Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tudors (les) (suite)

La politique extérieure d’Henri VII

Au cours de son règne, Henri a dû aborder deux situations bien différentes. La première est caractérisée par l’expansion française, la France essayant d’absorber la Bretagne et l’héritage de Marie de Bourgogne. La seconde est marquée par les guerres d’Italie, qui éloignent les dangers de l’Angleterre.

• Henri VII et la France (1488-1492). En effet, après avoir occupé une partie des domaines bourguignons après la mort de Charles le Téméraire, la monarchie française travaillait à annexer la Bretagne*. Or, la Bretagne avait un très grand intérêt pour l’Angleterre : puissance navale non négligeable, elle commandait l’entrée de la Manche. Occupé à assurer son pouvoir, Henri VII se contenta d’aider en sous-main les Bretons, en autorisant ses sujets qui le désireraient à se porter — mais à titre individuel — au secours des Bretons : en fait, c’est une véritable petite armée que lord Scales entraîna en Bretagne ; elle fut entièrement massacrée à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (28 juill. 1488), à la suite de laquelle le duc François II demanda la paix à Charles VIII*, qui la lui accorda au traité du Verger (ou de Sablé) [20 août 1488].

Henri VII se devait de réagir. Sur le plan intérieur, il se fit accorder d’importants subsides par les Parlements successifs. Même s’il eut parfois du mal à les lever (meurtre du comte Henry de Northumberland par des contribuables mécontents en 1489), il put se donner ainsi les moyens de sa politique. Ensuite, sur le plan extérieur, il se lia au roi d’Espagne Ferdinand II le Catholique*, âme de la coalition antifrançaise (traité de Médina del Campo, 27 mars 1489, qui prévoyait le mariage de Catherine d’Aragon et du prince Arthur), à l’empereur Maximilien* et au gouvernement breton dirigé par le maréchal Jean de Rieux (traité de Redon, février 1489, qui stipulait l’envoi de 6 000 Anglais en Bretagne, aux frais de la Bretagne).

Il convient cependant d’observer que la position d’Henri était assez faible : le traité avec l’Espagne le subordonnait à Ferdinand, à qui revenait la décision de mettre fin à la guerre ; Maximilien, occupé à la frontière hongroise, et les Bretons, divisés en de multiples factions, étaient des alliés peu sûrs. De fait, c’est aux Anglais qu’échut l’essentiel de l’effort militaire : si leurs troupes de Bretagne ne purent guère sortir des places fortes de Guingamp et de Concarneau, la garnison de Calais remporta une surprenante victoire sur une armée flamande hostile à Maximilien, à Dixmude (juin 1489). Pourtant, Maximilien abandonnait le premier la coalition, dès juillet 1489 ; enfin, le mariage de Charles VIII et d’Anne de Bretagne, héritière de François II (déc. 1491), ruinait défintivement la coalition.

Henri VII, s’il ne voulait pas perdre complètement la face, devait prendre l’initiative. Il le fit : grâce au bon état de ses finances, il put envoyer en octobre 1492 une formidable armée anglaise sur la côte française. Cette armée magnifique vint mettre le siège devant Boulogne... et huit jours après, à la grande fureur des Anglais, elle se rembarqua. En réalité, le gouvernement français se préoccupait surtout de l’Italie et n’entendait pas se laisser détourner de cet objectif. Quant à Henri VII, il n’avait aucun désir de se laisser entraîner dans une aventure militaire : il voulait simplement restaurer son prestige et surtout faire payer la note de ses précédentes entreprises à la France. Le traité d’Étaples (3 nov. 1492) lui donnait satisfaction : la France s’engageait à payer, par annuités, les arriérés dus en vertu du traité de Picquigny (1475) et les frais d’entretien des troupes anglaises en Bretagne. Malgré le mécontentement de l’opinion anglaise, qui avait le sentiment d’avoir payé d’énormes impôts pour permettre à Henri de réaliser une profitable opération financière, Henri avait incontestablement hissé l’Angleterre au niveau des grandes puissances européennes.

• L’Angleterre pendant les guerres d’Italie. Le tourbillon des guerres d’Italie* va permettre à Henri VII d’observer une habile attitude de neutralité, tout en cherchant à atteindre les objectifs qui lui paraissaient importants. Le premier de ces objectifs est de conclure avec le plus grand nombre de puissances possible des accords commerciaux favorables à l’Angleterre. Dans cette optique, ses relations avec la Flandre sont essentielles : si les intrigues de Marguerite de Bourgogne et l’affaire Perkin Warbeck entraînent d’abord l’Angleterre dans une véritable guerre économique, Henri conclut bientôt des accords extrêmement favorables avec Philippe le Beau. En fait, ici, intervient le second objectif de l’Angleterre ; il s’agit pour elle de conserver tout le bénéfice du traité de Medina del Campo sans risquer d’être impliquée dans une guerre avec la France, donc d’échapper à la domination de Ferdinand. Le jeu politique est très serré, car Henri VII et Ferdinand sont peu scrupuleux, aussi avides et intrigants l’un que l’autre. Peu à peu, cependant, Henri l’emporte : Ferdinand doit envoyer Catherine d’Aragon en Angleterre avec une partie de son énorme dot, et elle épouse en 1501 Arthur : mais ce dernier meurt six mois plus tard (1502).

Henri va reprendre sa politique selon trois orientations principales : renégocier un mariage entre Catherine et son second fils Henri (futur Henri VIII) ; améliorer ses relations avec le roi d’Écosse, Jacques IV, sur qui Ferdinand compte pour gêner l’action de l’Angleterre (ce sera fait par le mariage en 1503 de Jacques IV et de sa fille Marguerite) ; profiter au maximum des dissensions entre Ferdinand et Philippe le Beau, qui, après la mort d’Isabelle Ire la Catholique (1504), réclame la Castille au nom de sa femme, Jeanne la Folle. Cette politique, tortueuse et parfaitement sordide (chantage exercé sur Ferdinand en « coupant les vivres » à Catherine d’Aragon, confinée à Londres, tentative pour épouser, après la mort de Philippe [1506], Jeanne, alors qu’elle est dévorée par la folie), est couronnée de succès : traités commerciaux fructueux avec la Flandre et les Pays-Bas, contrôlés par un Philippe le Beau tout dévoué à son principal appui ; mariage enfin de Catherine et du prince Henri (1509). Même si la dernière année du règne est moins heureuse, il est évident qu’Henri a été capable de jouer un rôle politique essentiel en Europe. Ses succès, très profitables à l’Angleterre, ont été possibles parce que sa légitimité et la solidarité de son pouvoir n’étaient pas contestables, mais aussi parce qu’il avait construit un État impressionnant par son efficacité.