Tyr (suite)
Après le règne d’Hiram Ier, le désordre politique trouble fréquemment la cité. La princesse Didon, sœur du roi Pygmalion, après avoir trempé dans un complot, passe pour avoir mené le groupe d’émigrants qui allait fonder Carthage* (v. 825-819). Les rois assyriens, envieux de la prospérité tyrienne, portent à la ville des coups nombreux : ce sont sièges (sous Shoulmân-asharêdou IV [Salmanasar], puis sous Assour-bânapli [Assourbanipal], 669 - v. 627) et tributs à verser, au moment même où l’activité maritime en Occident subit fortement la concurrence des Grecs et des Étrusques. Celle-ci est bientôt relayée par celle de Carthage, qui crée à son tour une colonisation côtière. Le roi de Babylone* Nabuchodonosor fait subir à Tyr un siège prolongé qui aboutit à la destruction des quartiers de terre ferme (v. 585-572). La ville se replie dans l’île, puis tombe sous la domination des Perses (539). Alexandre* le Grand en entreprend à son tour un siège qui nous est connu dans ses détails : les ruines parsemées sur le continent servent à construire une puissante chaussée qui mène à l’île ; jamais détruite, cette chaussée fut le point de départ de l’ensablement des ports qui forma petit à petit le tombolo actuel. La cité insulaire est détruite. Un grand nombre d’habitants sont réduits en esclavage, et les notables sont exécutés (janv.-août 332). Reconstruite, Tyr est colonisée par les Macédoniens. Une certaine prospérité réapparaît alors, qui se maintient sous la domination romaine (64 av. J.-C.). La population s’hellénise beaucoup, bien que le menu peuple conserve l’usage de l’araméen, qui s’est substitué au phénicien. Pline décrit Tyr comme une ville déchue, mais la fabrication des tissus de pourpre (la « pourpre tyrienne ») et la verrerie l’animent toujours, comme les étudiants qui affluent, attirés par l’enseignement philosophique de Maxime de Tyr (seconde moitié du iie s. apr. J.-C.) et de Porphyre (234 - v. 305).
Le christianisme s’implante de bonne heure, et un siège épiscopal y est fondé dès le iie s. En 638, l’invasion arabe condamne la ville à entrer dans une longue période de sommeil. Occupée par les Turcs Seldjoukides en 1089, Tyr est prise le 7 juillet 1124 par les croisés (aidés des Vénitiens), qui en font une des cités les plus florissantes du royaume latin de Jérusalem. Les Vénitiens, qui disposent du tiers de la ville, lui font recouvrer une forte activité commerciale par l’exportation des produits de son industrie et de l’arrière-pays (vins, verrerie, céramique, soieries).
Sur les restes de la basilique du ive s. est entreprise v. 1127 la construction d’une cathédrale où sont remployées de belles colonnes de granit égyptien qui doivent provenir des temples païens antiques (celui de Melqart ou celui de Jupiter).
En 1291, effrayés par l’arrivée des Mamelouks, les habitants chrétiens prirent la fuite, laissant le champ libre aux dévastateurs. Depuis, Tyr n’a plus guère eu que l’apparence d’un gros village, entouré de ruines exploitées comme des carrières. On voit encore, outre d’importants tronçons des remparts médiévaux, quantité de tombeaux, les traces d’un grand aqueduc antique et, sous les eaux marines, les restes de digues et de constructions portuaires. Après la Seconde Guerre mondiale, des fouilles ont mis au jour des constructions, des dallages et des mosaïques des époques hellénistique et romaine.
R. H.
➙ Phéniciens.
C. Autran, Tyr égéenne, son nom et la route des Indes (Geuthner, 1928 ; 2 fasc.). / R. Dussaud, Topographie historique de la Syrie ancienne et médiévale (Geuthner, 1929).