Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

travail (droit du) (suite)

La loi du 13 juillet 1973 (entourant la procédure du licenciement de certains délais et formalités) laisse, au fond, pratiquement intangible le droit pour l’employeur de licencier. Elle n’oblige pas l’employeur à demander au juge une « autorisation » de licenciement ; elle n’oblige pas davantage à subordonner le licenciement à la condition du reclassement du salarié ou, au minimum, du bénéfice d’un stage de recyclage professionnel. Faut-il cependant faire à la loi le procès d’intention intenté par certains ? Ne serait-elle qu’une « fausse loi », dont on ne peut attendre aucune portée que d’« exorciser » le mal et non point réellement de le guérir ? Il faudra, selon toute vraisemblance, aller plus loin que les mesures qu’elle édicté : la garantie d’une audience accordée au travailleur sous le coup d’un éventuel congédiement et un « droit de réponse » qui lui est accordé ; il faudra dépasser le « délai de réflexion » imposé par la procédure nouvelle au chef d’établissement décidant un licenciement. La loi du 3 janvier 1975 fait un pas en réglementant le licenciement pour cause économique.


Le droit au travail ?

La création, par la loi du 18 décembre 1963, d’un Fonds national de l’emploi, a correspondu de la part des pouvoirs publics à la volonté de donner au ministère du Travail des moyens d’action concrets sur les problèmes de l’emploi. La formation professionnelle (créée en 1971) va sensiblement dans le même sens, qui organise une gamme de moyens très variés et étendus de recyclage des connaissances des travailleurs privés (ou en passe d’être privés) de leur emploi. Mais, ici encore, l’effort n’est certainement pas porté à son point d’achèvement.

Est-il illusoire de penser que la société future connaisse non pas un droit « du » travail, désormais perfectionné, mais un droit « au » travail ? Dès l’origine du monde industriel, des déséquilibres (faisant mentir l’optimisme de l’école classique) [v. économique (science)] amenèrent leur cortège de crises* et de chômage, mettant dans la détresse des milliers de salariés n’ayant aucune possibilité de retrouver un travail. La « liberté du travail » est illusoire devant l’absence d’emploi. Le Préambule de la Constitution de 1946, auquel fait référence la Constitution du 4 octobre 1958, n’affirme-t-il pas que « chacun a le droit de travailler et le droit d’obtenir un emploi » ? Les solutions pratiques semblent cependant difficiles, il serait vain de le nier.

Il est des limites à un tel droit « au » travail (pensons aux dérisoires ateliers nationaux de 1848) : on ne peut indûment fournir du travail de « dépannage » aux travailleurs sans emploi, contraignant les chômeurs à accepter n’importe quel labeur, ce qui n’irait pas dans le sens de l’épanouissement de la dignité humaine. « Le droit au travail ne saurait être compris comme un « droit de créance » susceptible de s’exercer directement contre l’État pour obtenir un emploi » (J. Rivero). De même, il ne saurait guère plus valablement s’affirmer comme une créance à l’égard de l’entrepreneur : ce dernier, s’il en était ainsi, perdrait toute sa liberté de gestion.


Un difficile équilibre

L’inobservation par les entreprises des conditions réglementant les relations du travail est réprimée par des peines renforcées, pour dissuader les contrevenants. Touchant notamment au domaine très étendu de l’hygiène et de la sécurité des travailleurs, la loi fait dès aujourd’hui appel à la sanction pénale pour alourdir le poids de la responsabilité* du chef d’entreprise ou de ses préposés, également dans le domaine de la réintégration des représentants du personnel irrégulièrement licenciés. On ne peut, cependant, aller indéfiniment dans le même sens.

On ne saurait sans limite « contraindre », « encadrer », « pénaliser » le chef d’entreprise sous peine d’échouer sur un dangereux écueil, la paralysie du moteur même de l’économie : sans le dynamisme de l’entreprise, il est inutile d’aménager le droit du travail. On ne pourra évincer la réalité d’un chef d’entreprise responsable, et donc nanti d’une marge de liberté suffisante (qu’il soit un chef patrimonial ou un chef « charismatique »), de possibilités de choix et de réformes. Le droit du travail trouve, dans l’histoire de son perfectionnement au service des travailleurs, des limites naturelles, logiques et raisonnables, imposées par les contraintes du management*. La grande affaire des réformateurs ne sera-t-elle pas d’allier la générosité et l’imagination des juristes au pragmatisme des économistes d’entreprise, pour sauver l’efficacité de cette cellule qui demeure, dans le régime actuel de notre société, la base et même la raison d’être du droit du travail contemporain ?

J. L.

➙ Accidents du travail / Conflit collectif du travail / Congés payés / Contrat / Emploi / Entreprise / Formation professionnelle / Intéressement / Juridiques (sciences) / Justice (organisation de la) / Ouvrière (question) / Patrons et patronat / Sécurité sociale / Syndicalisme / Syndicat.

 F. Barret, Histoire du travail (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1944 ; 7e éd., 1963). / J. Rivero et J. Savatier, Droit du travail (P. U. F., 1956 ; 6e éd., 1975). / G. H. Camerlynck et G. Lyon-Caen, Droit du travail (Dalloz, 1965 ; 7e éd., 1975). / A. Brun et H. Galland, Droit du travail (Sirey, 1968). / G. H. Camerlynck (sous la dir. de), le Contrat de travail (Dalloz, 1968). / G. Lyon-Caen, Droit social international et européen (Dalloz, 1969 ; 3e éd., 1974). / C. Orliac, le Contrat de travail (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969). / J. Piron et P. Denis, le Droit des relations collectives du travail en Belgique (Larder, Bruxelles, 1970). / H. F. Koechlin, l’Aspect juridique des relations du travail et sa portée pratique (L. G. D. J., 1972). / P. D. Ollier, le Droit du travail (A. Colin, 1972).


Les principaux aspects de la législation française contemporaine

Il n’est pratiquement plus aucun aspect de la vie au travail qui ne soit conditionné par la législation : les « vides » juridiques existant au xixe s. et qui firent du droit du travail un droit longtemps inexistant ont été largement comblés. Si l’on suit le travailleur de son entrée dans l’entreprise jusqu’à la fin de sa vie active, on peut percevoir une omniprésente réglementation. Les grandes lignes en sont seulement évoquées ici en référence à la législation française contemporaine.