Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

toxicologie (suite)

La toxicologie écologique

Discipline scientifique appliquée qui s’efforce de déceler et de préciser les effets défavorables des substances chimiques sur les êtres vivants, la toxicologie est devenue surtout un secteur de réflexion et d’arbitrage.

Chaque être vivant évolue et se reproduit en fonction d’un environnement physique et chimique actuellement limité à une étroite zone terrestre : la biosphère, constituée par une faible partie des zones superficielles de la terre et de l’atmosphère.

Le développement à l’intérieur de la biosphère est limité par l’accès aux substances nécessaires à la vie et par l’apport de substances nocives qui caractérisent les produits toxiques. Mais, d’emblée, la variété des systèmes vivants dans les espèces inférieures végétales et animales oblige à définir des secteurs différenciés de toxicologie : l’étude de l’équilibre global de la biosphère est l’écologie ; une éco-toxicologie se préoccupera des variations globales provoquées par les produits chimiques. Puis, selon l’échelle de complexité des êtres vivants, apparaissent des systèmes nutritionnels différents montrant de très grandes variations selon le type de chaîne alimentaire nécessaire à la survie de l’espèce.

L’espèce humaine, omnivore, très adaptable à de nombreux systèmes écologiques, douée d’exceptionnelles qualités d’accaparement de la biosphère, est évidemment la plus étudiée, et la plupart des travaux de toxicologie se réfèrent jusqu’au xixe s. à la toxicologie humaine.

Depuis le milieu du xxe s., la pensée scientifique, devenue capable d’appréhender les chaînes alimentaires des divers types humains et leurs insuffisances, se préoccupe de satisfaire les besoins énergétiques, en partie par la suppression des prédateurs (par les insecticides, pesticides, etc.), en créant une toxicologie concurrentielle où le choix revient à décider quels risques doivent être tolérés pour protéger l’alimentation humaine.

Parallèlement à l’expansion scientifique et médicale, une réglementation toxicologique se préoccupe des nouveaux moyens de traitement ou de confort proposés aux groupes les plus industrialisés, des dangers liés à la manipulation des matières premières industrialisées, à l’utilisation des produits de transformation, aux conditions nouvelles de travail et d’habitat. Des normes nouvelles apparaissent, comme la concentration maximale admissible d’un produit dans des ateliers. Les sous-groupes de toxicologie des médicaments, des produits ménagers se sont développés considérablement vers la fin du xxe s. : leur expansion est limitée par les possibilités expérimentales et le coût des moyens de surveillance.

Un classement provisoire de toute substance chimique est possible, selon un mode empirique, en : 1o produits nécessaires à la survie des êtres humains ; 2o produits favorisant la survie ou l’équilibre de l’espèce humaine ou de certains individus, par action directe ou indirecte ; 3o produits sans effet chimique connu ; 4o produits défavorisant la survie ou l’équilibre de l’espèce humaine ou de certains individus ; 5o produits dangereux pour les êtres humains.

Les derniers sont à l’évidence des toxiques vrais ; ils se trouvent représentés, dans les sociétés industrialisées modernes, par des produits industriels : matières premières, produits intermédiaires, pesticides, par les plantes vénéneuses, les animaux dangereux dans les sociétés plus primitives. Pour se défendre, la réaction normale du groupe social est un enseignement de prévention, qui s’étend évidemment à tous les accidents d’enfants.

Il n’en va pas de même des autres faits toxicologiques, où chaque accident doit être opposé aux avantages apportés par le produit. Une discussion arbitrale souvent très délicate explique des décisions, toujours temporaires, à remettre en question selon le développement de la science. Ainsi, la plupart des plantes vénéneuses sont devenues sources de médicaments, les pesticides utiles sont à la fois toxiques et protecteurs de l’alimentation humaine, des produits comme le tabac, l’alcool, les drogues toxicomanogènes sont manifestement sources d’une certaine satisfaction individuelle au prix de troubles chroniques sérieux.

E. F.

E. F.

 R. Fabre, la Toxicologie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1942 ; 4e éd., 1964). / J. J. Desmarez (sous la dir. de), Manuel de toxicologie clinique et médico-légale (Maloine, 1968). / W. B. Deichmann et H. W. Gerarde, Toxicology of Drugs and Chemicals (New York, 1969). / J.-P. Fréjaville, B. Christoforov, C. Bismuth et F. Pebay-Peyronla, Toxicologie clinique et analytique (Flammarion, 1971). / R. R. Lauwerys, Précis de toxicologie industrielle et des intoxications professionnelles (Duculot, Gembloux, 1972). / J. Meunier, Toxicologie d’urgence. Données générales. Méthodologie. Choix de techniques analytiques (E. S. F., 1972). / E. Weil, Éléments de toxicologie industrielle (Masson, 1975).

toxicomanie

Appétence morbide, généralement permanente ou durable, pour les drogues douées d’effets tonique, euphorisant ou analgésique dont l’usage prolongé entraîne toujours un état d’intoxication chronique préjudiciable à l’individu autant qu’à la société.



Caractéristiques

La toxicomanie vraie avec pharmaco-dépendance se définit par trois caractères fondamentaux :
— l’irrésistible perversion du besoin, qui pousse le sujet à consommer sans cesse la drogue et à se la procurer par tous les moyens ;
— l’accoutumance*, qui allie à une singulière tolérance de l’organisme au toxique un affaiblissement des effets recherchés et invite le toxicomane à utiliser des doses de plus en plus fortes ;
— une soumission totale de l’individu à sa drogue, l’assuétude, véritable tyrannie physique (c’est la pharmaco-dépendance) et morale. L’état de besoin quand la dose absorbée a fini d’agir, l’angoisse intolérable à l’idée de manquer de toxique ou d’en recevoir une quantité insuffisante font du toxicomane un esclave incapable de rompre seul un tragique enchaînement. L’avilissement et la déchéance socio-professionnelle que ne manque jamais de produire l’intoxication chronique vont le guetter à plus ou moins bref délai. Ainsi en est-il des grandes toxicomanies par les stupéfiants (morphine, héroïne, etc.), mais il n’en va guère autrement des toxicomanies qui jouissent de l’indulgence d’une fraction du public (alcool) ou d’une fausse réputation de bénignité. Toute toxicomanie qui se prolonge assez pour assujettir et détériorer la personnalité, qu’elle soit majeure ou mineure, peut aboutir à la déchéance sociale.