Maréchal de France et marin français (château de Tourville, Manche, 1642 - Paris 1701).
C’est sur les navires de l’ordre de Malte qu’Anne Hilarion de Cotentin, chevalier de Tourville, commence son apprentissage de marin et accomplit plusieurs exploits contre les Turcs, notamment en 1665 comme second du chevalier d’Hocquincourt. Présenté à Louis XIV grâce à la protection du duc de La Rochefoucauld, il est admis à vingt-quatre ans, en 1666, avec le grade de capitaine de vaisseau dans la marine royale, alors commandée par le duc de Beaufort. C’était un beau début, mais le Courtisan, vaisseau réservé à Tourville, n’a pas l’occasion de se battre. La mort du duc de Beaufort, tué au siège de Candie en 1669, permettra à Colbert* de commencer son œuvre de restauration de la marine, où Tourville va désormais s’illustrer. Commandant le Duc, il exécute un coup de main dans le port de Sousse, puis prend part, dans l’escadre du maréchal Jean d’Estrées (1624-1707), à la campagne menée aux côtés des Anglais contre les Hollandais (1672-73). En 1675-76, il participe avec brio, dans les parages de la Sicile, aux batailles du Stromboli, d’Augusta et de Palerme, où Duquesne* tient tête aux bâtiments hollandais que commande Ruyter. Ambitieux, très conscient de sa valeur, Tourville est promu chef d’escadre en 1675 et brûle de se dégager de la tutelle de Duquesne. Devenu lieutenant général en 1680, il cesse de ménager son vieux chef aux yeux de Colbert et de Seignelay, mais lui est encore adjoint en 1683 dans l’opération menée contre les Barbaresques d’Alger et de Tripoli. Après avoir de nouveau bombardé Alger en 1688, Tourville parvient à forcer le blocus anglais devant Brest et à pénétrer dans la rade en août 1689. Nommé le 1er novembre suivant vice-amiral des mers du Levant, il commande la flotte chargée de soutenir le roi Jacques II d’Angleterre, qui vient d’être détrôné. Sorti de Brest avec 70 vaisseaux pour préparer un débarquement en Irlande, il défait la flotte anglaise de l’amiral Arthur Herbert (1647-1716), comte de Torrington, renforcée par l’escadre hollandaise de Cornelis Evertsen (1642-1706), à la célèbre bataille de Beachy Head (plus connue en France sous le nom de Béveziers) le 30 juin 1690. La réputation de Tourville, qui reçoit le titre de comte, est désormais bien établie, et la mort de Seignelay accroît encore son influence sur Louis XIV, dont il devient un conseiller écouté. Après une campagne fructueuse en haute mer où, en 1691, il neutralise la flotte britannique, il est chargé, l’année suivante, de protéger devant le Cotentin l’embarquement de troupes destinées à l’attaque de l’Angleterre. Sur ordre exprès du roi, il engage le combat le 29 mai 1692 devant Barfleur avec seulement 44 vaisseaux et 3 142 canons contre 89 vaisseaux anglo-hollandais disposant de 6 820 canons. Après une bataille de douze heures, Tourville doit se retirer, mais sa retraite est retardée par les avaries de son vaisseau amiral, le Soleil-Royal, qui, criblé de coups, se traîne et retarde l’escadre : 12 de ses vaisseaux seront détruits au mouillage de Saint-Vaast-la-Hougue, 3 autres devant Cherbourg (2-3 juin). Louis XIV ne lui tiendra pas rigueur de ce désastre et l’élèvera, le même jour que Catinat, à la dignité de maréchal de France (1693).
Tourville prendra encore la mer et réussira en juin 1693 à s’emparer au large de Lagos (Portugal) du fameux convoi de Smyrne (v. Corsaire). Mais ses relations avec le ministre Pontchartrain sont médiocres, et, après une dernière campagne en Catalogne en 1694, Tourville, dont la santé décline sous l’effet d’une tuberculose contractée dans sa jeunesse, se retire du service après la paix de Ryswick (1697). Il mourra à Paris avant d’avoir atteint la soixantaine, et son corps sera inhumé dans l’église Saint-Eustache.
A. L.
➙ Colbert.
H. Le Marquand, les Grandes Escadres du maréchal de Tourville (Renaissance du livre, 1930). / J. de Broglie, Tourville, 1642-1701 (Plon, 1934). / J. de La Varende, le Maréchal de Tourville et son temps (Éd. de France, 1943 ; nouv. éd., Flammarion, 1953). / B. Roy, la Vie aventureuse du maréchal de Tourville (Briffaut, 1948).