Toulouse (suite)
Mais la ville est victime des nombreux fléaux qui assombrissent le xive s. Trop éloignée de Bourges ou de Paris, Toulouse devient le berceau de nombreuses institutions administratives ou judiciaires qui permettent au gouvernement central de conserver le contrôle étroit de la ville et de sa région et d’y introduire l’usage du français (ordonnance royale de 1540 qui en rend obligatoire l’emploi dans les actes officiels) tout en respectant les particularismes locaux : états nés de l’assemblée en 1345 des représentants des sept sénéchaussées du Midi et autorisés en 1418 par la reine Isabeau de Bavière à se réunir à leur propre convenance ; parlement de Toulouse créé par le dauphin Charles (mars 1420-1425) et reconstitué le 4 juin 1443 (30 conseillers en 1519).
La ville moderne
Bénéficiaires du fructueux négoce du pastel que viennent acheter sur place les marchands de Burgos et de Bordeaux et qui est encore exporté vers 1500-1540 par Bayonne, les marchands de Toulouse contribuent à la montée du capitalisme moderne et embellissent leur ville, qui est reconstruite en pierre et en brique. Mais la vulgarisation de l’indigo, à partir de 1560, et les caprices de la mode anversoise ruinent l’économie du pastel.
Au temps des guerres de Religion, Toulouse dépend d’un adepte du double jeu : le gouverneur du Languedoc, Henri Ier de Montmorency (1534-1614), qui, depuis 1563, exerce une véritable vice-royauté et finit par se rallier à Henri IV. Quant à Henri II de Montmorency (1595-1632), lui aussi gouverneur du Languedoc, pour avoir suivi Gaston d’Orléans contre Richelieu, il est condamné par le parlement de Toulouse (30 oct. 1632) et décapité.
Après les crises budgétaires de 1709 et de 1713, Toulouse reprend son essor. Comptant 38 200 habitants vers 1695-1710, puis 52 860 en 1789 grâce à un solde migratoire très positif, elle devient une grande ville qui vit largement du marché céréalier (et viticole) régional ou même international, grâce au rôle croissant du canal du Midi.
Stimulée par la transformation des jeux Floraux en académie, réglée en 1694 ; par la création en 1729 de la Société des arts et des sciences, érigée en 1746 en académie des sciences et belles-lettres ; par celle de l’académie des Beaux-Arts en 1750 ; par la fondation depuis 1735 de loges maçonniques agrégées en 1773 au Grand-Orient de France, la vie intellectuelle favorise les critiques contre l’Ancien Régime, dont le parlement de Toulouse défend finalement les structures sociales après en avoir critiqué les essais de réforme fiscale, ce qui lui valut d’être effectivement suspendu de 1769 à 1775.
En 1790, Toulouse devient le chef-lieu du département de Haute-Garonne (500 000 hab.). Siège d’une cour d’appel et, en 1801, d’un archevêché, centre universitaire, Toulouse, économiquement victime du Blocus continental, se rend aux Anglais le 10 avril 1814. En 1815, l’assassinat du général J.-P. Ramel par les Verdets, la nomination comme maire du comte de Villèle y marquent les débuts de la Restauration. L’opposition républicaine ne s’impose vraiment qu’après 1870, quand Toulouse devient l’un des bastions du radicalisme (la Dépêche). Cependant le personnalité de Jean Jaurès*, maître de conférences à l’université de Toulouse (1883) et adjoint au maire, éclipse celle des autres leaders politiques toulousains et contribue à faire pénétrer le socialisme dans les milieux intellectuels (le Midi socialiste, de Vincent Auriol, 1908). Pourtant, Toulouse reste très marquée par l’esprit religieux ; à partir de 1877 s’y installent des facultés catholiques (Institut catholique). Tardivement reliée par voie ferrée à Bordeaux (1856) et à Sète, puis à Paris par Cahors (1884), victime du déclin de la production céréalière, ne possédant qu’une seule industrie importante, la manufacture de Tabacs, Toulouse ne peut employer une masse croissante d’immigrants. À la veille de la Première Guerre mondiale, elle est un « grand village » replié sur son passé. Elle ne connaîtra vraiment un nouvel essor qu’après 1945.
P. T.
L’État toulousain
Origines
Nommé par Pépin II, Frédelon, comte de Rouergue (849-852), fonde la maison comtale de Toulouse, qu’achèvent de constituer son frère Raimond Ier (852-864) et ses neveux Bernard (864-872) et Eudes. Comprenant à l’origine la seule marche de Toulouse, l’État toulousain s’accroît ainsi du Rouergue, puis de la majeure partie du marquisat de Gothie, mais il est partagé à la mort du comte Eudes entre ses deux fils, souches des branches de Toulouse et du Rouergue.
À la mort de Raimond II (923), son fils Raimond III Pons (923 - v. 950) réunifie l’État toulousain et devient temporairement duc d’Aquitaine, de 936 à 941. Par son mariage avec Emma de Provence, l’un de ses successeurs, Guillaume Taillefer, incorpore même à ses domaines Tarascon et la terre d’Argence.
Démembré à plusieurs reprises au xie s., l’État toulousain est réunifié, à la mort du comte de Toulouse Guillaume IV (1093), par son frère, le comte de Saint-Gilles, Raimond IV (1093-1105). Maître depuis 1065 des comtés du Rouergue, de Nîmes et de Narbonne, puis des comtés du Gévaudan, d’Agde, de Béziers, du pays d’Uzès et peut-être même du Vivarais, ce dernier prince s’intitule « comte de Toulouse, duc de Narbonne et marquis de Provence », et lègue à ses descendants une principauté dont les limites restent stables jusqu’au xiiie s., malgré les prétentions des ducs d’Aquitaine et des évêques de Mende et du Puy sur certains de ses territoires.
Partant pour l’Orient en 1096, Raimond IV de Saint-Gilles cède sa principauté à son fils Bertrand (1096-1112), qui transfère à son tour, en 1109, ses biens à son frère mineur Alphonse Ier Jourdain (1112-1148). Profitant de ces difficultés, le duc d’Aquitaine Guillaume IX s’empare à deux reprises de Toulouse (1098-1100 et 1114-1119) et transmet à Aliénor d’Aquitaine des droits que son époux Henri II Plantagenêt tente de faire valoir en assiégeant en vain la ville en 1159 avant d’imposer sa suzeraineté en 1173 au fils d’Alphonse Jourdain, Raimond V (1148-1194).