Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tours (suite)

La ville médiévale

Occupée par les Visigoths v. 473, puis par les Francs, temporairement vers 498 (?) et définitivement en 507, visitée alors par Clovis*, Tours acquiert une grande importance grâce à son évêque Grégoire (573-594), grâce à la fondation de nouveaux monastères (Saint-Julien et Sainte-Croix), grâce au développement du commerce régional utilisant un bac et le fleuve dès le vie s. (vin écoulé vers l’aval, sel vers l’amont), grâce enfin à l’essor d’une colonie de négociants grecs, juifs et surtout syriens. Presque indépendante au viiie s., Saint-Martin de Tours devient, sous la direction d’Alcuin (796-804), un centre d’enseignement des arts libéraux, puis, jusqu’au milieu du ixe s., le siège d’une prestigieuse école d’enluminures.

Incendiée par les Vikings le 8 novembre 853, Tours est ceinte de murs par le comte Hugues l’Abbé (866-885), alors que l’abbaye n’est fortifiée qu’après le raid du 30 juin 903. Occupée par les Robertiens ou par leurs vicomtes de 852 à 905, puis par les comtes de Blois, Tours est annexée en 1044 par les comtes d’Anjou.

Dotée d’un pont de pierre vers 1034, Tours atteint alors la Loire.

Sa situation au cœur de l’Empire des Plantagenêts à partir de 1154, la tenue en 1054 et en 1163 de deux conciles condamnant, le premier, l’hérésie eucharistique de Bérenger de Tours (v. 1000-1088), le second, celle des cathares, la libération du siège épiscopal de la tutelle royale au temps de l’archevêque Hildebert (v. 1055-1133), la grande fréquentation du pèlerinage favorisent le renouveau économique et intellectuel de la ville (écoles de Saint-Martin de Tours). Les incendies de 988 et surtout de 1096 entraînent le remaniement de la basilique Saint-Martin. Occupée temporairement en 1189 et 1203, puis définitivement par Philippe II Auguste, Tours devient le siège du bailli royal de Touraine en 1213. Elle accueille l’Inquisition en 1248 ainsi que les Franciscains et les Dominicains, qui seront malmenés par les pastoureaux lors de leur passage dans la ville. Mais l’essor de l’université de Paris entraîne le déclin de ses écoles au xiiie s., puis la Grande Peste atteint sa population en 1351. Face à la menace anglaise, les bourgeois fortifient la Cité en 1351, puis l’ensemble Cité-Martinopole de 1354 à 1356, enfin prennent à leur solde Bertrand et Olivier du Guesclin. Investie en 1418-19 par les Bourguignons, la ville reste fidèle à Charles VII, qui y signe avec Henri VI d’Angleterre les trêves dites « de Tours » du 28 mai 1444. Enrichie par la cour et par l’activité des « Marchands fréquentant la rivière de Loire », Tours bénéficie des faveurs de Louis XI, établi à Plessis-lès-Tours : constitution dès 1461 d’un conseil de ville de 100 bourgeois (24 échevins et 76 conseillers) ; nomination en 1462 d’un premier maire : Jean Briçonnet († 1493) ; transfert dans cette ville, par lettres patentes du 13 mars 1470, des ouvriers en soie de Lyon, auxquels Charles VIII accordera une sorte de monopole ; création, après celui de Mathieu Latheron vers 1491, de nombreux ateliers d’imprimerie au xvie s. ; établissement vers 1496 du sculpteur Michel Colombe*, etc.


De la Réforme au xxe siècle

La médiocrité du clergé, dénoncée aux états généraux de Tours de 1484, l’introduction en 1547 des premiers livres de Calvin expliquent l’établissement dès 1556 d’une Église réformée. Le 2 avril 1562, ses membres s’emparent de l’arsenal et du château, mettent à sac les églises, mais sont noyés dans la Loire par Antoine du Plessis, qui a reconquis la ville le 10 juillet. Remettant la police économique à un tribunal consulaire en 1564, confiant en décembre 1565 la nomination des échevins à l’intendant, Charles IX limite l’autonomie de Tours. La ville éprouve en outre la peste bubonique en 1583, en 1607 et en 1626, ainsi que de nombreux troubles sociaux entre 1613 et 1649. Résidence en 1589 de Henri III, de son conseil et du parlement de Paris, qui s’y reconstitue en mars et qui y reconnaît Henri IV de Navarre comme souverain en août, Tours n’est plus ensuite qu’une importante ville régionale, siège d’un évêché, d’un gouvernement militaire, puis d’un présidial et d’une intendance. Instruments de la Contre-Réforme, de nombreux couvents fondés dans la première moitié du xviie s., puis un séminaire créé en 1662 réduisent à 1 200 environ le nombre des Huguenots en 1685.

Fréquentée par les courtiers hollandais acheteurs de vins ligériens, siège d’ateliers de tissage des draps et, surtout vers 1640, de onze mille métiers de tissage de la soie, Tours est victime à partir de 1670-1680 de la concurrence lyonnaise, de la fermeture des marchés étrangers et de l’émigration des soyeux provoquée par la révocation de l’édit de Nantes. La création de la Société d’agriculture en 1761, la déviation de la route d’Espagne, qui emprunte la percée de la rue Royale unissant les deux ponts construits, l’un sur le Cher entre 1743 et 1751, l’autre sur la Loire entre 1765 et 1778, tous ces faits permettent à Tours de compter, en 1789, 21 500 habitants dont un tiers de citoyens passifs.

Victime de la Grande Peur de juillet 1789, puis des taxateurs en novembre 1792, Tours ne retrouve une certaine prospérité qu’à partir de 1800 (textiles). Chef-lieu d’Indre-et-Loire depuis février 1790, animée par de nombreux salons où se meut au xixe s. la société balzacienne, Tours bénéficie de l’ouverture du canal du Berry (1836-1839), puis en 1846 de la mise en service d’une première liaison ferroviaire avec Paris. Échappant à la Révolution de 1848, siège de la délégation générale du gouvernement provisoire du 12 septembre au 9 décembre 1870, puis du gouvernement de Paul Reynaud du 10 au 14 juin 1940, Tours est occupée par les Allemands du 19 janvier au 9 mars 1871, et de juin 1940 à août 1944 après avoir été bombardée et incendiée par eux du 19 au 21 juin 1940 et par les Alliés au printemps de 1944.

Gérée par des maires conservateurs dans la seconde moitié du xixe s. (Ernest Mame [1849-1865] ; Alfred Fournier [1884-1892]), anticléricale au début du xxe s., se donnant après l’armistice de Rethondes un maire radical, Camille Chautemps (1919-1925), la ville accueille du 25 au 31 décembre 1920 le congrès de Tours (scission de la S. F. I. O., naissance de la S. F. I. C., actuel P. C. F.). Depuis lors, elle s’oriente de nouveau vers le centre droit. L’essor d’une importante banlieue résidentielle et industrielle (édition religieuse dominée jusqu’en 1939 par la famille Mame, industries pharmaceutiques et électromécaniques), la création d’une université de 12 000 étudiants, la mise en service en 1974 de l’autoroute A10 qui l’unit à Paris, la tenue enfin de nombreux congrès accélèrent la croissance de la ville (33 000 hab. en 1851, 75 000 en 1921, 130 000 en 1968) et celle de son agglomération.

P. T.

➙ Centre / Indre-et-Loire / Touraine.