Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Toulon (suite)

La Révolution se montre très sévère à l’égard de Toulon ; aussi, la réaction qui s’ensuit livre-t-elle la base à la flotte anglaise, qui l’occupe le 27 août 1793 et y débarque un corps d’occupation de quelque 20 000 hommes. Le 17 décembre suivant, bousculés par l’artillerie du général Dugommier, que commande un capitaine de vingt-quatre ans, Napoléon Bonaparte, les Anglais et leurs alliés évacuent la place en emmenant les trois meilleurs vaisseaux français et une centaine de navires de commerce. Pour châtier la ville, la Convention déclenche une sanglante répression et remplace le nom de Toulon par celui de Port-de-la-Montagne, dont l’usage ne durera que quelques mois.

Toulon sera très long à se relever de cette aventure : sous l’Empire, le port est bloqué par les navires anglais mouillés aux Salins-d’Hyères, mais au cours du xixe s., marqué par la fin de la rivalité navale franco-anglaise, il deviendra, au détriment de Brest, le premier port militaire français. En 1836 commence la construction d’un nouvel arsenal au Mourillon, suivie de celle d’un port de commerce (1838), puis de l’aménagement des darses de Castigneau (1853), de Missiessy (1862-1892) et des grands bassins Vauban (1912-1925). Les jetées et brise-lames fermant la rade sont édifiés de 1878 à 1881 et la ceinture des forts est terminée entre les deux guerres par la construction de la batterie du Cépet. C’est de Toulon qu’au xixe s. partent la plupart des expéditions d’outre-mer (Algérie, Crimée, Syrie, Tunisie, Indochine, etc.), mais les constructions navales qui y demeurent florissantes jusqu’au milieu du second Empire sont transférées peu à peu aux chantiers de La Seyne, sauf pour les sous-marins (construits au Mourillon). Siège d’une intense vie maritime marquée notamment par la venue en 1893 de l’escadre russe de l’amiral Avellane, par l’explosion des cuirassés Iéna (1907) et Liberté (1911), Toulon joue un rôle important en 1914-1918 comme base des forces françaises sur les fronts d’Orient. En 1940, l’hostilité de l’Italie fait d’abord déplacer le gros des forces navales de Toulon à Mers el-Kébir, mais le bombardement de ce port par les Anglais le 3 juillet 1940 oblige à les ramener à Toulon. À la suite du débarquement allié en Afrique du Nord et de l’envahissement de la zone libre par les Allemands (11 nov. 1942), l’amiral Jean de Laborde, commandant à Toulon les forces de haute mer, tente d’abord un arrangement avec la Wehrmacht pour faire de la base navale une zone neutre. Le 27 novembre, les Allemands cherchant à s’emparer de l’escadre française, celle-ci saborde, pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi, suivant les consignes édictées par l’amiral Darlan en juin 1940 : plus de cent bâtiments d’un tonnage global de 220 000 t disparaissent dans la rade, d’où ne s’échappent que cinq sous-marins. Du 18 au 27 août 1944, Toulon est reconquis par la 9e D. I. C. de l’armée de Lattre, mais quand, le 13 septembre suivant, les bâtiments français rentrent dans la rade, ils ne trouvent plus aucun poste d’amarrage utilisable.

Après 1945, en raison de la priorité accordée à la remise en état de Brest et à l’aménagement de Mers el-Kébir, la reconstruction du port de Toulon ne s’opéra que lentement ; les guerres d’Indochine et d’Algérie allaient pourtant maintenir une grande activité navale à Toulon, où était bientôt reconstituée une escadre de la Méditerranée. L’importance de cette mer, où les États-Unis et l’U. R. S. S. sont présents par de puissantes forces navales, soulignait d’autre part le rôle indispensable de la base de Toulon, surtout après l’abandon par la France de celles de Bizerte (1963) et de Mers el-Kébir (1967-68).

Chef-lieu de la IIIe région maritime, siège depuis 1949 du Groupe d’études et de recherches sous-marines, Toulon abrite depuis 1960 le Centre d’entraînement de la flotte, organe de formation à la mer des états-majors et des équipages, instrument de recherches et d’études sur le matériel et la tactique navale, dont le chef eut, jusqu’en 1970, sa marque sur le cuirassé Jean-Bart. En 1971 a été ouverte à Saint-Mandrier, sous le nom de Centre d’instruction naval, dans des installations conçues à cet effet, la plus importante unité de formation de la marine nationale (2 000 stagiaires) dans les spécialités les plus diverses. Avec la base aéronavale d’hélicoptères de Saint-Mandrier et l’hôpital maritime Saint-Anne (750 lits), qui est en même temps un centre de recherches du Service de santé des armées, les imposantes installations de la Direction des constructions et armes navales (13 bassins de radoub et de carénage), qui occupent 10 000 ouvriers, Toulon rassemblait en 1974 environ 22 000 marins, soit le tiers de l’effectif de la Marine nationale. À cette date, la base sous-marine comptait 13 sous-marins, et l’escadre de la Méditerranée a vu son importance renforcée, après la réouverture du canal de Suez en 1975, notamment par le transfert de Brest à Toulon des deux porte-avions Clemenceau et Foch.

P. D.


Les activités

Elles sont marquées par le rôle de port militaire. Après des débuts modestes, cette vocation s’affirme dès le xvie s. par la construction de la Grosse Tour de la Mitre, par son choix comme siège d’une amirauté, par l’implantation d’un arsenal à l’initiative d’Henri IV et par sa désignation comme préfecture maritime en 1745. En 1830, le départ de l’expédition d’Alger inaugure les mouvements de troupes coloniales, précédant l’exil politique des proscrits du second Empire, du fort La Malgue vers l’Afrique du Nord ou la Guyane. Le maintien de son rôle stratégique sur une Méditerranée reliée à l’océan Indien ne résout pas le problème de la reconversion d’une ville trop marquée par sa fonction militaire.

La répartition de la population active révèle le maintien d’une part du secteur primaire aux marges de l’agglomération, dans la tradition méridionale pour la viticulture et les maraîchages, « azuréenne » pour la fleur coupée, grâce à l’ensoleillement et aux possibilités d’irrigation. Mais l’extension de la surface bâtie réduit peu à peu la part des cultures, les lotissements périurbains grignotant sans cesse les terres les plus favorables à une agriculture intensive.