Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

toucher ou tact

L’un des cinq sens dans la classification traditionnelle.


Par le toucher, nous pouvons effectivement apprécier le poli d’une surface ou identifier un objet sans le secours de la vue. Mais, dès la fin du xixe s., on a montré que ce que l’on appelait tact résultait en réalité de la participation de quatre types de sensibilité à localisation cutanée : la sensibilité tactile proprement dite, mise au jour par des stimulations mécaniques, une pression par exemple ; la sensibilité au chaud, mise au jour par les stimulations qui augmentent la température de la peau ; la sensibilité au froid, mise au jour par les stimulations qui diminuent cette température ; la sensibilité douloureuse, mise au jour par diverses stimulations telles que la piqûre, le pincement ou la foulure. Il faut ajouter que, dans le cas d’exploration tactile, ce complexe sensoriel s’enrichit de la kinesthésie consciente exploratrice. Nous nous limiterons ici à l’étude des sensibilités cutanées.


La dissociation des sensibilités cutanées : les « points » cutanés

Alors qu’on considérait la peau* comme l’organe du toucher, comme un tissu doué dans son ensemble d’une sensibilité « tactile », le Suédois M. Blix en 1882-83 découvrit que les réponses sensorielles n’étaient pas identiques pour la stimulation faible de très petites surfaces cutanées : en des points où la chaleur est perçue, le froid ne l’est pas, et réciproquement. Indépendamment, A. Goldscheider (1884) en Allemagne, puis H. H. Donaldson (1885) aux États-Unis firent des constatations analogues, et ainsi s’élabora la notion de points spécialisés, diversement répartis sur la peau, points de chaud, points de froid, points de contact. La stimulation de ces derniers ne donne jamais de sensation thermique. L’Autrichien M. von Frey (1894) compléta la description en découvrant des points dont la stimulation par une pointe de cactus provoque une sensation de douleur, alors que la même stimulation, appliquée à quelque distance, ne provoque qu’une sensation de contact. Par la suite, de nombreux auteurs dressèrent des cartes de la répartition des points de froid, de chaud, de tact et de piqûre pour la totalité du revêtement cutané. En dépit de certaines divergences, qui s’expliquent par les variations individuelles et par des différences dans les méthodes de stimulation utilisées, les résultats sont assez concordants et l’on sait par exemple que les points de froid (7 en moyenne au centimètre carré) sont nombreux sur le mamelon (20 au centimètre carré) et sur la lèvre supérieure (18), mais rares à la pulpe des doigts (0,7) [fig. 1]. Les points de chaud sont deux à trois fois moins nombreux que les points de froid : on en compte environ 2 par centimètre carré sur la partie latérale des doigts, région de densité maximale, et seulement 0,4 sur la cuisse et 0,3 sur la poitrine. Les points de tact sont beaucoup plus nombreux : 140 à 150 au centimètre carré à la pulpe des doigts (et à la pointe du nez !), régions privilégiées, mais 9 seulement sur la face postérieure de la cuisse. Selon l’école de von Frey, il y aurait en moyenne 170 points de piqûre au centimètre carré avec maximum dans le creux poplité (230), contre seulement 60 à la pulpe des doigts et 45 à la pointe du nez.

En établissant ces dénombrements, on constate que la différence dans la répartition régionale des quatre types de points va jusqu’à l’absence complète de l’un ou de plusieurs d’entre eux dans certaines régions où le tégument a subi des transformations. C’est ainsi que la luette a des points de froid, mais pas de points de chaud, qu’il n’y a pas de points de piqûre sur une région de la joue (bien connue des fakirs), au niveau de la seconde molaire inférieure, et que le gland est dépourvu de points de froid.

Sur la base de tels résultats, on pouvait affirmer l’indépendance des quatre types de sensibilité cutanée, auxquels il faut ajouter la sensibilité des poils, dont le caractère de mécanorécepteurs à distance avait été reconnu dès 1858. Mais il restait à trouver la correspondance entre ces différentes modalités sensorielles et les diverses terminaisons réceptives de la peau décrites par les biologistes.


Les terminaisons sensorielles cutanées

L’innervation de la peau est extrêmement complexe, elle comprend des fibres sensorielles myélinisées dont les ramifications ultimes perdent leur gaine de myéline, des fibres sensorielles non myélinisées, des fibres sympathiques et parasympathiques également amyéliniques dont la participation sensorielle est mal définie et des fibres myélinisées motrices. Les terminaisons sensorielles peuvent être libres ou entourées d’une gaine plus ou moins complexe ; dans ce dernier cas, on parle de corpuscules. Ces corpuscules, plus ou moins volumineux, furent les premiers éléments identifiés par les biologistes. Dès 1741, un anatomiste du service d’A. Vater découvre le corpuscule qui sera décrit en détail par F. Pacini en 1840, puis G. Meissner (1853) décrit le corpuscule qui porte son nom ; viendront ensuite les corpuscules de Krause (1860), de Golgi-Mazzoni (1883), de Ruffini (1894) de Dogiel (1903). En fait, tous les intermédiaires existent entre les trois types principaux à retenir, qui sont : le corpuscule de Pacini, simple fibre axiale entourée d’une capsule épaisse de structure complexe (fig. 2) ; le corpuscule de Meissner, ne possédant à l’opposé qu’une gaine mince autour d’une ou deux fibres repliées un grand nombre de fois sur elles-mêmes (fig. 3) ; le corpuscule de Ruffini, plus allongé et possédant un système de fibres élastiques disposées longitudinalement (fig. 4). Concernant les récepteurs non encapsulés, nous retiendrons la description de F. Merkel (1880) relative à des terminaisons en ménisques ou en disques (disques de Merkel) associées chacune étroitement à une cellule spécialisée (cellule de Merkel) [fig. 6], dont nous tenterons de préciser le rôle.