Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

L’opposition au pouvoir soviétique s’organise cependant. Kerenski* regroupe ses partisans et tente de reprendre Petrograd, mais il est vaincu le 14 (1) novembre 1917 sur les hauteurs de Poulkovo. À Moscou, de violents combats opposent les détachements rouges et les Blancs. Plusieurs centaines de jeunes soldats rouges sont exécutés à l’intérieur du Kremlin par les Blancs. Le soviet de Moscou n’est maître de la ville que dans la nuit du 16 au 17 novembre.

Dans le Sud, de véritables armées blanches commencent à se constituer dès la fin de 1917. De nombreuses nationalités décident de constituer des États indépendants : la Finlande, l’Ukraine, les nationalités du Caucase.

Plusieurs puissances étrangères utilisent les circonstances pour étendre leur influence. C’est le cas des Turcs dans le Caucase, des Japonais en Extrême-Orient. Quant à l’Allemagne, elle entend profiter de la révolution pour écraser la Russie. Un armistice a été conclu le 15 (2) décembre 1917, mais les négociations de paix traînent en longueur à Brest-Litovsk. Les exigences allemandes sont très élevées et suscitent de violentes réactions du côté soviétique. Lénine, favorable à leur acceptation par réalisme — car il est impossible d’opposer une résistance sérieuse aux Allemands (« il faut perdre de l’espace pour gagner du temps ») —, est mis en minorité pendant plusieurs semaines. Il faut que la situation militaire s’aggrave pour que les soviets se décident à accepter les conditions allemandes, plus draconiennes encore : le 3 mars 1918, la paix de Brest-Litovsk, humiliante mais nécessaire, est signée. La Russie soviétique doit renoncer à la Pologne, à la Finlande, à l’Ukraine, aux États baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) et à une partie de la Biélorussie. Il lui faut démobiliser l’armée, payer une forte indemnité de guerre, céder des territoires à la Turquie, accepter une commission de contrôle allemande à Moscou, où le Conseil des commissaires du peuple s’était installé, abandonnant Petrograd, trop exposée à l’invasion.

La signature de la paix à Brest-Litovsk, si elle permet au jeune pouvoir soviétique de gagner du temps, aggrave les difficultés internes de la révolution. Depuis décembre 1917, les sociaux-révolutionnaires (S. R.) de gauche collaboraient au gouvernement avec les bolcheviks ; mais ils démissionnent après la signature du traité de Brest-Litovsk.

La Russie connaît alors une période de véritable décomposition et de désordre total. Les Allemands s’emparent d’une partie de l’Ukraine. Des détachements tchèques (appartenant à l’armée autrichienne, faits prisonniers par les Russes et constitués en unités militaires) se révoltent contre les soviets. Les Turcs occupent presque tout le Caucase, et les Japonais Vladivostok ; des armées blanches se constituent dans la région du Don, dans les steppes de la Volga et en Sibérie.

Pour lutter contre le désordre, les menaces étrangères et la contre-révolution intérieure, les bolcheviks décident la création de l’armée rouge, dont la constitution est confiée à Trotski, devenu en mars 1918 commissaire du peuple à la Guerre. L’industrie et le commerce sont nationalisés en juin 1918. Des mesures d’exception sont prises contre la spéculation. Cependant, la répression reste relativement modérée jusqu’en août 1918.

En juillet 1918, après l’assassinat de l’ambassadeur d’Allemagne à Moscou, le comte Wilhem von Mirbach (1871-1918), les sociaux-révolutionnaires de gauche tentent un putsch antibolchevik à Moscou et dans plusieurs autres villes. Ils échouent, et leur tentative marque la fin de l’essai d’union entre socialistes et bolcheviks. Elle conduit le régime soviétique au régime du parti unique.

Britanniques et Français interviennent à leur tour en Russie et débarquent de mai à août 1918 des troupes dans le Nord, à Arkhangelsk et à Mourmansk.

Le 30 août 1918, Lénine est blessé sérieusement par une socialiste révolutionnaire de droite, Fanny Roid-Kaplan. Le même jour, un dirigeant bolchevik de Petrograd, Moisseï Solomonovitch Ouritski (1873-1918), est assassiné. La terreur blanche fait rage dans tout le pays, livré aux exactions des Blancs et des interventionnistes étrangers.

En septembre 1918, la terreur rouge répond à la terreur blanche. Déjà, en janvier 1918, les bolcheviks ont dissous l’Assemblée constituante, dont la majorité était antibolchevik. Les partis « bourgeois » ont été interdits, et leurs journaux suspendus ; en raison des événements, ces mesures s’étendront à tous les partis et à tous les journaux. Des tribunaux révolutionnaires ont été constitués. Enfin, une police politique, la Tcheka, a été mise sur pied en décembre 1917 par les bolcheviks. Au lendemain de la tentative d’assassinat contre Lénine, des otages ont été fusillés en masse dans les villes les plus importantes du pays.

À partir de septembre 1918, la guerre civile fait rage, dévastant le pays et faisant des centaines de milliers de victimes. Le plus étonnant, si l’on tient compte de la puissance de ses adversaires, c’est que le pouvoir soviétique l’ait emporté. On peut essayer de comprendre les raisons de cette victoire.

L’intervention étrangère est importante, mais elle reste divisée et partielle. L’Allemagne dépose les armes le 11 novembre 1918, et la Turquie a signé quelque temps auparavant l’armistice de Moudros. Quant aux vainqueurs de la Première Guerre mondiale, ils sont dans l’incapacité, en raison de la résistance de l’opinion publique et de l’épuisement de leurs forces, d’intervenir massivement. Les troupes françaises débarquent à Odessa en 1919, mais une partie de la flotte française de la mer Noire refuse de se battre, les soviétiques reprennent la ville : limitée quant à ses objectifs, cette « révolte » n’en est pas moins significative de l’état d’esprit des peuples européens. L’intervention étrangère se traduit aussi par l’envoi de spécialistes, d’armes, de fonds aux armées blanches et par le boycott systématique des soviets dans tous les domaines.