Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

travail (sociologie du) (suite)

La prise en considération théorique de l’ensemble de l’entreprise n’est pas contradictoire avec le fait que les relations humaines se soient limitées à un seul domaine. L’organisation formelle est l’objet par excellence des travaux des théoriciens classiques de l’organisation, de l’O. S. T. (organisation scientifique du travail). En désignant l’organisation informelle, ce champ encore inexploré, les relations humaines étaient naturellement conduites à en faire leur objet d’étude privilégié : leur véritable objet, c’est le groupe primaire.

C’est pourquoi l’une des images qu’ont cherché à donner d’elles-mêmes les relations humaines, celle d’une critique radicale de l’O. S. T., n’est que partiellement vraie. Certes, on peut opposer terme à terme leurs points de vue. L’accent mis par les relations humaines sur le rôle des sentiments et des relations interpersonnelles dans le comportement des individus contraste avec la conception à la fois béhavioriste, individualiste et rationaliste de l’individu propre aux organisateurs tayloriens. Mais la dichotomie implique un respect des domaines constitués. Les relations humaines, en étudiant ce champ qu’elles reprochaient à l’O. S. T. de n’avoir su considérer, sont le complément de cette dernière plutôt que sa mise en cause. Le problème de la constitution du formel, laissé aux initiatives de la logique du coût et de l’efficience, reste hors du champ de leurs prétentions théorique et pratique. Elles ne portèrent d’ailleurs que sur les exécutants, ayant au demeurant pour destination finale de fournir aux dirigeants un mode de direction seulement plus scientifique que l’O. S. T.


Les thèmes abordés

Parmi les thèmes les plus abordés, on peut mentionner le fonctionnement de la rémunération au rendement, la résistance au changement, le moral et les modes de commandement.

• Le fonctionnement de la rémunération au rendement. Étant donné la place accordée à la rémunération au rendement dans la pratique et la philosophie de l’organisation scientifique du travail, l’étude de son fonctionnement réel revêtait un aspect stratégique. Ce problème était abordé dès les recherches de la Western Electric Company. Les chercheurs n’ont jamais été jusqu’où certains de leurs vulgarisateurs ont voulu les faire aller : nier l’existence d’une motivation économique chez les travailleurs. Aucun non plus n’a véritablement mis en question le principe de la rémunération au rendement. Ils ont surtout analysé la manière dont les travailleurs établissaient des plafonds de production et le rôle que jouait pour le groupe ouvrier la fixation de tels plafonds.

• La résistance au changement. Dans quelque contexte social que ce soit, le terme de résistance au changement est toujours, pour les responsables assurés du bien-fondé de leurs décisions, une manière spontanée et commode d’interpréter les oppositions qu’ils rencontrent. L’accent mis par les relations humaines sur la logique des sentiments avait de quoi séduire les dirigeants. Elle leur laissait supposer que la résistance ne relevait que d’une logique somme toute subalterne ne mettant pas en cause la leur, elle leur laissait surtout espérer que la connaissance de cette logique permettrait de traiter cette résistance. L’apport des relations humaines à la résolution du problème éminemment cynique « comment faire accepter le changement » se trouve étroitement mêlé, comme en beaucoup d’autres domaines, à celui de la dynamique de groupe* de Kurt Lewin*. C’est de ce dernier que s’inspire directement la fameuse expérience de L. Coch et J. R. P. French (1948) montrant l’incontestable supériorité de la prise de décision de groupe pour l’acceptation du changement. On a parlé à ce propos de manipulation. De tels risques sont, en réalité, minimes. Le recours à ce mode de décision n’est, en effet, adopté que pour des problèmes limités, car il peut conduire assez fréquemment à une mise en question des dirigeants eux-mêmes.

• Le moral. Les relations humaines ont donné une impulsion aux recherches sur la satisfaction au travail. Jusqu’alors, les chercheurs s’efforçaient, à l’aide de questionnaires d’opinion, de dresser une sorte d’inventaire et de mise en ordre hiérarchisée des déterminants objectifs de la satisfaction (salaire, travail lui-même, conditions de travail, rapports avec les chefs, etc.). En plaçant le groupe et la notion de participation au centre de l’analyse, elles proposent un principe unificateur de la notion de satisfaction auquel l’analyse en termes de déterminants objectifs était par nature incapable de jamais parvenir ; des méthodes de questionnaires par choix, on est passé à l’examen clinique de situations, à l’observation des interactions et des comportements, observation éventuellement secondée par des entretiens peu structurés. Ce changement était rendu possible pour une raison de fond : le moral est également exprimable en termes de rendement, d’absentéisme et de rotation du personnel. Il s’agit de la même chose. La satisfaction à l’égard du travail, du groupe, des chefs, de l’entreprise est inséparable d’un bon rendement. Or, cela peut être obtenu ; on le laisse espérer à partir de pratiques de commandement permissives pouvant être précisées, apprises et par conséquent utilisées et exportées comme de simples techniques. C’est à cet espoir, érigé en donnée de fait ou en objet de science, qu’une série de travaux du Survey Research Center de Michigan est venue mettre un terme. L’intérêt pour l’étude de la satisfaction au travail s’en est trouvé accru durant une décennie ; mais c’était pour les relations humaines, qui perdaient là un des éléments majeurs de leur séduction, le premier signe d’un déclin.

• Les modes de commandement. Étant donné l’objet des relations humaines, c’est, en tant que savoir pratique, aux agents de maîtrise qu’elles sont prioritairement destinées. C’est en effet dans l’élaboration de programmes de formation des agents de maîtrise que les relations humaines se sont principalement concrétisées. Le succès de tels programmes est, en dernier ressort, le critère principal de la valeur et de l’efficacité de la doctrine. Cette formation doit aider les agents de maîtrise à comprendre les travailleurs sous un angle nouveau ; elle doit surtout leur apprendre à adopter des comportements adéquats en matière de commandement. Là encore, l’apport de l’enseignement de la dynamique de groupe est capital. Les expériences de laboratoire, notamment celles qui ont été menées par R. Lippitt et R. White de 1938 à 1952, avaient montré l’incontestable supériorité du mode de commandement démocratique sur le mode autoritaire et le laisser-faire.