Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Auvergne (suite)

L’art de l’Auvergne et du Velay

Parmi les nombreux trésors de l’âge du bronze conservés au musée de Clermont, il faut mettre à part le casque des Martres-de-Veyre, d’une beauté exceptionnelle. Dolmens et menhirs ne manquent pas.

À l’époque romaine, sous le règne de l’empereur Claude, un temple fut élevé sur le sommet du puy de Dôme, dont subsistent d’importants soubassements et des terrasses de blocs cyclopéens. Il était dédié à Mercure, mais il resta un centre religieux du culte gaulois. Lezoux, avec ses cent soixante fours de potiers, devint un centre international de céramique sigillée, vendue jusqu’au Rhin. Quantité de vases rouges vernissés, décorés de scènes en relief, témoignent de cette industrie prospère. Au Puy, des bas-reliefs, restes d’un édifice romain considérable, ont été remployés dans les substructions de la cathédrale.

Les ve et vie siècles ont laissé de fort beaux sarcophages chrétiens. Il faut ensuite attendre le xe s., par-delà les grandes invasions, pour voir émerger de nouveau la civilisation autour des centres vivants de culture qu’ont été les abbayes d’Aurillac, de Manglieu, de Mozac, de La Chaise-Dieu, etc. Ce grand mouvement religieux prépare la floraison architecturale romane du xiie s. En haute Auvergne, Notre-Dame de Mauriac se rattache encore au Limousin*. Mais, en basse Auvergne, on a pu parler d’école clermontoise en raison d’un type d’église bien caractérisé, qui se retrouve, dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de Notre-Dame-du-Port, à Clermont-Ferrand*, à Saint-Nectaire, à Orcival, à Issoire, à Saint-Saturnin. Le plan comporte, au-delà du narthex, une nef flanquée de collatéraux, un transept débordant et un chœur à déambulatoire circulaire, flanqué de chapelles rayonnantes (sauf à Saint-Saturnin). La nef est à deux étages (grandes arcades et tribunes), aveugle et voûtée en berceau continu. Les poussées de la voûte centrale sont contre-butées par les demi-berceaux couvrant les tribunes, les bas-côtés étant voûtés d’arêtes. La croisée du transept, épaulée de deux demi-berceaux surélevés, reçoit une coupole sur trompe ; un massif barlong sert de base au clocher-lanterne. Le chœur, dressé en général sur une crypte, se termine par une abside en cul-de-four.

Les chapiteaux historiés attestent la qualité exceptionnelle de l’atelier des sculpteurs clermontois. Il convient aussi de rendre hommage aux Vierges en majesté qui continueront à être sculptées jusqu’à la fin du xiiie s. et qui atteignent parfois à une émouvante spiritualité. Le buste-reliquaire de saint Baudime à Saint-Nectaire est un chef-d’œuvre de l’orfèvrerie sacrée médiévale, comme la châsse limousine de Mozac (xiie s.).

L’élévation extérieure des chevets, avec la couronne de chapelles saillantes, le tambour central et le mouvement ascendant des volumes culminant dans le clocher octogone, forme une composition pyramidale d’un équilibre et d’une beauté monumentale parfaits. Longtemps, les archéologues ont cru que cette école si homogène était originale et avait influencé les provinces voisines. Il n’en est rien. Le type clermontois est une réduction presque exacte des églises dites « de pèlerinage » (Conques [v. Rouergue], Saint-Martial de Limoges, Saint-Sernin de Toulouse*). L’étude chronologique situe le groupe vers le milieu du xiie s., donc tardivement, et bien après Conques. Seule la nef d’Ennezat (1061) fait exception et peut être considérée comme un prototype ou, mieux, comme un jalon intermédiaire. Tout autre est la conception de la cathédrale du Puy*, qui accueille des influences mozarabes et byzantines, la ville jouant un rôle de plaque tournante européenne sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il faut aussi mentionner le monastère de Lavaudieu et l’église Saint-Julien de Brioude, auvergnate par l’élévation extérieure du chevet, vellave par son volume intérieur.

Le style gothique est un art importé à la suite des armées de Philippe Auguste. Il mettra en évidence les tentations contradictoires de l’Auvergne prise entre gens d’oïl et gens d’oc. La cathédrale de Clermont sera à l’image des premiers : elle traduit les leçons de l’Île-de-France dans la sombre pierre de Volvic. Tout aussi « nordique » sera la cathédrale de Saint-Flour, plus tardive et plus modeste à cause de la guerre de Cent Ans. C’est le maître Hugues Joly — homme de confiance du duc Jean de Berry — qui en établit les plans en 1396. Le même architecte, en collaboration avec Guy de Dammartin et pour le même duc mécène, avait eu la responsabilité de la Sainte-Chapelle de Riom (1380-1390) ; celle-ci est éclairée de beaux vitraux, où se retrouve l’élégance raffinée de la Vierge à l’oiseau de l’église du Marthuret (à Riom également), héritée du style parisien.

Par contre, l’esthétique méridionale, adoptée le plus souvent dans les églises des ordres mendiants, s’impose à l’abbatiale de La Chaise-Dieu (1344-1378), dessinée par le Provençal Hugues Morel pour le pape Clément VI, ancien moine de l’abbaye. Les proportions très larges de la nef, l’absence de tribunes sur les étroits bas-côtés déterminent un volume lumineux d’une ampleur qui surprend. Une peinture murale célèbre, la Danse macabre (xve s.), des stalles sculptées, le tombeau en marbre noir de Clément VI, une suite de tapisseries tissées sur des cartons flamands (début du xvie s.) contribuent à orner le sanctuaire, de style flamboyant.

L’architecture civile et militaire n’a pas été moins productive en Auvergne. Ce pays hérissé de pitons et d’escarpements naturels commandant de vastes horizons était particulièrement propice à la défense. Même réduits à l’état de ruines romantiques (Mauzun, Buron, Nonette, Léotoing, Usson, Domeyrat, Château-Rocher, Alleuze), beaucoup de châteaux forts sont encore impressionnants et permettent de suivre l’évolution des techniques de siège du xiiie s. au début du xvie. Parmi eux, Tournoël, Murols et Polignac sont les plus connus. Certains ont de remarquables décors de peintures murales : à Saint-Floret, le roman de Tristan et Iseult (fin xive s.) ; à Villeneuve-Lembron, pour un ministre de Louis XI et de Charles VIII, les allégories misogynes de la Bigorne et de la Chicheface ; à Anjony, la magnifique suite des preux, de style Renaissance (xvie s.).