Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Troyes (suite)

Ce style rayonnant a produit un de ses chefs-d’œuvre dans l’église Saint-Urbain, construite à partir de 1262 grâce au pape Urbain IV, qui la fit élever à l’endroit où son père tenait son échoppe de savetier. Le chœur et le transept étaient terminés dès 1266. L’abside sans déambulatoire n’est plus qu’une paroi translucide divisée en deux étages, dont les réseaux se répondent. L’étage inférieur est dédoublé et déploie un écran léger d’arcades devant les fenêtres. L’élégance du décor, la disparition du mur, la simplification des étages sont autant de signes précoces d’un style qui devait marquer tout le xive s.

La seconde période d’éclat de l’art troyen, au xvie s., montre un mélange de traditions de l’art gothique flamboyant, de traits de la Renaissance italienne et de goûts bourgeois propres à la société troyenne de l’époque — qu’expriment bien les deux bonnes dames richement attifées du groupe sculpté de la Visitation de l’église Saint-Jean. On bâtit beaucoup à Troyes à cette époque, au début du siècle et après un incendie dévastateur survenu en 1524. C’est alors que s’élèvent les églises Saint-Nizier, Saint-Pantaléon, Saint-Nicolas, le chœur de Saint-Jean, qui sont autant de musées de la sculpture et du vitrail. Martin Chambiges († 1532) vient à Troyes terminer la cathédrale et construire sa façade. Des architectes troyens se distinguent aussi, comme Jean Faulchot († 1577) au portail sud de Saint-Nicolas. Jean Gailde († 1519) élève le jubé de Sainte-Madeleine. François Gentil (v. 1510 - v. 1588), Dominique Florentin, des sculpteurs anonymes, comme l’auteur de la Sainte Marthe de l’église Sainte-Madeleine, peuplent les églises de statues. Les maîtres verriers conçoivent des vitraux surtout narratifs, à nombreuses scènes juxtaposées, qui font de Troyes un des grands centres de la peinture sur verre jusqu’au xviie s., avec Linard Gontier, auteur en 1625 du vitrail du Pressoir mystique de la cathédrale.

L’hôtel de Vauluisant, l’hôtel de ville, le musée des Beaux-Arts illustrent l’architecture classique. Troyes a d’ailleurs enfanté deux grands artistes du siècle de Louis XIV, le sculpteur François Girardon et le peintre Pierre Mignard*, qui ont collaboré au retable de l’église Saint-Jean. De vieilles maisons à pans de bois et à étages en encorbellement complètent le décor artistique de la vénérable cité champenoise.

A. P.

 R. Kœchlin et J. J. Marquet de Vasselot, la Sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au xvie s. Étude sur la transition de l’art gothique à l’italianisme (A. Colin, 1900 ; nouv. éd., F. de Nobèle, 1966). / P. Biver, l’École troyenne de peinture sur verre (G. Enault, 1935). / A. Moreau, Troyes et ses trésors (Nouv. éd. latines, 1964). / J. Roserot de Melin, Bibliographie commentée des sources d’une histoire de la cathédrale de Troyes (Impr. Paton, Troyes, 1966 et de Boccard, 1971 ; 2 vol.).

Trucial States

Le terme de Trucial States (« les États de la Trêve ») s’appliquait jusqu’en 1971-72 à sept émirats de la côte arabe du golfe Persique (entre Qaṭar et Oman), qui constituent aujourd’hui la Fédération des émirats arabes unis. Ce sont Abū Ẓabī (ou Abū Dhabī) [46 000 hab. et 67 000 km2 env.], Dubayy (59 000 hab. et 4 000 km2), Chārdja (31 000 hab. et 2 600 km2), Fudjayra (10 000 hab. et 1 300 km2), ‘Adjmān (4 000 hab. et 250 km2), Umm al-Qīwayn (4 000 hab. et 1 800 km2), Ra’s al-Khayma (25 000 hab. et 2 000 km2). Les deux premiers ont des territoires cohérents et relativement importants, les cinq derniers sont composés de possessions dispersées, à multiples enclaves mutuelles, dans la péninsule de Musandam, qui commande le détroit d’Ormuz.



La géographie

La structure territoriale et humaine des divers émirats est très différente.

Abū Ẓabī, le plus important, comprend une large fraction des déserts intérieurs de l’Arabie orientale (extrémité du Rub‘al-Khālī), parcourue par des tribus nomades (Banū Yās, Manāṣīrs), ainsi que des groupes d’oasis (al-Djiwā’ ; al-Buraymī, ce dernier revendiqué également par l’Arabie Saoudite et dont al-‘Ayn est le centre principal). Un autre noyau important de population est constitué par la ville même d’Abū Ẓabī (22 000 hab. en 1968), bâtie sur une île immédiatement contiguë à la côte.

Dubayy est essentiellement une ville, port bien abrité dans une anse de la côte occidentale de la péninsule du cap Musandam. Elle concentre la quasi-totalité de la population de l’émirat, avec un arrière-pays presque totalement désertique.

Les autres émirats n’ont que des centres de population insignifiants, oasis ou petits villages côtiers, à l’exception de Chārdja (20 000 hab.) et de Ra’s al-Khayma (8 000 hab.), ports de la côte occidentale et orientale de la péninsule. Dans l’intérieur du dernier émirat, des reliefs rocheux abritent une population troglodyte, non arabe et mal connue.

Le nom collectif ancien et la destinée de cet ensemble assez hétérogène remontent au traité de paix perpétuelle signé en 1853, sous les auspices de la Grande-Bretagne et après plusieurs interventions de celle-ci, entre ces principautés, qui vivaient alors essentiellement de la piraterie et du commerce des esclaves, dans une discorde constante. En 1892, le protectorat britannique était formellement étendu aux Affaires étrangères de l’ensemble des émirats.

La vie de ceux-ci, après l’instauration de la paix britannique, fut essentiellement fondée, comme à Koweït et à Qaṭar, sur le commerce des barques (dhows) dans l’océan Indien et surtout, entre les deux guerres mondiales, sur la pêche perlière. Chārdja armait ainsi 350 bateaux dans ce but vers 1930. Le déclin intervint avec la concurrence des perles de culture japonaises. En 1945, toute la Trucial Coast n’armait déjà plus que 250 barques pour la pêche perlière, qui s’est aujourd’hui encore considérablement réduite. Seul le port de Dubayy trouva une intéressante activité de rechange dans la contrebande de l’or vers l’Inde (où le cours du métal précieux, dont l’importation particulière est interdite, est deux fois plus élevé que sur les marchés libres mondiaux). D’autres formes de contrebande (montres) s’y ajoutent et ont constitué, avec l’activité bancaire, les bases d’une solide prospérité commerciale (250 t d’or et près de 3 millions de montres auraient été importés et réexportés en 1970).