Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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travail (droit du) (suite)

• La protection du salaire. Le salaire, demeuré longtemps sans aucun encadrement de la part de l’État, est de nos jours réglementé par une législation protégeant son niveau minimal. En réalité, deux tendances différentes ont caractérisé une action protectrice sur les salaires. 1. À certaines périodes, l’État a fixé les salaires (toute la durée des hostilités et jusqu’au retour à des conditions normales). 2. L’action des conventions collectives s’est substituée de plus en plus aux contrats individuels, en ne laissant à ceux-ci que la possibilité d’améliorer les conditions minimales prévues par lesdites conventions.

Le loi du 11 février 1950 a établi les principes actuellement en vigueur : des accords de salaires (ou des conventions collectives) déterminent les salaires, l’État fixe seulement un salaire minimal interprofessionnel ; par ailleurs, l’État « étend » éventuellement par des mesures réglementaires les dispositions de certaines conventions collectives relatives aux salaires.

Le salaire minimum inter-professionnel garanti (S. M. I. G.) a été institué par la loi de 1950 : aucun salaire, sur le territoire national, ne peut lui être inférieur. La loi du 2 janvier 1970 réforme le salaire minimal garanti, créant un salaire minimum de croissance (S. M. I. C.). Il est indexé sur l’évolution de l’indice national des prix* à la consommation. Lorsque cet indice atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2 p. 100 (par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du salaire minimal), le S. M. I. C. est relevé selon le même pourcentage, à compter du premier jour du mois qui suit la publication de l’indice entraînant ce relèvement (un arrêté fait connaître le nouveau montant).


La mensualisation

De très nombreux accords de mensualisation ont, à partir de 1970, rendu de plus en plus courant le paiement mensuel des salaires, le texte du 24 juin 1971 légalisant l’évolution.


La protection de l’emploi du salarié

La loi du 13 juillet 1973 modifie le Code du travail en ce qui concerne la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée. Indépendamment d’une question de terminologie, sans doute plus que symbolique (l’expression louage de services s’efface devant celle de contrat de travail dans tout le Code du travail), elle prescrit une phase préalable au licenciement (phase d’information et de conciliation).

Est instaurée au bénéfice du travailleur une procédure de notification du licenciement envisagé, quand l’employeur en a adopté le principe. L’employeur convoque l’intéressé en lui précisant l’objet de la convocation, celle-ci étant notifiée par lettre recommandée. Au cours de la confrontation, l’employeur fait connaître les motifs de la mesure envisagée et entend les explications du salarié, celui-ci étant assisté ou non d’un membre du personnel choisi par lui.

Si la décision de licenciement, après l’entretien, persiste, il faut que l’employeur notifie sa décision par lettre recommandée (avec demande de retour d’avis de réception) : la date de présentation de la lettre fixe le point de départ du délai-congé. Si l’employé le lui demande par écrit, l’employeur doit énoncer les causes du licenciement : la cause doit être « réelle et sérieuse », c’est-à-dire un motif d’une gravité telle que le contrat de travail ne puisse être maintenu entre les parties.

Un contrôle judiciaire (une procédure contradictoire) tend, en cas de litige, à permettre au juge, qui entend les deux parties, de fonder sa conviction avec des éléments fournis par elles et, au besoin, après toutes les mesures d’instruction utiles diligentées à cette fin. Le salarié n’a plus à prouver la légèreté blâmable ou l’intention de nuire de l’employeur.

Si le licenciement a été irrégulier dans la forme (inobservation des règles de procédure), mais prononcé sur la base d’une cause sérieuse, le tribunal accorde au salarié une indemnité égale à un mois de salaire. Si le licenciement n’a pas été prononcé pour une cause sérieuse ni réelle, le tribunal peut ordonner la réintégration dans l’entreprise avec maintien des avantages acquis ; si l’employeur ou le salarié s’y opposent, ce dernier aura droit à une indemnité minimale de 6 mois de salaire, indemnité cumulable avec l’indemnité compensatrice de préavis éventuellement versée au salarié et avec l’indemnité légale (ou conventionnelle) de licenciement. Mais, une fois de plus (contrairement d’ailleurs au vœu du Conseil économique et social), la loi nouvelle ne fait pas de la réintégration forcée dans l’entreprise la réparation normale d’un licenciement abusif.

La loi du 3 janvier 1975 prévoit par ailleurs que tout licenciement individuel intervenant pour motif économique est subordonné à l’autorisation de l’Administration. Une procédure particulière aux licenciements collectifs est prévue, d’autre part, impliquant la consultation des représentants du personnel en plus de l’autorisation administrative.

J. L.


Deux exemples de législation étrangère


La loi anglaise sur les relations industrielles (Industrial Relations Act) du 5 août 1971, appelée loi Carr

Elle apparaissait un peu comme une exception, dans sa portée générale, aux législations du travail européennes, qui tendent à accorder sans cesse plus de droits aux travailleurs ou à leurs syndicats ; la loi Carr (remplacée par le Labour Act de 1974) visait à restreindre les droits des syndicats et à instituer une police des relations industrielles. Elle mettait en cause et rejetait les mécanismes admis jusque-là en matière de relations du travail : à un système fondé sur la liberté des partenaires sociaux, elle fit succéder un système fondé sur la contrainte et sur la limitation des attributions des syndicats.

La notion de « pratique inéquitable de travail » fut introduite : par exemple l’incitation à la grève de la part d’un syndicat non « enregistré », ou encore le fait d’appuyer ou de financer une grève pour soutenir une action qui, elle-même, était « pratique inéquitable de travail ».

Les tribunaux industriels — créés en 1964 — reçurent de la loi une compétence nouvelle dans le domaine des pratiques inéquitables, lorsque la plainte émanait d’un salarié contre son employeur ou d’un adhérent d’un syndicat contre son syndicat. Ils pouvaient émettre aussi des injonctions.