Updike (John) (suite)
Bech : a Book (Bech voyage, 1970) pose le problème de l’écrivain dans le monde moderne. C’est moins un roman qu’un subtil portrait à facettes d’un écrivain juif qui fait penser à Saul Bellow. Livre-miroir, Bech présente sept aspects d’un intellectuel qui rêve en voyageant, découvre l’Europe communiste, le snobisme londonien et même la drogue. Timide et gaffeur, exploité mais critique, ce nouveau Candide visite au fond le labyrinthe de l’angoisse existentielle. Mais il ne s’y laisse pas enfermer. Il s’en sort avec humour, demeurant jusque dans la critique « humain trop humain ».
En 1971, avec Rabbit redux (Rabbit rattrapé), Updike revient au personnage de Rabbit. Résigné, revenu à sa famille, celui-ci est, cette fois, abandonné par sa femme. Cocu et chômeur, il tente de se recycler en abritant des anarchistes et des drogués. Il faudra un incendie pour le tirer de son égarement idéologique. Updike passe ici en revue les principaux aspects de la crise américaine : drogue, conquête de l’espace, problème noir, libération de la femme, enfance délinquante... Longtemps considéré comme non engagé, Updike montre ici son intérêt pour les problèmes sociaux. Mais le roman y perd en dimension métaphysique.
Ainsi, ce styliste semble avoir composé peu à peu une comédie de mœurs, faite d’instantanés, qui s’élargit jusqu’à englober les principaux problèmes de son temps et à les situer dans une perspective éternelle et métaphysique. Pleinement conscient de la crise de civilisation, il demeure un modéré, avec une tendance au conservatisme puritain. Parti d’une conception assez superficielle et précieuse de l’écriture, il est parvenu à voir dans l’écriture esthétique la meilleure manière de lutter contre la corruption et la désintégration sociale. Paradoxalement, cet esthète a donc trouvé dans l’écriture une forme d’engagement. Il reste que l’œuvre à venir modifiera peut-être ce jugement sur un écrivain doué, brillant, mais profondément troublé.
J. C.
J. Cabau, la Prairie perdue. Histoire du roman américain (Éd. du Seuil, 1966). / D. D. Galloway, The Absurd Hero in American Fiction (Austin, 1966 ; nouv. éd., 1970). / P. Dommergues, les U. S. A. à la recherche de leur identité (Grasset, 1967). / H. M. Harper, Desperate Faith (Chapel Hill, North Carolina, 1968). / M. Saporta, Histoire du roman américain (Seghers, 1970).
