Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Trente Ans (guerre de) (suite)

Ferdinand II et les débuts du conflit (1618-19)

L’élection de Ferdinand de Styrie avec l’assentiment des Habsbourg d’Espagne à la couronne de Bohême (1617) ouvre la crise. Cet ancien élève des Jésuites, d’une piété austère, soumis à l’influence de son confesseur, le père Lamormain, va tenter de reprendre avec l’accord de l’Espagne et du Saint-Siège l’œuvre de reconquête catholique.

En Bohême et en Moravie, on commence à persécuter les protestants. Ceux-ci, prétextant la violation de la lettre de majesté, se révoltent et, le 23 mai 1618, précipitent par les fenêtres du Hradčany à Prague les conseillers impériaux Martinic et Slavata. Cette « défenestration de Prague » va déclencher un des plus terribles conflits des Temps modernes. Ayant constitué un gouvernement insurrectionnel et mis sur pied une armée, les protestants de Bohême proclament la déchéance de Ferdinand — devenu également empereur (sous le nom de Ferdinand II) à la mort de Mathias en mars 1619 — et choisissent l’Électeur palatin, Frédéric V, pour roi.

De religieux au départ, le conflit devient politique, mais, et c’est une conséquence lourde d’avenir, il se limitera spatialement au territoire de l’Empire, dont certaines régions seront terriblement ravagées.

Dans ce conflit, les protestants sont isolés au début. Jacques Ier d’Angleterre, bien que beau-père de l’Électeur palatin, refuse de soutenir son gendre, par solidarité avec le principe dynastique, remis en cause par les rebelles ; aussi, malgré l’aide pécuniaire des Provinces-Unies et militaire du prince de Transylvanie, Gabriel Bethlen (Gábor Bethlen), ils doivent laisser l’initiative aux catholiques. Ceux-ci sont appuyés par une armée espagnole envoyée par Philippe III, par les forces (le Maximilien Ier de Bavière, qui ambitionne le siège électoral du Palatin, et par celles de l’Électeur Jean-Georges Ier de Saxe, un protestant séduit par des concessions territoriales.


De la Montagne Blanche à l’intervention suédoise (1620-1630)

Le 8 novembre 1620, les armées de la Ligue commandées par Tilly (Jean t’Serclaes, comte de Tilly [1559-1632]) écrasent les protestants à la Montagne Blanche, près de Prague. Le sort de la Bohême est fixé pour trois siècles : le pays devient, avec la suppression des privilèges des États, une simple province de la monarchie des Habsbourg. La répression est sévère. Les chefs de la rébellion sont condamnés à mort et exécutés (juin 1621). La lettre de majesté est révoquée et, à partir de 1627, les Tchèques sont obligés de se convertir au catholicisme ou de quitter le pays dans les six mois. Les privilèges politiques sont abolis. La couronne de Bohême, d’élective en droit, devient héréditaire. Prague cesse d’être le siège de la Cour, qui va désormais résider à Vienne.

Le sort du Palatin n’est guère plus enviable ; ses États envahis par les troupes espagnoles, Frédéric V est mis au ban de l’Empire et exilé en Hollande. Une partie du Palatinat est donnée à Maximilien Ier de Bavière, qui, en 1623, reçoit le siège électoral détenu jusque-là par le Palatin.

En 1624, la victoire des catholiques est complète. Ferdinand II triomphe, mais il reste à la merci de ses puissants alliés, l’Électeur de Bavière et les Espagnols, dont les troupes s’installent pour trente ans en Rhénanie.

La guerre s’élargit dès 1625 par l’intervention d’un nouveau belligérant, le roi Christian IV de Danemark, qui, en tant que duc de Holstein, cherche à agrandir ses États aux dépens des principautés ecclésiastiques voisines du duché. Ses troupes trop peu nombreuses et commandées par Ernst von Mansfeld (1580-1626) se heurtent à celles de la Ligue catholique de Tilly et surtout à une armée proprement impériale dont le chef, Wallenstein* (1583-1634), va se révéler un des plus grands stratèges de son temps.

En 1626, tandis que Wallenstein écrase près de Dessau les armées de Mansfeld (25 avr.), Tilly, par la bataille de Lutter (27 août), délivre la Basse-Saxe. En 1627, Wallenstein et Tilly envahissent de concert le Holstein et une partie du Jylland et forcent le roi de Danemark à signer la paix de Lübeck (12 mai 1629).

L’intervention danoise, si elle ne modifie en rien l’équilibre des forces, a néanmoins une action décisive en incitant le roi de Suède, inquiet des ambitions impériales sur la Baltique, à s’engager à son tour dans le conflit.


La chevauchée victorieuse de Gustave-Adolphe (1630-1632)

En proclamant le 6 mars 1629 l’édit de Restitution, Ferdinand II va rendre impossible toute réconciliation. Cet édit, qui annule d’un seul coup toutes les sécularisations effectuées par les princes protestants depuis 1552, met de nouveau le feu aux poudres.

Gustave II* Adolphe, qui est animé d’intenses sympathies pour ses coreligionnaires et qui ambitionne un établissement suédois sur les côtes allemandes, trouve les princes protestants effrayés par l’édit de Restitution et prêts à collaborer avec lui. Il jouit en outre de l’appui financier de Richelieu* (traité de Bärwalde, janv. 1631), qui, selon une vieille tradition de la politique française, cherche à opposer les petits princes allemands aux Habsbourg. À la diète de Ratisbonne* (juill.-oct. 1630), le père Joseph a réussi à convaincre les Électeurs de ne pas élire roi des Romains le fils de Ferdinand II.

Un siècle après François Ier, Richelieu reprend la lutte contre la maison des Habsbourg, car, si deux souverains différents règnent à Vienne et à Madrid, les alliances familiales et religieuses entre les deux maisons sont si étroites que celles-ci mènent une politique étrangère commune, si bien que la France reste encerclée par les Habsbourg.

Après avoir conquis les duchés de Poméranie et de Mecklembourg et ses arrières étant assurés, Gustave-Adolphe devient le chef du parti hostile à l’empereur. Le 17 septembre 1631, ses troupes infligent une sanglante défaite à celles de Tilly, à Breitenfeld. Le roi de Suède se dirige ensuite vers la Rhénanie et envahit la Bavière en 1632.