Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

En avril 1942, celles-ci repartent à l’offensive sur le front méridional ; leurs objectifs sont Stalingrad* et le Caucase. Leningrad reste encerclé (le ravitaillement n’a pu parvenir que par le lac Ladoga, gelé en hiver), et les Allemands continuent à menacer Moscou. En juillet 1942, la résistance de l’armée rouge s’effondre de nouveau. Les Allemands pénètrent dans le Caucase, franchissent le Don et atteignent les faubourgs de Stalingrad. De nouveau, l’armée rouge réussit à contenir l’avance allemande dans le Caucase devant les champs de pétrole et sur la Volga devant Stalingrad. Mieux encore, par une manœuvre hardie, elle lance le 19 novembre une puissante contre-offensive qui permet d’encercler 22 divisions nazies, avec 300 000 hommes qui capitulent, le 2 février 1943, avec leur commandant en chef, le maréchal Paulus. La victoire de Stalingrad marque le début du déclin du IIIe Reich et a un retentissement énorme.

Dans toutes ces circonstances souvent difficiles — voire tragiques —, le courage des peuples de l’U. R. S. S. est extraordinaire. Pendant des mois, les habitants de Leningrad assiégée vivent avec moins de 100 grammes de pain par jour. L’occupation allemande est partout terrible : communistes et juifs sont exécutés ou déportés par millions ; des milliers de villages sont incendiés. Néanmoins, il n’y a que peu de traîtres. Aucun parmi les dirigeants politiques : un seul général, Andreï Andreïevitch Vlassov (1900-1946), constitue à partir de décembre 1942 une armée pour le compte des Allemands avec des gens de sac et de corde et aussi avec des dizaines de milliers de Russes prisonniers, qui obtiennent ainsi leur libération. Quant aux livraisons des territoires occupés, elles sont sept fois moins importantes que celles de la France occupée (dont la population est cependant moins importante que celle des territoires soviétiques occupés). Des détachements de partisans se livrent à une guerre acharnée sur les arrières des troupes allemandes, en particulier en Biélorussie et en Ukraine. L’effort de guerre est tout autant colossal dans les régions non envahies. Dès 1942, l’industrie de guerre soviétique fournit plus d’avions et de blindés que l’Allemagne hitlérienne.

Après Stalingrad, l’armée rouge avance vers l’ouest. En juillet 1943, elle repousse la dernière grande offensive allemande dans le saillant de Koursk. En novembre 1943, Kiev est libérée. En janvier 1944, Leningrad est délivrée de l’encerclement qui pèse sur elle depuis 900 jours terribles.

Pendant l’été de 1944, le territoire soviétique est complètement libéré (à l’exception des pays baltes, qui le seront à l’automne) et l’armée rouge commence à libérer la Pologne ; la Roumanie, vaincue, demande l’armistice (23 août), déclare la guerre à l’Allemagne et se débarrasse de son gouvernement fasciste. En janvier 1945, l’armée rouge pénètre en Prusse-Orientale et en haute Silésie. Elle libère presque toute l’Europe orientale et une partie de l’Europe centrale. Le 2 mai 1945, elle est à Berlin. Le 7 mai 1945, l’Allemagne signe à Reims la reddition inconditionnelle de la Wehrmacht, confirmée le lendemain à Berlin.

Au fil des ans, les relations entre les Alliés se sont améliorées malgré le retard mis à établir un second front. En novembre 1943 à Téhéran, Churchill, Roosevelt et Staline ont renforcé leur alliance. En février 1945, à Yalta (sur la côte de Crimée), ils confirment leur décision d’exiger la capitulation sans conditions de l’Allemagne. Ils tentent également, mais avec moins de succès, d’organiser le monde d’après guerre. Enfin, l’Union soviétique promet de déclarer la guerre au Japon dès la fin de la guerre contre Hitler ; elle recevra en contrepartie la moitié de Sakhaline, des îles Kouriles, de Port-Arthur et du chemin de fer de Dairen.

Dès avril 1945, l’U. R. S. S. dénonce le pacte de neutralité avec le Japon conclu en 1941 ; en août 1945, les troupes soviétiques libèrent la Mandchourie et aident l’insurrection populaire en Corée. Avec la capitulation japonaise du 2 septembre 1945, la guerre est terminée.

L’Union soviétique sort victorieuse mais exsangue d’une guerre longue et impitoyable. Elle déplore plus de 20 millions de morts. Les pertes matérielles sont également énormes : 7 000 villes, 70 000 villages ont été détruits, 31 850 usines, 65 000 km de voies ferrées, 428 000 wagons ont été endommagés. La production a baissé dans tous les domaines (par exemple de 40 p. 100 pour l’industrie des biens de consommation et l’agriculture). Mais l’armée rouge occupe l’est de l’Allemagne et l’Autriche. Elle a libéré la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Corée et le nord de la Chine ; le prestige et l’autorité de l’U. R. S. S. et de Staline sont immenses aux yeux de dizaines de millions d’Européens.

Les armées de la grande guerre patriotique (1941-1945)

« Puisse vous inspirer [...] le glorieux exemple de nos grands ancêtres, Alexandre Nevski, Dimitri Donskoï, Kouzma Minine, Dmitri Pojarski, Aleksandr Souvorov, Mikhaïl Koutouzov » (Staline aux combattants de l’armée rouge, 7 nov. 1941).

Après l’armée issue de la guerre civile — à laquelle M. V. Frounze, son organisateur des années 1920-1925, a donné le caractère d’une force de classe, celle du prolétariat soviétique, avant-garde du prolétariat mondial —, après la construction plus classique de Toukhatchevski*, communiste fervent mais avant tout militaire russe, qui sera brisée dans les purges sanglantes de 1937 et 1938, c’est la « grande guerre patriotique » de 1941-1945 qui consacre définitivement la marque « nationale » des forces armées de l’U. R. S. S. et en fait les héritières des grandes traditions militaires de l’ancienne Russie.

L’alerte avait été d’autant plus grave que, se refusant jusqu’au bout à croire à la possibilité d’une attaque brusquée de la Wehrmacht, Staline avait négligé la mise en état de défense de la nouvelle frontière germano-soviétique... L’ampleur de la défaite initiale, qui ne put être stoppée que devant Moscou, donne aussi la mesure du redressement accompli par l’armée rouge en dépit de pertes énormes et d’un territoire largement envahi. Ce sera l’œuvre d’un haut commandement entièrement renouvelé et qu’illustrent les noms de Chapochnikov*, Joukov*, Koniev*, Malinovski*, Rokossovski*, Timochenko*, F. I. Tolboukhine, A. M. Vassilievski..., disposant d’une troupe qui témoigne au plus haut point des qualités d’endurance et de patriotisme du soldat russe.