Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Trinité et Tobago (suite)

L’extraction des hydrocarbures est complétée par une importante industrie du raffinage et la pétrochimie. Texaco possède à Pointe-à-Pierre une raffinerie géante d’une capacité de plus de 18 Mt par an ; la Shell possède à Point Fortin une raffinerie d’une capacité de 5 Mt par an. Ces unités traitent non seulement le brut local, mais aussi du brut importé du Venezuela. La Trinité fournit ainsi entre 20 et 22 Mt d’hydrocarbures raffinés et de produits chimiques, qui sont en majeure partie exportés. Lé gisement de Pitch Lake produit 120 000 t d’asphalte « naturel » par an. Les industries pétrolières assurent environ la moitié des revenus de l’État et du P. I. B. et 90 p. 100 de la valeur des exportations. Un ensemble d’industries différenciées destinées à satisfaire les besoins du marché local et à exporter vers les pays caraïbes anglophones, la Guyane ainsi que vers l’Amérique du Nord s’est installé surtout dans l’agglomération de Port of Spain, encouragé par le gouvernement, qui accorde par l’intermédiaire de l’Industrial Development Corporation de nombreuses facilités financières et fiscales (usines d’alimentation, d’habillement, montage d’appareils électroménagers, de télévision, d’automobiles, matériaux pour la construction, etc.). La production d’électricité a triplé entre 1960 et 1970 (1,2 TWh).

L’agriculture est le point faible de l’économie. À Tobago, qui n’a pas d’autre ressource, mis à part le tourisme, elle est entrée dans une profonde décadence depuis le cyclone Flora en 1963. Les cocoteraies et les cacaoyères dévastées n’ont pas été reconstituées. À la Trinité, la principale activité agricole reste la culture de la canne à sucre, concentrée dans la région côtière occidentale sur 40 000 ha et dominée par une grande compagnie, la Caroni Limited, maintenant propriété de l’État, qui fabrique 90 p. 100 du sucre. Mais le secteur sucrier connaît de nombreuses difficultés, et la production de sucre a tendance à diminuer : 245 000 t en 1961, 213 000 t en 1971, 187 000 t en 1973. La consommation locale prélevée (45 000 t), le reste de la production est exporté.

Les autres productions agricoles ne sont que marginales : coprah (12 500 t), cacao (de 3 000 à 5 000 t), café, agrumes, racines et tubercules, légumes, bananes. L’élevage est très insuffisant. La Trinité doit importer une bonne partie de son alimentation. L’activité touristique (140 000 touristes en 1971) fondée à Tobago sur la beauté des sites et à la Trinité sur le folklore, rapporte des devises qui permettent d’éponger le faible déficit de la balance commerciale.

L’économie de l’État de Trinité et Tobago ne peut faire face à la demande d’emplois résultant de la croissance démographique. De ce fait, le pays connaît de vives tensions sociales, attisées par la structure multicommunautaire de la société. L’émigration ne joue qu’en partie un rôle de soupape de sûreté.

J.-C. G.


L’histoire

L’île de la Trinité, comme celle de Tobago, fut découverte par Christophe Colomb en 1498. Colonisée par les Espagnols, elle était, en 1532, dotée d’un gouvernement, et une capitale fut établie à San José de Oruña, près de l’actuel Port of Spain. Au cours du xviie s., la Trinité fut disputée aux Espagnols par les autres puissances européennes. En 1595, l’Anglais Walter Ralegh brûlait San José de Oruña ; en 1640, les Hollandais ravageaient l’île, imités par les Français en 1677 et en 1690.

Au xviiie s., de nombreux étrangers s’établirent à la Trinité, et, à la fin du siècle, beaucoup de familles françaises chassées d’Haïti et des autres îles par les troubles consécutifs à la Révolution s’y réfugièrent.

En 1797, au cours du conflit anglo-espagnol, une flotte commandée par le général anglais Ralph Abercromby cingla de la Martinique pour aller s’emparer de la Trinité. L’île capitula sans combat, et la Grande-Bretagne s’en vit officiellement reconnaître la possession par le traité d’Amiens en 1802.

La Trinité devint dès lors une colonie de la Couronne britannique, qui lui rattacha en 1889 l’île voisine de Tobago. Les Américains y découvrirent du pétrole en 1857, mais c’est seulement à partir du xxe s. que la production pétrolière devint la principale richesse de l’île, après que Winston Churchill eut décidé, en 1910, d’utiliser dans la marine le pétrole à la place du charbon.

En 1958, la Trinité fit partie de l’éphémère fédération des Indes-Occidentales, qui regroupa de 1958 à 1962 les anciennes Antilles britanniques. Cette fédération ayant éclaté, la Trinité forma avec Tobago un État indépendant dans le cadre du Commonwealth (31 août 1962). Le pays adhéra à l’O. N. U. en septembre 1962, puis à l’O. E. A. (Organisation des États américains) en 1967 ainsi qu’à une nouvelle organisation régionale créée en juillet 1974, la Communauté des Caraïbes (CARICOM), regroupant quatre anciennes possessions anglaises (Guyane, Barbade, Jamaïque et Trinité et Tobago) et devant remplacer la Caribbean Free Trade Area (CARIFTA).

Le Premier ministre, Eric Williams, qui gouverne l’île depuis l’indépendance, a dû faire face en 1970 à des mutineries de soldats, d’étudiants et de syndicalistes qui lui reprochaient sa complaisance envers les intérêts économiques des Américains. En 1971, des troubles raciaux ont éclaté dans l’île, où la population se partage entre les Noirs, descendants d’anciens esclaves, et les Asiatiques, originaires de l’Inde.

Pour résoudre les problèmes posés par la stagnation de l’agriculture (importations de produits alimentaires) et par l’explosion démographique, le gouvernement d’Eric Williams s’appuie sur les États-Unis, qui, ayant renoncé à la plupart des bases qui leur avaient été concédées en 1941, conservent encore celle du port de Chaguaramas.

P. R.

➙ Antilles.

 A. C. Hollis, A Brief History of Trinidad under the Spanish Crown (Port of Spain, 1941). / G. Carmichael, The History of the West Indian Islands of Trinidad and Tobago, 1498-1900 (Londres, 1961). / E. E. Williams, History of the People of Trinidad and Tobago (Port of Spain, 1962).