Trajan (suite)
La prise des trésors royaux et l’exploitation des mines d’or, d’argent et de fer procurèrent d’abondantes ressources au trésor impérial. Ressources opportunes, car le début du règne s’était signalé par une politique d’économies et de dégrèvements fiscaux en dépit de dépenses militaires considérables. Il avait fallu vendre une partie du domaine impérial, pousser l’exploitation des mines et des carrières de l’État, abaisser l’aloi de la monnaie. L’empereur surveilla avec vigilance l’administration fiscale et la perception des impôts. La prospérité ne fut, néanmoins, que passagère, car l’or dace fut vite dépensé. Les fêtes qui célébrèrent la victoire et les grands travaux publics en absorbèrent une grande part. À Rome fut édifiée la colonne Trajane, dont les 155 bas-reliefs, déroulés le long de son fût à la manière d’un rouleau de papyrus enluminé, racontent les opérations de la conquête, en nous révélant maints détails relatifs à la vie quotidienne des soldats. Une frise grandiose, d’une trentaine de mètres et dont une partie se trouve incorporée à l’arc de Constantin à Rome, exalte également les hauts faits de l’empereur. Elle devait se trouver dans le forum qu’il fit bâtir près des autres forums impériaux de Rome par Apollodore de Damas, architecte célèbre. Ces aménagements avaient nécessité d’énormes terrassements. À ce forum se joignaient, outre la colonne, la basilique Ulpia, des bibliothèques et un vaste marché couvert sur plusieurs étages. Des thermes colossaux furent construits sur l’Esquilin, par-dessus les substructions de la Maison dorée de Néron. En Italie et dans les provinces, les constructions furent également nombreuses (arcs de triomphe de Bénévent, d’Ancône, nouveau port à Ostie, pont d’Alcántara, trophée d’Adamklissi en Dacie) et contribuèrent à perpétuer à l’empereur sa réputation de bâtisseur, qui incitait Constantin à le qualifier d’herba parietaria, tant on rencontrait son nom au fronton des édifices.
La guerre d’Orient
Mais Trajan devait achever son règne par une guerre malheureuse en Orient. Les causes politiques de conflit avec les Parthes* ne manquaient pas, tandis que les causes économiques possibles sont aujourd’hui l’objet de discussions. Il est certain que la conquête de l’Arabie nabatéenne, en 105, assurait le contrôle de précieuses routes caravanières. Mais l’occupation de l’Arménie et, au-delà, de l’Osroène ainsi que d’une partie de la Mésopotamie, à la suite d’une provocation du roi parthe, semblerait correspondre seulement au désir d’établir un glacis défensif (prise de Ctésiphon, 115 ou 116). La révolte des Juifs d’Orient devait détourner l’empereur de ses projets, et la mort le surprit alors qu’il reprenait le chemin de l’Occident.
Trajan a réussi à être à la fois un grand batailleur et le souverain bon et légitime, comme le concevaient les philosophes de son temps. Avec son règne et son avènement issu de l’adoption, qui devient la règle, l’opposition philosophique au pouvoir s’apaise. Dion Chrysostome colporte dans les provinces ses éloges de la royauté, opposée à la tyrannie, et Pline le Jeune écrit un Panégyrique de Trajan. Longtemps après, au Bas-Empire, on souhaitera officiellement à chaque nouvel empereur d’être « plus heureux qu’Auguste, meilleur que Trajan ».
R. H.
F. A. Lepper, Trajan’s Parthian War (Oxford, 1948).