Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

valeur (suite)

C’est cette identification implicite entre la théorie de la valeur et celle de la concurrence* pure et parfaite qui a été à l’origine de l’éclipsé connue par la théorie de la valeur. Depuis quelques années, celle-ci resurgit dans la mesure où l’on a pu s’interroger sur la répartition des résultats de la production entre les différents participants de la vie économique, soulignant notamment que la valeur dépend des relations sociales entre les agents économiques.

G. R.

➙ Demande / Économique (science) / Marché / Offre / Prix.

 J. R. Hicks, Value and Capital (Oxford, 1941 ; trad. fr. Valeur et capital, Dunod, 1956). / F. Perroux, la Valeur (P. U. F., 1943). / G. Pirou, la Valeur et les prix (Sirey, 1948). / R. Guiheneuf, le Problème de la théorie marxiste de la valeur (A. Colin, 1952). / H. Denis, Valeur et capitalisme (Éd. sociales, 1957). / G. Debreu, Théorie de la valeur (Dunod, 1965).

valeurs (analyse des)

Méthode de réduction des prix de revient des produits ou des services vendus par l’entreprise par examen du rapport existant entre la fonction d’un article ou d’un service et son coût. (On dit aussi analyse de la valeur.)


Cet examen est fondé sur l’analyse approfondie de cette fonction, afin de rechercher tous les moyens possibles d’obtenir le même résultat au moindre coût pour l’entreprise.


Historique

L’analyse des valeurs a été créée en 1947 à la General Electric Company. Adoptée par toutes les grandes entreprises américaines et par un bon nombre de moyennes et de petites entreprises, elle est pratiquée au Japon et en Europe occidentale depuis 1960 environ. Découverte et mise au point par des ingénieurs et des cadres appartenant à l’entreprise et non par des professionnels de l’organisation, elle réussit particulièrement bien dans le milieu des ingénieurs et des techniciens de l’entreprise, responsables de très nombreuses décisions de détail qui échappent au contrôle de la direction. C’est un outil très important de perfectionnement interne des hommes et des équipes.


Mécanismes

Le mécanisme de l’analyse des valeurs a sa source dans la réflexion sur les besoins et les désirs que l’entreprise se propose de satisfaire. Ces besoins sont décomposés en autant de fonctions que nécessaires, et la méthode cherche à les remplir au coût minimal absolu, compte tenu des connaissances et des règles de l’art acquises. Ce qu’on exclut est aussi important que ce qu’on inclut. Les fonctions sont, en effet, dictées à ce niveau par ceux qui font jouer la concurrence, c’est-à-dire les clients, ou, pour les services « administratifs », par ceux qui les utilisent (services amont ou aval, direction). La première règle est donc de bien définir l’utile et ce qui l’est moins, de savoir ce qu’on veut éliminer.

La seconde règle du jeu de l’analyse des valeurs est la subordination hiérarchique des fonctions entre elles. La fonction « gérer les commandes », par exemple, sous-entend enregistrer, aiguiller, planifier, mais cela ne veut pas dire que le service gestion des commandes doit devenir un second point de tenue du planning.

La comptabilité analytique est un outil indispensable à l’application de la méthode d’analyse des valeurs. Seule elle permet de comparer les coûts à leur niveau élémentaire, de les interpréter, d’évaluer les économies possibles par l’introduction de variantes de fonctionnement ou par de nouvelles conceptions technologiques.

Il ne suffit pas de constater des coûts, de s’interroger sur des fonctions ; il faut aussi trouver d’autres solutions. Cette recherche de solutions met en œuvre un ensemble de procédés.
1. L’analyse comparative. On cherche des corrélations entre les coûts d’un ensemble de produits similaires et des paramètres tels que performances, taille, poids, etc.
2. L’analyse séquentielle. On établit un ensemble de questions détaillées sur l’ensemble du produit considéré : quelles en sont les caractéristiques superflus ? Peut-on utiliser une autre matière pour le fabriquer ? Peut-on en réduire le poids ? Toutes ses parties sont-elles homogènes entre elles sur le plan de la durée de vie ? Les fonctions remplies sont-elles toujours utiles (remplacement par un autre procédé, adaptation à un équipement qui n’est plus employé, etc.) ?
3. La créativité. Il ne suffit pas toujours de se poser des questions sur un plan rationnel pour découvrir de nouvelles solutions. À ce stade, l’analyse des valeurs fait aussi appel aux techniques de créativité. L’animateur-responsable d’une opération d’analyse des valeurs réunira par exemple un groupe de personnes pour une séance de brainstorming. Chaque participant doit faire travailler son imagination, émettre toutes les idées possibles, même les plus « folles » ; pour cela, il ne doit censurer personne, pas plus lui-même que ses collègues. Une réunion de ce type permet de jouer sur les associations, les combinaisons, les analogies. À la suite de la réunion, il reste à faire un tri dans les idées de façon à ne retenir que celles qui ont une chance de mener à un résultat. Ces idées sont alors élaborées très en détail, chiffrées ; on procède à des essais ; on examine toutes les conséquences (chiffrables ou non). La décision intervient ensuite sur la base d’un bilan prévisionnel de mise en œuvre de la solution préconisée.


Applications

L’analyse des valeurs a étendu son action depuis les économies de matières sur les produits, en passant par les économies de main-d’œuvre d’exécution, jusqu’aux économies de conception. Les réductions de prix de revient des produits sont, la plupart du temps, de 15 à 25 p. 100, à qualité fonctionnelle constante. Elles sont obtenues avec peu de moyens, les frais d’études étant récupérés très vite.

Le domaine d’application de l’analyse des valeurs s’est étendu à toutes les branches industrielles (mécanique, électricité, électronique, métallurgie, industries du bois, du papier, travaux publics, banques, assurances, transports, etc.) et à des activités autres que la production (installations, entretien, outillage, emballage, transports, essais, etc.), notamment aux approvisionnements. En apparence, le rôle des approvisionnements est simplement de fournir en temps utile à l’entreprise ce dont elle a besoin, en l’acquérant sur le marché au plus bas prix. La réduction du coût des achats n’est, dans cette optique, qu’un simple problème de négociation. L’analyse des valeurs introduit en plus la remise en cause de la définition même des besoins. Les fournisseurs ont leur rôle à jouer dans des approvisionnements ainsi conçus, car l’analyse des valeurs s’effectue sur l’ensemble des processus technologiques qui se situent de part et d’autre de l’achat : chez le fournisseur et dans l’entreprise. On cherchera donc avec le fournisseur des adaptations de procédés, des matériaux nouveaux, des technologies différentes, etc. La collaboration pourra se faire sous forme de consultations gratuites offertes par le fournisseur à titre de service lié à l’achat. De telles consultations présentent un inconvénient pour l’entreprise, car elles sont orientées vers une solution justifiant l’achat de ce que le fournisseur peut livrer. Elles ne sont utiles qu’à la condition d’être comparées à d’autres études internes ou externes (menées par un conseil indépendant). On peut aussi organiser des rencontres et des débats avec les fournisseurs (visite de nouvelles fabrications, avec débats sur les problèmes que posent les solutions techniques retenues). La coopération peut aussi être plus poussée et consister en relations techniques durables entre les deux entreprises par association de leurs bureaux d’études et de méthodes.

Les dernières applications de l’analyse des valeurs ont porté sur les activités fonctionnelles de l’entreprise, celles qui, sous le nom de services de frais généraux, sont les plus éloignées de la production matérielle des biens (services d’études et de dessin, services commerciaux, services administratifs de toute nature, etc.).