Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

Sur le plan intérieur, la reconstruction économique de l’Union soviétique est menée avec vigueur et obtient des résultats remarquables dans le domaine de l’industrie lourde et dans celui de la production des sources d’énergie au cours des quatrième et cinquième quinquennats (1946-1950, 1951-1955). Dès 1948-49, les chiffres de 1940 sont atteints ; ils sont dépassés de 2 à 3 fois en 1953.

L’U. R. S. S. devient ainsi la deuxième puissance industrielle du globe, bien que l’industrie légère reste encore très en retard. Le pays produit très peu d’appareils électroménagers et d’automobiles et pas du tout de textiles synthétiques. Quant à la situation agricole, elle est catastrophique, malgré l’optimisme des déclarations officielles : la production de céréales est en effet inférieure à celle de 1940 et très légèrement supérieure à celle de 1913. Quant au cheptel, il reste à peu près égal à celui de 1913. Le coton, la betterave à sucre et les pommes de terre sont les seuls produits dont la production a connu une augmentation sérieuse.

Ajoutons que l’effort militaire reste considérable, en premier lieu pour l’armement atomique — qui est en passe de devenir le plus puissant du monde — et que des sommes énormes sont dépensées pour l’industrie spatiale en cours d’établissement.

Si les conditions de vie restent médiocres, l’effort culturel est gigantesque. Les enseignements supérieur, moyen et technique font un bond en avant considérable. Sur le plan politique, le prestige de Staline est à son zénith malgré toutes les difficultés et les fautes du passé et du présent. Or, le système apparu dans les années 1920, mis en place et utilisé dans les années 1930, demeure, même si la terreur apparaît moindre après la guerre. Les camps de travail forcé subsistent et accueillent les millions de prisonniers de guerre soviétiques en Allemagne, que l’on considère comme des traîtres. L’épuration est moins vive au niveau de la direction ; mais Nikolaï Alekseïevitch Voznessenski (1903-1950), membre du Politburo, et de nombreux autres dirigeants du parti de la région de Leningrad sont exécutés sans jugement. Une tutelle sévère est exercée dans les domaines des arts, des lettres et des sciences. Sous la direction d’Andreï Aleksandrovitch Jdanov (1896-1948), responsable jusqu’en 1948 aux questions culturelles, un « réalisme* socialiste » étriqué est imposé aux écrivains. Trofim Denissovitch Lyssenko (1898-1976) triomphe en biologie. La lutte « contre le cosmopolitisme » dégénère vite en xénophobie. Einstein et Freud sont interdits. Toutes les grandes découvertes des temps modernes sont attribuées à des Russes, tandis que les travaux des savants étrangers sont voilés. Le culte de Staline prend des proportions inouïes. Staline dirige tout, et le parti lui-même doit lui obéir, au point qu’il n’y aura pas de congrès du parti communiste entre 1939 et 1952. Le bureau politique, le Comité central ne se réunissent plus.

En janvier 1953, des médecins d’origine juive sont arrêtés et accusés d’avoir monté un complot destiné à assassiner la plupart des dirigeants soviétiques : c’est le « complot des blouses blanches ». De plus en plus soupçonneux, Staline accuse ses plus anciens collaborateurs d’être des traîtres : Molotov, le maréchal Vorochilov, Anastas Ivanovitch Mikoïan (né en 1895).

Le 3 mars 1953, la radio de Moscou annonce que Staline a eu une congestion cérébrale. Le 5 mars, le dirigeant de l’U. R. S. S. meurt ; le 9 mars, il repose dans le mausolée de la place Rouge aux côtés de Lénine.


L’U. R. S. S. contemporaine (depuis 1953)

Désormais le terrain historique qui a donné naissance au stalinisme a en partie disparu. Il reste toutefois à supprimer les institutions les plus barbares qui ont organisé la terreur ; en outre, il faut développer la qualité de la production, améliorer le système de gestion et de planification hyper-centralisé et bureaucratique, porter remède aux maux dont souffre l’agriculture et créer enfin une industrie légère digne de ce nom.

Staline n’avait pas prévu sa succession. Le 6 mars, Gueorgui Maksimilianovitch Malenkov (né en 1902), qui avait été rapporteur principal au XIXe Congrès du parti (oct. 1952), s’attribue l’héritage avec la complicité de Beria et se nomme (sans réunion des organismes légaux) président du Conseil des ministres (l’expression a été rétablie en 1946) et Premier secrétaire du parti. Quant au Praesidium (qui remplace depuis le XIXe Congrès le Politburo), il est remanié, et le nombre de ses membres diminué ; Kossyguine, Brejnev et Mikhaïl Andreïeviteh Souslov (né en 1902) en sont éliminés en 1953 et 1954. Coup de théâtre le 21 mars (mais l’événement date du 14 mars) : Malenkov a dû abandonner ses fonctions de Premier secrétaire du parti ; Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev* le remplace officiellement en septembre.

Membre du Comité central depuis 1934, du Politburo depuis 1939, Khrouchtchev était depuis longtemps un des premiers dirigeants du parti. Il avait été secrétaire de la région de Moscou, puis du parti communiste d’Ukraine. Il était cependant moins connu que la plupart des autres dirigeants.

Le 16 avril, la Pravda (le journal du parti) dénonce « ceux qui violent le principe de la collégialité ». Dès le 4 avril, on avait annoncé la libération de 13 des 15 médecins arrêtés dans le complot des « blouses blanches » ; les deux autres étaient décédés des suites des tortures. Un décret d’amnistie libère plusieurs centaines de milliers de détenus. Avec l’arrestation de Beria, le chef de la police politique (annoncée le 10 juill.), et son exécution après un procès à huis clos (annoncée le 23 déc.), une page est tournée dans l’histoire de l’U. R. S. S., celle de la répression de masse et de la terreur sanglante qui s’est abattue sur le peuple et sur les communistes. En politique étrangère, la nouvelle politique soviétique se traduit par la signature de l’armistice en Corée (juill. 1953) et l’amélioration des rapports Est-Ouest, mais en même temps elle facilite, par sa nouveauté et ses incertitudes, les actions subversives dans les États de démocratie populaire.