Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

adaptation (suite)

L’Homme se maintient dans beaucoup de milieux, où il supporte des conditions variées ; de multiples adaptations le lui permettent, mais aucune n’assure l’accomplissement de performances. L’Homme court moins bien que le cheval ; il nage moins bien que le Phoque ; il voit moins bien qu’un Oiseau ; il entend moins bien que beaucoup d’animaux ; son odorat est moins sensible que celui du Chien ; sa main, fort adroite, n’est pas spécialisée. En somme, des adaptations, peu spécialisées, lui permettent de vivre partout, plus ou moins bien. L’Homme supplée aux insuffisances par des inventions d’outils et de machines qui se comportent alors comme des adaptations extérieures, lui assurant une efficacité supérieure à celle qui est notée chez les autres êtres vivants.


Absence de spécialisation

Certains animaux pratiquent même un mode de vie déterminé sans que leur organisme y soit adapté morphologiquement. Le Daman des arbres (Dendrohyrax dorsalis), strictement arboricole, offre le même aspect que le Daman des rochers (Procavia capensis) : tous deux, sont nettement plantigrades. Le Daman des arbres ne montre pas d’adaptations à la vie arboricole : les pieds et les mains ne sont pas préhensiles ; cependant, il grimpe aisément le long des troncs et court sur les branches. Le même phénomène se retrouve chez le Merle d’eau (Cinclus cinclus) ; celui-ci ressemble morphologiquement à un Merle, mais son comportement est totalement différent ; il mène une vie amphibie et fréquente les ruisseaux et les rivières ; il nage avec facilité, plonge ou marche sur le fond ; il capture de petits Poissons, des Crustacés, des larves d’Insectes. Il ne possède pourtant aucun caractère propre aux Oiseaux aquatiques.


Organes inutiles ou inadaptés

Toute espèce qui vit et se maintient est nécessairement adaptée aux conditions de son biotope. Cette adaptation intéresse les caractères morphologiques, physiologiques, biochimiques, éthologiques. Mais l’ensemble des adaptations ne confère pas aux organismes une perfection absolue ; il n’exclut pas la présence d’organes inutiles ou inadaptés à côté des organes indispensables, nécessaires ou utiles.

Le rôle de la rate dans l’hématopoïèse est important ; lors de son ablation, la moelle osseuse la supplée. Les trop longs cœcums des tubes digestifs de divers Mammifères peuvent être à l’origine de troubles intestinaux. La mue du Manchot représente un handicap, car elle empêche cet Oiseau d’aller à la mer ; en effet, le plumage de celui-ci se mouille et rend presque impossible la nage ; par suite, le Manchot est incapable de se nourrir.

Des organes acquièrent un développement anormalement grand : bois des Élans, cornes des Antilopes, cuirasse dorsale et caudale des Stégosauriens (Reptiles secondaires), cloisons persillées des Ammonites, énormes piquants de certains Oursins Cidarides, grandes mandibules des Lucanes mâles et autres caractères sexuels des Insectes, grandes canines des Babirussa recourbées au-dessus de la tête, pattes démesurément longues des Tipules, antennes excessives des Coléoptères longicornes, pédoncules oculaires exagérés du Crabe Uca, du Requin-Marteau, bec énorme du Toucan, etc.

Parallèlement aux organes hypertéliques (exagérément développés), d’autres organes rudimentaires ou atéliques (non utilisés) sont inaptes à exercer une fonction : œil pinéal des Lézards actuels, repli semi-lunaire de l’œil humain, muscles atrophiques et tubercule de Darwin de l’oreille humaine, vertèbres coccygiennes et leurs muscles, ailes rudimentaires des Oiseaux terricoles.


La convergence

L’association des diverses adaptations statistiques confère des ressemblances aux individus menant le même type de vie et aux organes assumant les mêmes fonctions. Ces ressemblances frappantes illustrent le phénomène de la convergence et n’impliquent aucun lien de parenté.

En voici quelques exemples. Une convergence ichthyoïde (du gr. ikhthus, poisson, et eidos, apparence) se manifeste chez trois Vertébrés aquatiques adaptés à une nage rapide ; le Requin (Poisson sélacien), l’Ichthyosaure (Reptile éteint) et le Dauphin (Mammifère cétacé) montrent une allure générale commune ; le corps, fusiforme, porte sur sa convexité dorsale une nageoire triangulaire ; son bord antérieur, convexe et qui fend l’eau, est renforcé, alors que le bord postérieur, concave, est aminci. Cette nageoire stabilisatrice et équilibratrice n’est pas indispensable, mais elle assure une nage plus rapide.

Une convergence talpoïde (du lat. talpa, taupe) s’observe chez trois Mammifères fouisseurs : la Taupe (Insectivore), Myotalpa (Rongeur), le Notorycte (Marsupial). Cette convergence intéresse quatre caractères : les yeux sont réduits ou absents ; les pattes antérieures, plus ou moins déformées, se terminent par de fortes griffes ; la fourrure est soyeuse et rase ; la queue est courte ou absente. La présence de ces caractères favorise la progression dans les terriers à l’intérieur du sol.

Les Vertébrés volants (Reptiles, Oiseaux, Mammifères) possèdent des ailes. Bien que responsables de la même fonction, leurs structures sont totalement différentes. L’aile du Ptérodactyle (Reptile) est bordée par le doigt IV, démesurément allongé ; les trois premiers doigts forment des griffes d’accrochage ; le cinquième doigt manque. L’aile de l’Oiseau comprend des plumes, les rémiges, insérées sur les doigts, les métacarpiens, le carpe, le cubitus et l’humérus ; la surface portante est ainsi fort développée. L’aile à nervures en éventail de la Chauve-Souris comporte une membrane alaire tendue entre les métacarpiens et les doigts II à V, le pouce restant libre.

Convergence encore dans la conformation de la tête des Vertébrés aquatiques à respiration aérienne ; le niveau de l’eau passe juste en dessous de la narine et de l’œil ; cette disposition adaptative favorable à la vie amphibie se voit chez la Grenouille, le Crocodile, l’Hippopotame.

Les convergences arboricoles se rapportent à l’accrochage et au saut. La queue préhensile existe chez le Caméléon, les Singes du Nouveau Monde, des Marsupiaux, le Pangolin ; un revêtement écailleux la tapisse parfois et renforce le maintien au support ; de puissantes griffes ou des pelotes adhésives se trouvent sur des doigts souvent opposables. Le patagium, fonctionnant comme parachute, permet le saut chez des arboricoles variés (Galéopithèque, Anomalure, Écureuil volant, Marsupial volant, Draco ou Lézard volant).