; toutes les autres œuvres et esquisses de cette période ont disparu pendant la Première Guerre mondiale. Varèse est alors mobilisé, puis réformé à la suite d’une double pneumonie.
En décembre 1915, il s’embarque pour l’Amérique, s’installe à New York, où, malgré sa pauvreté, il poursuit ses expériences sur les possibilités de l’enregistrement sonore. En 1917, il dirige la Grand-Messe des morts de Berlioz « à la mémoire des morts de toutes les nations » et devient dès lors célèbre comme chef d’orchestre. Souhaitant faire connaître la musique moderne, il fonde en 1919 le New Symphony Orchestra, puis en 1921 l’International Composers’ Guild, qui crée ou donne en première audition américaine les principales œuvres contemporaines. Il rencontre Louise Norton, qu’il épouse bientôt ; traductrice de Rimbaud et de Michaux, de Saint-John Perse et de Julien Gracq, celle-ci sera une admirable compagne, tout au long d’une vie marquée par le dénuement, l’adversité, les crises de découragement et d’angoisse que dissimule le tempérament chaleureux de Varèse.