Troyes (suite)
Ce style rayonnant a produit un de ses chefs-d’œuvre dans l’église Saint-Urbain, construite à partir de 1262 grâce au pape Urbain IV, qui la fit élever à l’endroit où son père tenait son échoppe de savetier. Le chœur et le transept étaient terminés dès 1266. L’abside sans déambulatoire n’est plus qu’une paroi translucide divisée en deux étages, dont les réseaux se répondent. L’étage inférieur est dédoublé et déploie un écran léger d’arcades devant les fenêtres. L’élégance du décor, la disparition du mur, la simplification des étages sont autant de signes précoces d’un style qui devait marquer tout le xive s.
La seconde période d’éclat de l’art troyen, au xvie s., montre un mélange de traditions de l’art gothique flamboyant, de traits de la Renaissance italienne et de goûts bourgeois propres à la société troyenne de l’époque — qu’expriment bien les deux bonnes dames richement attifées du groupe sculpté de la Visitation de l’église Saint-Jean. On bâtit beaucoup à Troyes à cette époque, au début du siècle et après un incendie dévastateur survenu en 1524. C’est alors que s’élèvent les églises Saint-Nizier, Saint-Pantaléon, Saint-Nicolas, le chœur de Saint-Jean, qui sont autant de musées de la sculpture et du vitrail. Martin Chambiges († 1532) vient à Troyes terminer la cathédrale et construire sa façade. Des architectes troyens se distinguent aussi, comme Jean Faulchot († 1577) au portail sud de Saint-Nicolas. Jean Gailde († 1519) élève le jubé de Sainte-Madeleine. François Gentil (v. 1510 - v. 1588), Dominique Florentin, des sculpteurs anonymes, comme l’auteur de la Sainte Marthe de l’église Sainte-Madeleine, peuplent les églises de statues. Les maîtres verriers conçoivent des vitraux surtout narratifs, à nombreuses scènes juxtaposées, qui font de Troyes un des grands centres de la peinture sur verre jusqu’au xviie s., avec Linard Gontier, auteur en 1625 du vitrail du Pressoir mystique de la cathédrale.
L’hôtel de Vauluisant, l’hôtel de ville, le musée des Beaux-Arts illustrent l’architecture classique. Troyes a d’ailleurs enfanté deux grands artistes du siècle de Louis XIV, le sculpteur François Girardon et le peintre Pierre Mignard*, qui ont collaboré au retable de l’église Saint-Jean. De vieilles maisons à pans de bois et à étages en encorbellement complètent le décor artistique de la vénérable cité champenoise.
A. P.
R. Kœchlin et J. J. Marquet de Vasselot, la Sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au xvie s. Étude sur la transition de l’art gothique à l’italianisme (A. Colin, 1900 ; nouv. éd., F. de Nobèle, 1966). / P. Biver, l’École troyenne de peinture sur verre (G. Enault, 1935). / A. Moreau, Troyes et ses trésors (Nouv. éd. latines, 1964). / J. Roserot de Melin, Bibliographie commentée des sources d’une histoire de la cathédrale de Troyes (Impr. Paton, Troyes, 1966 et de Boccard, 1971 ; 2 vol.).