Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Valenciennes (suite)

La Réforme protestante fait à Valenciennes suffisamment de progrès pour que, en 1566, les Réformés soient un moment les maîtres de la ville. Déclarée rebelle, prise par les Espagnols en 1567, celle-ci vit sous la terreur du duc d’Albe, mais elle reste fidèle à l’Espagne — qui assure ses débouchés commerciaux et sa prospérité culturelle — durant les troubles des Pays-Bas (1576-1582) et la guerre des trois Henri (1582-1598). Si bien que c’est sans joie que, le 17 mars 1677 — après un siège long et meurtrier —, les Valenciennois se rendent aux troupes de Louis XIV : le roi de France laisse d’ailleurs à la ville et à sa bourgeoisie leurs privilèges (20 mars), qui sont entérinés par le traité de Nimègue (1678) : celui-ci fait de Valenciennes une ville française. Il n’empêche que Valenciennes connaît alors une pénible période d’adaptation, d’autant plus que s’y répercute la misère sanglante des dernières guerres de Louis XIV (Malplaquet, 1709 ; Denain, 1712).

Siège de l’intendance du Hainaut, Valenciennes jouit au xviiie s. d’une grande prospérité, grâce, notamment, à la draperie, à la dentelle et aussi à l’exploitation du charbon de terre dans les environs. C’est alors qu’elle mérite pleinement le titre d’« Athènes du Nord » : car, bien avant la création de l’académie de peinture et de sculpture (1782), elle s’honore d’être la patrie, entre autres, des peintres Antoine Watteau* et Jean-Baptiste Pater (1695-1736) ainsi que du graveur Charles Eisen (1720-1778).

La vente des biens nationaux et les effets désastreux du siège de 1793 par les Autrichiens — Valenciennes a été le point de départ de l’armée du Nord — privent la ville d’une bonne partie de ses nombreux monuments religieux. Lors de la création des départements (1790), Valenciennes ne peut obtenir d’être le chef-lieu d’un département formé avec l’ancienne généralité du Hainaut : elle n’est que chef-lieu de district, titre qu’elle perdra en l’an VIII. Ville autrichienne du 30 juillet 1793 au 30 août 1794, elle connaît ensuite la Terreur jacobine (exécution d’émigrés, de prêtres réfractaires et de la communauté des Ursulines), mais la Convention reconnaît qu’elle « a bien mérité de la patrie » (1795).

Ruinée, la ville ne devient chef-lieu d’arrondissement qu’en 1824. Elle relève progressivement son commerce (toiles, dentelles) en attendant que l’exploitation intensive et diversifiée du bassin charbonnier en fasse la métropole industrielle de la vallée de l’Escaut. Parallèlement, sa renommée culturelle s’étend avec Jean-Baptiste Carpeaux* et bien d’autres artistes. Si bien que sous le second Empire se fortifie un courant d’opinion qui voudrait voir Valenciennes devenir le chef-lieu d’un département de l’Escaut : le poids économique et démographique de la ville et de sa région n’ayant cessé de s’accroître, cette question est plus que jamais à l’ordre du jour, d’autant que l’établissement d’un centre universitaire a récemment ravivé la tradition culturelle de la ville.

Valenciennes a beaucoup souffert des deux guerres mondiales ; en 1940, notamment, une bonne partie de son centre a été incendiée.

P. P.

➙ Escaut (l’) / Hainaut / Nord / Nord-Pas-de-Calais.

 H. Lancelin, Histoire de Valenciennes depuis ses origines (Giard, Valenciennes, 1933).

Valentin de Boulogne

Peintre français (Coulommiers 1591 - Rome 1632).


N’ayant jamais été oublié, comme le fut Georges de La Tour*, Valentin a connu cependant une sorte de purgatoire, d’où l’ont fait sortir les travaux de grands historiens d’art comme Hermann Voss et surtout Roberto Longhi. Son œuvre se trouve au centre d’une controverse sur la postérité du Caravage* : est-il légitime de qualifier de « caravagesques » des peintres qui n’ont pas directement connu le Caravage, dont les œuvres ne ressemblent à la sienne que par les thèmes traités et l’usage de la « manière brune » ? Au moins ces discussions restituent-elles à Valentin sa place parmi les grands peintres français de la première moitié du xviie s.

Fils d’un peintre et verrier de Coulommiers (dénommé comme lui Valentin de Boulogne — ou Boullogne, ou Boullongne), Valentin vivait déjà à Rome en 1613 si l’on en croit Joachim von Sandrart (1606-1688), qui l’a bien connu, et ne revint jamais en France. Il appartenait, comme Vouet*, Vignon*, Nicolas Tournier, Claude Mellan et d’autres Français, à un milieu cosmopolite d’artistes attirés par le prestige de la ville papale, la présence d’une importante clientèle et la liberté de la vie qu’on menait dans ce Montparnasse romain situé entre la piazza di Spagna et la piazza del Popolo. À partir de 1624, on le sait affilié à la compagnie des Bentvogels (ou Bentvuegels), rivale de l’académie de Saint-Luc, assemblée de joyeux garçons surtout allemands et néerlandais.

On ne possède guère de renseignements précis sur la peinture de Valentin avant une date avancée : 1627. La réputation du peintre paraît s’être étendue lentement depuis 1620, où les recensements ne le signalent que comme pittore francese, jusqu’à 1632, où il est qualifié de pictor famosus. La toile qui, avec ses contours fortement cernés, son clair-obscur dramatique et sa matière grasse, semble la plus ancienne est le Tricheur du musée de Dresde, longtemps attribué au Caravage ; on l’a aussi rapprochée d’un tableau de Bartolomeo Manfredi (v. 1580-1624), peintre italien dont l’œuvre, également mal connue, semble avoir exercé une grande influence sur les contemporains.

L’influence caravagesque est toujours sensible, autour de 1620, dans Jésus chassait les marchands du Temple (Galleria nazionale d’Arte antica, Rome), d’une exceptionnelle violence, tandis que celle de Simon Vouet est plus évidente dans le Christ et la Samaritaine (Galleria nazionale, Pérouse). Le goût pour l’horrible, caractéristique de l’époque, apparaît avec David et la tête de Goliath (collection privée, Suisse) et avec Judith (musée des Augustins, Toulouse), autre sujet propice aux oppositions de lumière et traité par divers caravagistes (Carlo Saraceni, Artemisia Gentileschi). Valentin a peint encore une Judith tuant Holopherne (v. 1626 ?, Musée national de Malte, La Valette), dont la composition transpose avec une impressionnante maîtrise celle d’un tableau du Caravage. Avec son riche coloris, la Réunion dans un cabaret (musée du Louvre) présente, à l’opposé, le registre le plus détendu de l’artiste. Dans le Concert du musée de Strasbourg, le Concert au bas-relief antique et le Concert à huit personnages — au lyrisme presque sauvage — du Louvre, la gravité des personnages est remarquable, comme leur exemption de toute vulgarité, à la différence des musiciens d’un Van Honthorst ou d’un Van Baburen. La composition simple et monumentale de la Cène (Galleria nazionale, Rome) a sans doute guidé le choix de L. David*, qui la copia pendant son séjour à Rome ; mais on a pu parler d’« anthologie caravagesque » à propos des visages des apôtres.