Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Trente (concile de) (suite)

Le décret de justification est le plus long à formuler (6 mois), les pères étant divisés en tenants et en adversaires de la tradition augustinienne. En fin de compte, les pères ne tranchent pas entre les diverses écoles théologiques et se contentent de prendre leurs distances vis-à-vis des protestants. Cette attitude aura de lourdes conséquences puisqu’elle laisse la porte ouverte à toutes les controverses. La querelle janséniste, par exemple, en sera un des fruits (v. jansénisme).

On légifère sur les sacrements*, instruments de toute justification. Se référant à la scolastique médiévale, les pères opposent aux théories luthériennes, prônant la foi comme seule nécessaire à la justification, celle des sacrements, comme signes efficaces de celle-ci, en vertu de leur opération même. À propos de l’eucharistie*, ils affirment la présence réelle ; la transsubstantiation est donc opposée à l’impanation protestante. On proclame aussi la légitimité du culte des saints, de leurs reliques et de leurs représentations figurées.

Les décrets de réforme préconisent la résidence des évêques et des curés sur le lieu de leur juridiction. Ainsi, les évêques ne doivent pas s’absenter plus de deux mois. Ils sont tenus de visiter leur diocèse tous les deux ans et de réunir des synodes tous les ans, de même qu’ils doivent participer tous les trois ans aux conciles provinciaux. On interdit le cumul des bénéfices et on impose à chaque évêque la fondation d’un séminaire dans son diocèse pour la bonne formation de son clergé.

Les curés devront enseigner le catéchisme et prêcher tous les dimanches au cours de la messe paroissiale. La réforme de la vie monastique est décidée ; un âge minimal est fixé pour entrer dans les ordres : il est interdit aux religieux de posséder des biens personnels ; une clôture stricte est rétablie.

Cet énorme travail doctrinal et réformateur, élaboré en quelques années, ne se comprend que replacé dans une continuité. Car Trente, plus qu’une réponse à l’hérésie ou qu’un réflexe de défense, est l’aboutissement de toute une tradition ; il n’a été possible que grâce au développement des progrès théologiques, dont les ordres mendiants furent les dépositaires.

Ce qui domine, c’est la volonté de séparer le clerc du « monde » et, au-delà, de confondre l’Église avec le clergé. Mais cette différenciation du clerc est jugée indispensable, comme un temps de recréation nécessaire à l’Église, pour qu’elle puisse reprendre et échapper à la confusion temporel-spirituel.

Cette orientation recèle des difficultés et des dangers. La difficulté principale réside en ce que l’Église tridentine ne pourra pas se dégager pleinement de la société d’ordres à laquelle elle participe, c’est-à-dire du pouvoir temporel.

Le vrai triomphe du concile, c’est d’avoir contribué à la formation de l’« homme moderne ». Au travers d’une crise profonde — encore mal étudiée —, l’humanité chrétienne du xvie s. se découvre soudain menacée d’écrasement par un Dieu terrible et tout-puissant. Dans leurs décrets dogmatiques, les pères conciliaires, en cela héritiers de l’humanisme renaissant, feront tout pour garder l’homme intact, ni impuissant ni divisé, mais coopérateur de l’action divine dans l’œuvre du salut.

Dans les rapports entre monde naturel et monde de la grâce, Trente opte pour un équilibre optimiste en la nature humaine ; il refuse l’univers d’écrasante solitude où s’engageait la mystique nordiste et où, dans son sillage, s’engagera le jansénisme. L’homme, tel que l’a voulu Trente, ne sera pas le pèlerin solitaire dans son face à face avec Dieu ; l’univers tridentin, que concrétise si bien l’art baroque, est peuplé au contraire d’intermédiaires bienfaisants entre Dieu et l’homme. L’œuvre de salut s’accomplira désormais avec tout le peuple fidèle, dans l’Église, et par l’Église.

P. R.

 L. Cristiani, l’Église à l’époque du concile de Trente (Bloud et Gay, 1948). / H. Jedin, Kleine Konziliengeschichte (Fribourg, 1959 ; trad. fr. Brève Histoire des conciles, Desclée, 1960) ; Krisis und Abschluss des Trienter Konzils (Fribourg, 1964 ; trad. fr. Crise et dénouement du concile de Trente, 1562-1563, Desclée, 1966).

Trente Ans (guerre de)

Grand conflit religieux et politique qui ravagea l’Europe, et surtout le Saint Empire, de 1618 à 1648.



L’Empire avant la guerre de Trente Ans

Au début du xviie s., le Saint Empire romain germanique est constitué essentiellement de deux parties : l’Empire proprement dit, ou Reich, héritage d’un passé révolu, et les États, dont les princes jouissent d’une souveraineté étendue.

Le pouvoir central, celui de l’empereur, est bien dégradé ; les empereurs ne jouissent d’une autorité plénière qu’au sein des États héréditaires des Habsbourg. Les diètes d’Empire, qui, seules, ont pouvoir de voter les impôts, de décider la guerre et de ratifier les traités, comprennent trois collèges : celui des sept princes électeurs, qui ont le privilège d’élire l’empereur, celui des princes ecclésiastiques (archevêques, évêques, abbés) et laïques (ducs, landgraves, comtes, barons, burgraves), celui, enfin, des villes libres.

La division des princes sur le plan religieux reste le principal problème de l’Empire. La paix d’Augsbourg de 1555 avait été une paix de compromis ; au début du xviie s., des guerres religieuses vont dégénérer en conflits politiques d’ampleur internationale, et la vieille rivalité entre les Bourbons et les Habsbourg va renaître à cette occasion, après un siècle d’accalmie.

En 1608, l’Électeur palatin, Frédéric IV, a fondé une Union évangélique regroupant les princes protestants, et, dès l’année suivante, les catholiques se sont rassemblés dans une Sainte Ligue à l’initiative du duc Maximilien Ier de Bavière. L’Union évangélique bénéficie du soutien de l’Angleterre, des Provinces-Unies et de la France, et la Sainte Ligue de celle de l’Espagne.

L’empereur Rodolphe II, en accordant la liberté religieuse à ses sujets de Bohême par la lettre de majesté de 1609, a mécontenté et inquiété les catholiques ; son frère Mathias, qui lui succède (1612-1619), s’efforce, mais en vain, de pratiquer une politique de neutralité et de dissoudre les ligues.