Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

transport (aviation militaire de) (suite)

• La guerre du Viêt-nam. Menée par les États-Unis de 1964 à 1973, elle donnera un nouvel essor au transport aérien militaire. Sur le plan tactique, des techniques sont mises au point pour diminuer le temps de séjour au sol des avions de transport soumis aux tirs d’artillerie et de mortiers. C’est ainsi qu’en deux mois et demi, lors du siège de Khe Sanh en 1968, 12 500 t de matériel ont été livrées par l’U. S. Air Force, dont 70 p. 100 par largage au ras du sol sans atterrissage. Dans le domaine stratégique, le conflit mettra en lumière les qualités des avions gros porteurs Lockheed « C-141 », « C-133 », « C-124 », tous à turboréacteurs.

À la fin de la guerre du Viêt-nam, le soutien logistique aérien américain atteignait sa puissance maximale. Pour l’ensemble de l’année 1970, une flotte de 225 avions (« C-119 », « C-123 » et « C-130 ») effectuait le transport d’un million de passagers et de 930 000 t de fret au Viêt-nam. Pour les liaisons entre les États-Unis et le Viêt-nam, le Military Air Command employait ses propres avions (« C-130 », « C-135 », « C-141 ») pour le transport du fret et les évacuations sanitaires, mais passait des contrats avec une quinzaine de compagnies commerciales disposant de quadriréacteurs civils (Boeing « 707 », « DC-8 », « DC-7 », etc.) pour le transport des passagers.

• Les opérations type « Big Lift ». Reprenant une vieille idée des Britanniques, qui, autour des années 1930, pensaient assurer aux moindres frais la défense de leur empire en la confiant à la Royal Air Force, les États-Unis envisagent vers 1960 de réduire les effectifs de leurs bases outre-mer en se réservant la possibilité, grâce au transport aérien, de les renforcer très rapidement en cas de crise. L’exercice Big Lift, au cours duquel en 1963 la 2e division blindée américaine (17 000 hommes avec leur matériel) est transportée en trois jours en Europe, montre l’intérêt stratégique de l’opération. Le Military Air Transport Service a engagé dans cette mission 196 avions de transport lourd (« C-118 », « C-124 », « C-130 », « C-135 »), escortés par 116 appareils de combat du Tactical Air Command. De cette expérience, qui montrait l’importance des avions-cargos géants, naîtront les programmes « C-141 Lockheed Starlifter » de 144 t et surtout le « C-5 A Galaxy » de 1971, qui, avec ses 346 t, dont 120 de charge utile, sera le plus grand avion du monde. De nouveaux exercices de type Big Lift seront effectués avec le concours d’appareils de transport en 1969 et en 1973.

• La quatrième guerre israélo-arabe de 1973. Elle sera, elle aussi, marquée par l’importance que revêtira pour les deux camps adverses le soutien qu’ils recevront par transport aérien de l’U. R. S. S. et des États-Unis.

Il semble que le commandement soviétique ne se soit réellement intéressé au transport aérien militaire qu’à partir des années 1960, et spécialement dans son emploi stratégique. Le pont aérien lancé en 1973 à partir de la Hongrie et de la Bulgarie sur Le Caire et Damas par l’aviation de transport soviétique franchira une distance d’environ 3 000 km. On estime que les avions transporteurs à turbo-propulseurs de type Antonov « 12 » (1960 ; charge utile, 14 t) et Antonov « 22 » (1967 ; charge utile, 80 t) ont effectué environ 900 rotations au cours du conflit.

Quant au Military Air Command américain, la guerre du Kippour fut pour lui l’occasion d’employer pour la première fois en opérations le « C-5 A Galaxy ». Utilisant la base intermédiaire des Açores, les avions de transport américains devaient parcourir environ 10 000 km avant de se poser à Lod, aéroport de Tel-Aviv. Avec 145 rotations de « C-5 A » et 420 de « C-141 » pour 18 500 heures de vol, 22 300 t de matériel purent être transportées, dont 5 000 dans les cinq premiers jours du pont aérien (14-19 oct. 1973). La charge offerte par le « C-5 A » sur cette distance étant de 87 t, il a pu livrer aux forces israéliennes des chars « M 60 » de 45 t, des hélicoptères, des canons de 175 mm (30 t) et de 155 mm (25 t).

Dans l’histoire de l’aviation, le transport aérien militaire a longtemps été négligé. Aujourd’hui, il apparaît comme un instrument stratégique essentiel pour les opérations limitées et les crises politico-militaires dans lesquelles la notion de délai d’intervention prime souvent celle de l’importance des forces mises en œuvre.

Dans le domaine tactique, les doctrines sont moins claires. Sans doute le parachutage de charges et celui de troupes aéroportées présenteront-ils toujours de l’intérêt, malgré le prix de ces opérations. On restera de même à l’affût des possibilités de l’aérotransport, mais la recherche des performances exceptionnelles au décollage n’a peut-être pas l’intérêt qu’on a voulu lui attribuer dans les années 1960, surtout depuis que ce problème est résolu par l’hélicoptère, dont le tonnage s’est beaucoup accru (v. giraviation). Il reste que l’emploi du transport implique la maîtrise de l’air ou au moins l’absence d’opposition de l’adversaire, soit par avion, soit par artillerie antiaérienne. Depuis la multiplication des missiles sol-air efficaces à courte portée, cette exigence est de nature à limiter l’emploi tactique du transport aérien.

Avantages et limites du transport aérien militaire

Certains ont voulu voir dans l’avion de gros tonnage l’outil logistique essentiel des armées ; s’il est vrai que l’avion a apporté une contribution importante en ce domaine, il s’en faut cependant de beaucoup qu’il ait supplanté totalement les moyens classiques.

L’avion a d’abord pour lui la rapidité de son vol, quarante fois supérieure à celle du cargo et encore vingt fois à celle du camion.

Sur de grandes distances, les délais de l’ordre du mois tombent à la journée, ce qui change radicalement l’aspect de la logistique. La capacité unitaire reste faible en comparaison du bateau ou du train, mais, grâce à ses rotations rapides, l’avion compense en partie ce défaut ; il est clair toutefois que, s’il faut multiplier ces rotations à l’excès, le délai total d’acheminement sera le même : l’avion est mal adapté aux transports de masse.