Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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transport (aviation militaire de) (suite)

Toutefois, malgré la supériorité aérienne dont disposent alors les Alliés, ces opérations se révèlent coûteuses en hommes (de 20 à 30 p. 100 des pilotes de planeurs sont tués ou blessés) et en matériel (près de la moitié des planeurs sont endommagés, 15 p. 100 détruits). C’est pourquoi, en dehors du domaine propre aux troupes aéroportées, les Américains donnent un essor considérable à l’aviation de transport pour le support logistique des différents fronts ou le ravitaillement direct des troupes sur certains théâtres difficiles. Le 1er juillet 1942, un commandement spécial est créé à cet effet, l’Air Transport Command (ou ATC), dont les lignes s’étendent bientôt à la quasi-totalité du globe. Les premiers avions mis en service furent les « Dakota C-47 », dérivés des avions commerciaux « DC-2 », puis « DC-3 », mis en service aux États-Unis dès 1935 : plus de 10 000 bimoteurs de ce type ont été construits durant le conflit à des fins militaires. Le besoin de disposer d’un avion de plus grande capacité fit choisir le quadrimoteur « Skymaster C-54 » de Douglas, dérivé d’un prototype d’avion civil dont les essais en 1939 n’avaient pas été heureux. Une fois mis au point, le « C-54 » se révélera un outil remarquable ; premier appareil à effectuer couramment la traversée de l’Atlantique Nord, ce quadrimoteur (4 moteurs de 1 400 ch), doué d’une autonomie de 7 000 km, ouvrira les routes qu’emprunteront les lignes commerciales de l’après-guerre. L’Air Transport Command, qui utilisera aussi en 1944 le Curtis « C-46 » et le Lockheed « Constellation C-69 », prit à son compte le service de convoyage par air des avions de guerre sur tous les théâtres d’opérations ainsi que le transport de personnel, de fret, de carburant et de poste. À la fin du conflit ses effectifs atteignaient 150 000 hommes et ses équipages parcouraient chaque mois 80 millions de kilomètres sur un réseau de routes aériennes de près de 300 000 km, articulé en neuf régions : Atlantique Nord, Caraïbes, Atlantique Sud, Pacifique, Afrique du Nord, Centre Afrique, Alaska, Europe, Inde-Chine.


Trente ans d’évolution (1945-1975)

L’affaire de Berlin fut en 1948 l’occasion d’une éclatante démonstration des possibilités du transport aérien. L’U. R. S. S. ayant interdit toute communication terrestre entre Berlin et les pays occidentaux, seuls les trois corridors aériens partant des zones occupées en Allemagne par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France permettaient de ravitailler l’ancienne capitale allemande. Une organisation très poussée fut alors mise sur pied par le commandement américain pour soutenir la ville et, lorsque le pont aérien de Berlin donnera son plein rendement, plus de 10 000 t par jour seront livrées par aérotransport (dont 55 p. 100 de charbon et 26 p. 100 de vivres). Lorsque l’opération prit fin en mai 1949, 1,95 million de tonnes de fret avait été transporté par des appareils où, à côté des avions « York » et des hydravions « Sunderland » britanniques (ces derniers utilisant les lacs, nombreux autour de Berlin), prédominaient les « DC-3 » et les « C-54 » américains.

Déjà, au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Américains avaient senti le besoin d’avions-cargos militaires adaptés au transport de fret lourd et encombrant. L’expérience avait d’autre part nettement distingué deux catégories de missions de transport : la première correspondait à l’aérotransport massif à longue distance et conduisait à de très gros appareils ; la deuxième concernait les opérations aéroportées et notamment le largage de matériel. Les appareils étudiés aux États-Unis dans les années 1943-44 ne seront mis en service qu’après l’opération du pont aérien de Berlin, qui avait souligné l’importance stratégique et politique de l’aviation militaire de transport.

Le premier avion spécialisé fut le Fairchild « Packet C-82 », remplacé dès 1948 par le Fairchild « Flying Box-car C-119 », beaucoup plus puissant, et, en 1952, le Douglas « Globemaster C-124 » de 83 t (dont 25 t de charge utile) sera le plus gros avion du monde. Tandis que ce dernier sillonnera toutes les routes aériennes du globe en soutien des unités ou des bases américaines, le « C-119 », qui sera employé en Corée et en Indochine au profit des troupes françaises lors de la bataille de Diên Biên Phu (1954), fera la preuve de la qualité de sa formule bipoutre ; dégageant entièrement la soute vers l’arrière, elle permettait le largage de fardeaux pesant jusqu’à 8 t. Presque au même moment, la France, qui a beaucoup employé le parachutage en Indochine avec les Junkers « 52 » et les « Dakota », réalise un avion semblable au « C-119 », mais plus petit, le Nord Atlas « 2501 », qui rendra de grands services à la fin de la guerre d’Indochine et lors des opérations de Suez en 1956. C’est également dans cette ligne que se situe le quadriturbopropulseur britannique bipoutre « Argosy » (1960).

Cependant, les idées concernant l’emploi du transport aérien évoluent à la mesure des possibilités offertes par la technique. Le soutien logistique des troupes terrestres par parachutage de fret est une opération coûteuse qui présente en outre le grave inconvénient de ne fonctionner que dans un seul sens, alors qu’il serait souvent nécessaire d’assurer un courant de retour. De là vint l’idée d’employer des avions de transport d’assaut atterrissant sur une très courte distance, voire des avions à décollage vertical (type « STOL ») n’exigeant pas de piste préparée. Dans cet esprit, les Américains réaliseront le bimoteur « C-123 » (premier vol en 1955), qu’ils emploieront ensuite beaucoup au Viêt-nam. L’apparition des turbopropulseurs provoquera l’étude de nouveaux appareils à plus hautes performances. Ce sera en 1957 le Douglas « C-133 Cargomaster » de 136 t, tandis que pour les missions tactiques on essaiera de profiter de la grande puissance à poids réduit des turbines pour réussir l’avion à décollage court (Breguet « 941 » français) ou vertical (« XC-142 » américain). Ces avions s’avéreront pourtant très coûteux et, malgré les résultats obtenus, il faudra revenir à des appareils plus rustiques ou à l’hélicoptère.