Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

travail (droit du) (suite)

Un double secteur apparaît. La coexistence de réglementations d’origine étatique et d’autres normes, d’origine professionnelle et conventionnelle, sera une des caractéristiques essentielles du droit du travail. La convention collective pourra énoncer des dispositions plus favorables au travailleur que celles des lois et des règlements en vigueur : si le congé est, en vertu de la loi, d’une durée de quatre semaines, une convention pourra prévoir cinq semaines. En droit du travail, la loi d’ordre public est celle qui définit la condition minimale du travailleur salarié.


Les limites de l’attirance

En réalité, ce rapprochement avec le droit public demeure limité. N’est-il pas exagéré d’assimiler un droit concerné essentiellement par les rapports des « partenaires sociaux » dans l’entreprise à un droit public dont on sait que les différentes branches intéressent soit les rapports des divers organes de l’État (droit constitutionnel), soit les relations des pouvoirs publics avec les administrés (droit administratif, droit fiscal), ou encore les rapports des différents États entre eux (droit international public) ?

Il est certain que les relations qui interviennent entre les travailleurs et l’employeur ne sont pas exactement assimilables à celles qui unissent le citoyen à l’État : de ce fait apparaissent des nuances sensibles entre le droit du travail et les différents droits « publics ». On peut seulement dire que le droit du travail est un droit de plus en plus dans la mouvance du droit public parce que les conventions y sont de plus en plus « encadrées » par la présence de l’État, parce que la liberté contractuelle y a de moins en moins de place à l’état pur, parce que certains des procédés du droit du travail (conventions susceptibles d’extension) ont une valeur contraignante de « généralité » étrangère aux procédés du droit privé.

En réalité, le droit du travail peut nous apparaître un droit possédant des ressemblances avec le droit public pour une dernière raison. L’entreprise elle-même n’est-elle pas, à la limite, une zone de création de droit public, presque une « para-personne publique », une organisation « politique », à telle enseigne que certains politologues (rejetant l’idée d’une science politique cantonnée au seul État) font de la firme, comme d’autres groupes sociaux, une des sphères de la science politique* ? La question vaut, au moins, la peine d’être posée.

Le travail temporaire

La loi du 3 janvier 1972 et les décrets d’application qui s’y rapportent (1973) donnent un statut au travail temporaire, dont les principales dispositions intéressent les rapports des entreprises de travail temporaire avec leur personnel, ainsi que les obligations à la charge des entreprises utilisatrices de ces personnels temporaires.

La loi rend obligatoire la pratique (que les entreprises les plus sérieuses de la profession observaient auparavant) de la signature d’un contrat de travail avec le salarié pour toute mission temporaire. Selon l’article 8 de la loi, dans le cas de défaillance de l’entrepreneur de travail temporaire, l’utilisateur lui est substitué pour la durée de la « mission » à l’égard des salariés, des organismes de sécurité sociale ou des institutions sociales dont relèvent ces salariés.

Les entreprises de travail temporaire fournissent des personnels pour des tâches non durables dénommées « missions », dans un certain nombre de cas limitativement énumérés : absence temporaire d’un salarié permanent ; suspension d’un contrat de travail (sauf en cas de conflit collectif du travail) ; fin d’un contrat de travail dans l’attente d’un remplaçant ; surcroît occasionnel d’activité ; création de nouvelles activités ; travaux urgents dont l’exécution est immédiatement nécessaire pour prévenir des accidents, organiser des mesures de sauvetage ou réparer des insuffisances de matériels, d’installations, de bâtiments occasionnant du danger pour les travailleurs de l’entreprise.

Un contrat lie l’utilisateur à l’entreprise de travail temporaire : il doit être obligatoirement écrit et énoncer le motif de l’intervention du ou des travailleurs temporaires, leur nombre et leur qualification, le type, le lieu et l’horaire de leur travail, les modalités de la rémunération. La durée du contrat ne peut en principe dépasser trois mois, sauf justifications fournies à l’autorité administrative.

Aux termes de l’article 4 de la loi, le contrat de travail liant l’entrepreneur de travail temporaire à chacun des salariés (mis à la disposition provisoire d’un utilisateur) doit être écrit. Le contrat est conclu pour la durée pendant laquelle le travailleur est mis à la disposition de l’utilisateur, durée déterminée ou indéterminée.

Le salarié lié par un contrat de travail temporaire a droit à une indemnité de précarité d’emploi pour chaque « mission » effectivement accomplie par ce salarié. Cette indemnité est fonction de la durée de la mission et de la rémunération de base du salarié.

J. L.


Les traits spécifiques

Des tendances à l’autonomie, cependant, semblent se révéler : le droit du travail, après avoir reçu des influences multiples d’autres sphères du droit, en exerçait lui-même sur celles-ci : la législation (1967) sur les droits des travailleurs, en cas de liquidation de l’entreprise, sur les actifs de celle-ci n’influence-t-elle pas, par exemple, le droit commercial traditionnel d’une manière spectaculaire puisque, pour la protection des droits des salariés, le règlement judiciaire et la liquidation des biens se trouvent profondément infléchis ? (v. faillite). Il existe donc des caractéristiques spécifiques.


Un droit « primitif »

Au premier rang de ces caractéristiques, il faut souligner que le droit du travail est « a-juridique » ou peu juridique ou, si l’on préfère, qu’il est un droit « sauvage » : trouvant les énergies qui en font la constante genèse dans le torrent des forces sociales affrontées — alliées d’occasion, adversaires d’habitude, en conflit presque toujours —, le droit du travail est un droit « primitif ».