toxicologie (suite)
La toxicologie écologique
Discipline scientifique appliquée qui s’efforce de déceler et de préciser les effets défavorables des substances chimiques sur les êtres vivants, la toxicologie est devenue surtout un secteur de réflexion et d’arbitrage.
Chaque être vivant évolue et se reproduit en fonction d’un environnement physique et chimique actuellement limité à une étroite zone terrestre : la biosphère, constituée par une faible partie des zones superficielles de la terre et de l’atmosphère.
Le développement à l’intérieur de la biosphère est limité par l’accès aux substances nécessaires à la vie et par l’apport de substances nocives qui caractérisent les produits toxiques. Mais, d’emblée, la variété des systèmes vivants dans les espèces inférieures végétales et animales oblige à définir des secteurs différenciés de toxicologie : l’étude de l’équilibre global de la biosphère est l’écologie ; une éco-toxicologie se préoccupera des variations globales provoquées par les produits chimiques. Puis, selon l’échelle de complexité des êtres vivants, apparaissent des systèmes nutritionnels différents montrant de très grandes variations selon le type de chaîne alimentaire nécessaire à la survie de l’espèce.
L’espèce humaine, omnivore, très adaptable à de nombreux systèmes écologiques, douée d’exceptionnelles qualités d’accaparement de la biosphère, est évidemment la plus étudiée, et la plupart des travaux de toxicologie se réfèrent jusqu’au xixe s. à la toxicologie humaine.
Depuis le milieu du xxe s., la pensée scientifique, devenue capable d’appréhender les chaînes alimentaires des divers types humains et leurs insuffisances, se préoccupe de satisfaire les besoins énergétiques, en partie par la suppression des prédateurs (par les insecticides, pesticides, etc.), en créant une toxicologie concurrentielle où le choix revient à décider quels risques doivent être tolérés pour protéger l’alimentation humaine.
Parallèlement à l’expansion scientifique et médicale, une réglementation toxicologique se préoccupe des nouveaux moyens de traitement ou de confort proposés aux groupes les plus industrialisés, des dangers liés à la manipulation des matières premières industrialisées, à l’utilisation des produits de transformation, aux conditions nouvelles de travail et d’habitat. Des normes nouvelles apparaissent, comme la concentration maximale admissible d’un produit dans des ateliers. Les sous-groupes de toxicologie des médicaments, des produits ménagers se sont développés considérablement vers la fin du xxe s. : leur expansion est limitée par les possibilités expérimentales et le coût des moyens de surveillance.
Un classement provisoire de toute substance chimique est possible, selon un mode empirique, en : 1o produits nécessaires à la survie des êtres humains ; 2o produits favorisant la survie ou l’équilibre de l’espèce humaine ou de certains individus, par action directe ou indirecte ; 3o produits sans effet chimique connu ; 4o produits défavorisant la survie ou l’équilibre de l’espèce humaine ou de certains individus ; 5o produits dangereux pour les êtres humains.
Les derniers sont à l’évidence des toxiques vrais ; ils se trouvent représentés, dans les sociétés industrialisées modernes, par des produits industriels : matières premières, produits intermédiaires, pesticides, par les plantes vénéneuses, les animaux dangereux dans les sociétés plus primitives. Pour se défendre, la réaction normale du groupe social est un enseignement de prévention, qui s’étend évidemment à tous les accidents d’enfants.
Il n’en va pas de même des autres faits toxicologiques, où chaque accident doit être opposé aux avantages apportés par le produit. Une discussion arbitrale souvent très délicate explique des décisions, toujours temporaires, à remettre en question selon le développement de la science. Ainsi, la plupart des plantes vénéneuses sont devenues sources de médicaments, les pesticides utiles sont à la fois toxiques et protecteurs de l’alimentation humaine, des produits comme le tabac, l’alcool, les drogues toxicomanogènes sont manifestement sources d’une certaine satisfaction individuelle au prix de troubles chroniques sérieux.
E. F.
E. F.
R. Fabre, la Toxicologie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1942 ; 4e éd., 1964). / J. J. Desmarez (sous la dir. de), Manuel de toxicologie clinique et médico-légale (Maloine, 1968). / W. B. Deichmann et H. W. Gerarde, Toxicology of Drugs and Chemicals (New York, 1969). / J.-P. Fréjaville, B. Christoforov, C. Bismuth et F. Pebay-Peyronla, Toxicologie clinique et analytique (Flammarion, 1971). / R. R. Lauwerys, Précis de toxicologie industrielle et des intoxications professionnelles (Duculot, Gembloux, 1972). / J. Meunier, Toxicologie d’urgence. Données générales. Méthodologie. Choix de techniques analytiques (E. S. F., 1972). / E. Weil, Éléments de toxicologie industrielle (Masson, 1975).