Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tunisie (suite)

Au centre, le sillon de la Medjerda (Madjrada) et de ses annexes introduit un chapelet de plaines plus fertiles au cœur de la Tunisie. Sous un climat encore assez humide, l’agriculture dispose de bonnes terres argileuses pour les cultures de blé et d’orge, de riches parcours pour les ovins et les bovins, de quelques terroirs favorables à la vigne ou à l’olivier. Ce sillon, en fait assez discontinu, prolonge dans l’intérieur les qualités de la Tunisie maritime. Romains et Français s’y étaient installés. Les petites villes animées par les souks y sont nombreuses au contact de populations très diversifiées. Le passage de la voie ferrée et de la route vers l’Algérie souligne encore l’intérêt de cette situation.

Plus au sud, le haut Tell et la Dorsale opposent au contraire à la mise en valeur un relief plus âpre et un climat plus rude. La Dorsale aligne du sud-ouest vers le nord-est une série de chaînons calcaires aux altitudes absolues assez réduites, mais aux dénivellations très vigoureuses : le djebel Zaghouan (djabal Zarhwān) [1295 m], le djebel Serdj (djabal al-Sirs), le djebel Bargou et le djebel Chambi (djabal al-Cha’ambī) [1 544 m], point culminant de la Tunisie. Le climat oppose les rudesses combinées d’un hiver froid et d’un été chaud et très sec. Aussi la colonisation n’a-t-elle pénétré que très marginalement dans ce monde difficile, où des nomades sédentarisés pratiquent une agriculture extensive sur la base « blé dur-orge-moutons », tandis que quelques vieux villages de sédentaires perchés dans des replis montagnards perpétuent une arboriculture un peu plus intensive.

Au sud de la Dorsale, les horizons s’élargissent en de vastes plateaux qui se prolongent jusqu’à la mer. Les densités de population diminuent encore. Les forêts et les buissons de pins d’Alep et de chênes verts disparaissent complètement, laissant place au tapis ras de la steppe. Sous les rudes conditions de l’aridité, c’est déjà le Sud.


Le Sud tunisien

Il groupe sur un peu plus de la moitié du territoire national un peu moins du dixième de la population. C’est montrer la faiblesse des densités, toujours inférieures à 10 et souvent à 1, et la rudesse des conditions naturelles, marquées par la chaleur et l’aridité ; sans irrigation, l’agriculture est impossible. Cependant, cette Tunisie du Sud se révèle aussi variée dans les aspects de son milieu que riche de possibilités. Elle oppose les étendues steppiques du sud de la Dorsale au désert du Grand Erg oriental au sud du Djérid (al-Djarīd), les montagnes des Ksour ou celles qui encadrent le Djérid aux étendues de plateaux et de plaines, les curieux villages enterrés des Maṭmaṭa aux palmeraies de Tozeur (Tosir), de Nefta (Nafṭa) et de Djerba (Djarba). Univers des oasis sur les rivages du golfe de Gabès ou de la « mer des sables », contact ancien des nomades et des agriculteurs, des marchands et des marins, elle participe à la vieille civilisation des confins sahariens et se laisse fasciner par les nouveaux attraits du tourisme et du pétrole.


La population

Dans ses origines, la population est d’une étonnante diversité. De nombreuses strates de civilisations s’y mélangent, particulièrement dans les villes. Aux vieux fonds dont les origines remontent à la préhistoire, les Berbères, c’est-à-dire les « Barbares », se sont ajoutés les Phéniciens et les Romains, les Arabes poussés par les deux grandes migrations du viie et du xie s., les Andalous chassés d’Espagne, les Turcs qui établirent leur tutelle sur la « Régence » depuis le xviie s. jusqu’au xixe s., les Maltais, les Italiens et enfin les Français. Il convient d’ajouter encore les communautés juives des villes et de Djerba, les descendants d’esclaves noirs venus du sud du Sahara... Sous le protectorat français, de 1881 à 1956, la population européenne progressa de quelques milliers de personnes à un peu plus de 250 000. L’indépendance a entraîné le départ de la plus grande partie des Européens, qui sont maintenant environ 50 000, la plupart nouveaux venus comme coopérants.

En dépit de la diversité de ses origines, le peuple tunisien forme bien une nation. Terre d’islām depuis les premiers siècles de la conquête, comme l’attestent les vénérables mosquées de Tunis et de Kairouan, la Tunisie se rattache à la grande communauté des fidèles de cette religion. Mais l’histoire distingue nettement la Tunisie de ses proches. Les frontières ont été fixées sous les Turcs, consolidées sous le protectorat français, précisées après l’indépendance à la suite d’un différend avec l’Algérie. Par ses villes, par ses densités plus fortes, par ses mœurs, par l’influence française, la Tunisie se distingue bien de la Libye. Et si Algériens et Tunisiens ont beaucoup de points communs, ils s’opposent cependant par une tradition urbaine plus ancienne et plus dense en Tunisie et par l’histoire récente, où l’épisode colonial a moins longuement et moins cruellement marqué la Tunisie que son voisin algérien. Enfin, sous la direction du président Bourguiba, la Tunisie contemporaine souligne son originalité en maintenant d’étroites relations avec des États occidentaux comme la France et les États-Unis, tout en affirmant son appartenance au monde arabe et à l’univers des pays sous-développés.

La démographie, en effet, rattache bien encore la Tunisie à l’ensemble des pays où la population tend à croître plus vite que la production. En 1881, la Régence comptait environ 1,5 million d’habitants. Depuis une cinquantaine d’années, la progression ne cesse de s’affirmer : 2 100 000 habitants en 1921, 3 900 000 en 1956, 4 650 000 en 1966 (malgré le départ de la plus grande partie des Européens), plus de 5,7 millions en 1977. La population augmente d’un peu plus de 100 000 unités par an.

Dans ce mouvement, les migrations internationales interviennent assez peu et tendent plutôt à ralentir la progression générale. Au départ des Européens s’ajoute, en effet, l’émigration régulière de travailleurs vers l’Europe, le solde des dernières migrations s’élevant à environ 20 000 personnes par an.