Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vagabondage (suite)

Pour qu’un tribunal retienne l’inculpation de vagabondage, le procureur doit établir les trois éléments constitutifs du délit : 1o l’absence de domicile certain et actuel ; 2o l’absence de moyens de subsistance (la loi se préoccupe moins de l’importance de la somme dont on dispose que de son origine avouable : ainsi, la possession de ressources immorales par le vol, la prostitution personnelle ou d’autrui n’évite pas la poursuite) ; 3o le défaut de métier ou de profession (celui-ci doit être habituel et ne pas résulter d’une infirmité, de l’âge ou d’un état de santé).

Les peines diffèrent selon les circonstances du délit : a) le vagabondage simple est puni d’un emprisonnement de trois à six mois ; b) si le vagabond est nanti de certaines sommes dont il ne justifie pas la provenance, il est passible de six mois à deux ans de prison ; c) s’il est trouvé déguisé ou porteur d’armes ou d’instruments d’effraction, ou s’il a exercé ou tenté d’exercer des violences, la peine prévue est de deux à cinq ans de prison, allant jusqu’à la réclusion criminelle si ces deux conditions se trouvent réunies. Pour les vagabonds de nationalité étrangère s’ajoute toujours l’expulsion du territoire national.

Le vagabondage des mineurs de dix-huit ans ne peut donner lieu qu’à des mesures de surveillance et d’assistance décidées par le juge des enfants : environ 2 000 mineurs français sont dans ce cas chaque année.

Depuis la loi du 13 avril 1946 (v. prostitution), on ne doit plus employer le vocable vagabondage spécial, autrefois délit propre au souteneur et qualifié désormais de proxénétisme.

Les criminologues s’interrogent sur l’opportunité du maintien de l’incrimination de vagabondage : il apparaît, en effet, que le vagabondage se résorbe plus par l’application de mesures sociales (centres de reclassement pour les valides, foyers, aide* sociale pour les handicapés ou pour les inadaptés) que par une répression qui n’apporte pas de solution définitive pour la majorité des sujets visés.

M. L. C.

Vague (Nouvelle)

Avant que Françoise Giroud l’emploie dans un article de l’Express pour qualifier un mouvement cinématographique, l’expression Nouvelle Vague désignait d’une manière générale tout ce qui semblait un peu nouveau ou qui paraissait en rupture, même superficielle, avec la société telle qu’elle s’était réinstallée quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale.


La formule convenait donc parfaitement pour évoquer un groupe plus ou moins uni de jeunes cinéastes qui s’insurgeaient en force contre un cinéma français dit « de qualité », mais d’une médiocrité singulière, aussi bien formellement que thématiquement.

Une revue, les Cahiers du cinéma, allait se trouver au centre de ce mouvement, dont les admirations frénétiques pour le cinéma américain, qu’il était alors de bon ton de traiter par l’ironie ou le mépris, allaient de pair avec une défense passionnée de la notion d’auteur de films. La Nouvelle Vague, cependant, ne fut pas à proprement parler une école, ni même un véritable mouvement, mais bien plutôt un moment, intense et finalement assez météorique, de l’activité cinématographique française, que l’on peut schématiquement situer, quant aux dates, entre 1958 et 1964.

Pendant ces six années, un certain nombre de nouveaux réalisateurs, pour la plupart issus de la critique, s’acharnèrent à détruire la forteresse que le cinéma et son industrie constituaient à l’époque. La Nouvelle Vague permit l’éclosion de nouveaux metteurs en scène, qui s’imposèrent aux côtés de réalisateurs déjà consacrés et qui renouvelèrent, dans une certaine mesure, l’art du film.

Au moins dans un premier temps, les cinéastes de la Nouvelle Vague parvinrent à imposer leurs premiers longs métrages par des budgets relativement modestes : À bout de souffle (1959) de J.-L. Godard, le Beau Serge de Claude Chabrol et les Quatre Cents Coups de François Truffaut — pour citer les œuvres des metteurs en scène issus de la rédaction des Cahiers du cinéma qui eurent d’emblée le plus de succès auprès du public — sont des réalisations qui devaient, à l’époque, avoisiner les cinquante millions anciens. D’autres réalisateurs, eux aussi anciens critiques de la même revue, n’eurent pas la chance de voir leurs films couronnés de succès. Il en fut ainsi du Signe du Lion d’Éric Rohmer, du Bel Âge (1958) de Pierre Kast (né en 1920, qui avait auparavant tourné un premier long métrage « commercial », Un amour de poche, en 1957), de l’Eau à la bouche (1959) de Jacques Doniol-Valcroze (né en 1920) et de Paris nous appartient de Jacques Rivette. En plus de leur faible coût, tous ces films avaient en commun qu’ils étaient avant tout des œuvres écrites par leurs réalisateurs, rendant soudain caduque la notion de scénariste.

Le parti pris du film « bon marché » permit à la Nouvelle Vague d’accueillir dans ses rangs des cinéastes qui ne venaient pas de la critique cinématographique, mais du montage ou d’écoles de cinéma, comme Agnès Varda, dont la Pointe courte reste un des films les plus personnels, Alain Resnais, qui avait tourné d’innombrables courts métrages avant de signer Hiroshima mon amour (1959), et même Jean-Pierre Melville, dont les méthodes de tournage, l’indépendance et l’originalité firent, du Silence de la mer (1948) à Bob le flambeur (1955) et Deux Hommes dans Manhattan (1958), un précurseur du mouvement.

L’équipe des Cahiers du cinéma tenta également d’« annexer » des réalisateurs plus âgés, tels Chris Marker (né en 1921), ancien romancier devenu spécialiste du reportage « romancé » avec Lettre de Sibérie (1958), Description d’un combat (1960), Cuba Si (1961) et le Joli Mai (1962), ou Georges Franju (né en 1912), qui signa son premier long métrage, la Tête contre les murs, en 1958.

De leur côté, encouragés par le succès de ces films à petit budget qui rapportaient beaucoup plus que de dispendieuses superproductions, les producteurs donnèrent leur chance à une centaine de nouveaux venus. C’est ainsi que, succédant à Roger Vadim — étiqueté cinéaste de la Nouvelle Vague depuis Et Dieu créa la femme, tourné pourtant en 1956 —, des cinéastes comme Michel Deville (Ce soir ou jamais), Philippe de Broca (les Jeux de l’amour), Jacques Demy (Lola), Jean-Pierre Mocky (né en 1929) [les Dragueurs, 1959], Louis Malle (Ascenseur pour l’échafaud) et même Édouard Molinaro (né en 1928) [le Dos au mur, 1957 ; Une fille pour l’été, 1959] se trouvèrent quasiment intégrés, à leur corps défendant, dans un mouvement auquel allait, certes, leur sympathie, mais dont ils se désolidarisèrent rapidement.