Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

Il ne faut pas négliger dans l’explication plus générale de la crise de croissance et d’adaptation que connaît alors l’Union soviétique la part des difficultés agricoles persistantes. En effet, après quelques succès, l’agriculture soviétique piétine ; le cheptel n’augmente que lentement ; la production de céréales reste inégale et insuffisante par rapport aux besoins nouveaux nés des progrès du niveau de vie.

L’Union soviétique obtient des résultats spectaculaires dans le domaine de l’espace. Elle lance le premier engin autour de la Terre en octobre 1957, le « Spoutnik », et envoie pour la première fois un homme dans l’espace, Iouri Gagarine (avril 1961). Ces succès ne peuvent cependant pas masquer les retards dans toute une série de domaines et un certain ralentissement de l’expansion. Il est vrai que les difficultés internationales ne permettent pas de diminuer dans des proportions suffisantes le budget militaire. Après la crise hongroise de 1956, la politique de « destalinisation » se heurte à des résistances de plus en plus vives au sein de la direction du parti. Majoritaires au sein du Praesidium, les opposants profitent en juin 1957 d’un voyage de Khrouchtchev en Finlande pour tenter de l’éliminer. Khrouchtchev réussit à convoquer le Comité central et à redresser la situation. Malenkov, Molotov, Kaganovitch et Maksim Zakharovitch Sabourov (né en 1900) sont exclus du Praesidium, Mikhaïl Gueorguïevitch Pervoukhine (né en 1904) redevient membre suppléant du Praesidium, à la place de Dmitri Trofimovitch Chepilov (né en 1905).

Quant à Boulganine, il doit démissionner en mars 1958 de son poste de président du Conseil ; il est remplacé par N. Khrouchtchev, qui cumule ainsi les postes de premier secrétaire du parti et de président du Conseil. En octobre 1957, le maréchal Joukov a été éliminé de la direction du parti et a perdu son poste de ministre de la Défense.

La situation internationale connaît encore des périodes de tension brutale. Les Occidentaux refusent de reconnaître la République démocratique allemande, qui se trouve affaiblie par l’hémorragie d’hommes (et surtout de cadres) qui l’atteint en raison de la fuite massive de ceux-ci par Berlin-Ouest. La question de Berlin aggrave la situation internationale.

En septembre 1959, Khrouchtchev se rend aux États-Unis sur l’invitation du président Eisenhower et il a avec lui de longues discussions à Camp David (Maryland). Malgré les bonnes paroles et les promesses faites de part et d’autre, la conférence au sommet (U. R. S. S., États-Unis, Grande-Bretagne et France), convoquée à Paris en mai 1960, ne peut même pas se réunir. Quelques jours auparavant, les Soviétiques ont abattu un avion « U-2 » qui survolait à haute altitude le territoire soviétique pour l’espionner.

Sans réussir vraiment à obtenir la détente internationale qu’elle souhaite et dont elle a besoin, l’U. R. S. S. voit se détériorer ses relations avec la Chine. Mao Zedong (Mao Tsö-tong) s’inquiète en effet du rapprochement soviéto-américain et le critique ; la presse chinoise met en cause la « destalinisation ». Elle réclame les territoires soviétiques d’Asie que les tsars ont annexés un siècle auparavant et accuse les Soviétiques de révisionnisme. La querelle, publique dès 1960, aboutit en 1963 à une rupture totale.

L’Union soviétique aide économiquement la révolution cubaine, victime du blocus américain ; les États-Unis vont même jusqu’à soutenir, en 1961, une tentative de débarquement d’émigrés anticastristes à la baie des Cochons. En août 1961, la R. D. A. décide, avec l’accord soviétique, de construire un mur destiné à interdire le passage de Berlin-Est à Berlin-Ouest.

En 1962, les Soviétiques installent à Cuba des fusées destinées à protéger la République cubaine d’une agression américaine. Kennedy, qui, en juin 1961, a rencontré Khrouchtchev sans succès à Vienne, décide d’empêcher la venue du matériel de guerre soviétique par bateaux à Cuba, et l’on peut craindre le pire, mais l’Union soviétique cède et retire ses fusées de Cuba, sans que les Américains arrivent cependant à détruire le socialisme cubain.

En 1961, le XXIIe Congrès du parti s’est livré à une condamnation vigoureuse de la politique de Staline et de quelques-uns de ses collaborateurs (Molotov, Kaganovitch, etc.). Il a adopté le nouveau programme du parti, qui reprend les perspectives du nouveau plan septennal sur la construction des bases du communisme et donne son accord au nouveau projet de statuts. Celui-ci prévoit une rotation plus grande des dirigeants jusqu’au niveau du Comité central non inclus. La nouvelle direction, élue à l’issue du congrès, n’est pas très différente de la précédente. Autour de Khrouchtchev, on trouve Vassili Ivanovitch Kozlov (1903-1967), Brejnev, Kossyguine, Podgornyï, Souslov et Mikoïan. Dans les mois qui suivent, la direction du parti connaît cependant de nombreuses modifications de détail.

L’application du plan septennal se heurte à des difficultés de plus en plus grandes. L’agriculture piétine. L’industrie progresse, mais à un rythme trop lent ; la situation ne s’améliore guère ; les relations avec les États-Unis ne sont pas bonnes, d’autant moins que commence alors la guerre du Viêt-nam ; les relations avec la Chine deviennent mauvaises.

En U. R. S. S., les difficultés entre le parti et les intellectuels s’accroissent, comme le démontre la violente sortie de Khrouchtchev contre l’art abstrait, à l’occasion de l’exposition du Manège en décembre 1962. Cependant, un jeune écrivain inconnu, Soljenitsyne*, reçoit l’autorisation de publier un livre où il utilise ses souvenirs de déportation : Une journée d’Ivan Denissovitch.

Les critiques commencent à s’accumuler contre Khrouchtchev, qui mène une politique de plus en plus personnelle et de plus en plus familiale. Contre lui, une coalition se noue qui profite de son absence — il se repose en Crimée — pour réunir le Comité central et l’obliger à démissionner en octobre 1964.