Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tong K’i-tch’ang (suite)

Issu d’une modeste famille paysanne de la préfecture de Shanghai (Chang-hai), il renia par la suite ses humbles origines et se forgea une nouvelle généalogie. À l’âge de dix-sept ans, il se rendit à Huating (Houa-t’ing), dans le Jiangsu (Kiang-sou) actuel, où il se mit sous la protection de Mo Ruzhong (Mo Jou-tchong), riche notable, d’une grande érudition et amateur d’art averti. On peut présumer que c’est auprès de ce personnage que Dong Qichang reçut sa formation de peintre et de lettré.

Reçu bachelier en 1589, il occupa successivement les charges officielles de chroniqueur, d’inspecteur de la région de Huguang (Hou-kouang), de ministre des rites et enfin d’éducateur du prince héritier. En 1626, il quitta la cour et se retira dans ses domaines de Huating.

Grâce à ses différents postes de haut fonctionnaire, il avait acquis une fortune en se livrant à des exactions diverses. Il rassembla une grande collection de peintures et d’antiquités. Grand amateur du beau sexe, il encourut un retentissant scandale, et une de ses fermes fortifiées fut incendiée par le peuple. À sa mort, il reçut le titre posthume de « lumière des lettres ».

Sa position sociale élevée favorisa beaucoup sa renommée auprès de ses contemporains : il fut l’objet de louanges dithyrambiques. En réalité, son œuvre, relativement importante, est très imprégnée de l’influence des peintres anciens. S’exerçant chaque jour à copier un ou deux arbres, il reconnut son incapacité à peindre les personnages, les chars, les bateaux et les maisons. En fait, comme la plupart des peintres lettrés, il fut plutôt un amateur.

Il faut toutefois reconnaître que Dong Qichang parvint à une excellente technique à la fin de sa vie. Son pinceau acquit une grande spontanéité, et son trait fut celui d’un grand calligraphe. Les effets d’encre très nuancés atteignirent une subtilité inégalée parmi ses prédécesseurs. Grande fut son influence sur les peintres individualistes de la fin des Ming* et du début des Qing (Ts’ing*).

Le musée de l’ancien palais de Taibei (T’ai-pei) conserve une de ses œuvres, intitulée Discussion sur l’Antiquité au bord de la rivière. Outre la signature de l’artiste, datée de 1602, elle porte plusieurs colophons, notamment de Zhen Jiyou (Tchen Ki-yeou), illustre lettré contemporain de Dong Qichang, et de l’empereur Qianlong (K’ien-long). Nombreux y sont les cachets de collectionneurs, depuis la fin des Ming jusqu’au dernier empereur des Qing. Ce paysage de rochers, d’arbres et de fleuve utilise la technique des « rides en fibres de chanvre » inspirée de Dong Yuan (Tong Yuan*). Les touches du feuillage des arbres, suivant les différentes espèces, sont en accord avec la tradition consacrée. Malgré la froideur apparente et l’aspect fragmentaire de la composition, il faut admirer la subtilité du trait et la virtuosité du pinceau. Les différents dégradés de l’encre sont particulièrement riches. Au total, ce paysage illustre bien l’école des lettrés dite « du Sud ».

C.-I. H.

Tong Yuan

En pinyin Dong Yuan ; nom social, Shuda (Chou-ta). Peintre chinois (? - 962).


Les paysages de Dong Yuan et de Juran (Kiu Jan, actif vers 975) forment la tradition orthodoxe dans la peinture chinoise. À partir de l’époque des Ming*, ils furent considérés comme des « patriarches » par les peintres lettrés qui s’identifiaient à l’école du Sud. Mais déjà de leur vivant ils jouissaient d’une grande renommée, qui atteignait même le nord de la Chine et la capitale des Song*.

Dong Yuan est originaire de Zhongling (Tchong-ling) [actuel Nankin] ; si sa date de naissance et ses premières activités restent mal connues, on sait qu’il occupait sous le règne de Zhongzhu (Tchong-tchou, 934-962), des Tang (T’ang*) du Sud, le poste de « vice-émissaire du Jardin du Nord » (fonctionnaire responsable des transactions du thé).

Très nombreux sont les écrits sur Dong Yuan ; ils ont été composés un siècle au moins après sa mort et ne font aucune mention de sa vie, mais parlent de ses peintures. Le Xuanhe huapu (Siuan-ho houa-p’ou), catalogue de la collection impériale de l’empereur Huizong (Houei-tsong, 1101-1125), nous dit qu’il a subi l’influence des maîtres des Tang tels que Wang Wei et Li Sixun (Li Sseu-hiun). De fait, certaines de ses peintures, raffinées et colorées, suivent le style de Li Sixun. Sans doute s’agit-il d’œuvres de jeunesse, bien différentes de celles qui sont représentatives de son style.

La grande originalité de Dong Yuan fut de représenter les paysages de sa région natale : vallées détrempées, montagnes brumeuses, qui évoquent la légèreté et l’humidité de l’atmosphère, l’exubérance de la flore. Pour mieux s’adapter à la nature, il dut abandonner le style minutieux de Wang Wei et le style « bleu et or » de Li Sixun. Pour la première fois, il recourut à des traits longs et ondulés afin d’exprimer les arrondis des collines, technique qui sera largement adoptée par les peintres lettrés, qui la nommeront « rides en fibres de chanvre ». De plus, pour représenter les feuillages, il employait de larges touches d’encre très délayée. Par ses effets de dégradés, il parvint à traduire l’imprécision des formes, le fondu de la lumière. Shen Gua (Chen Koua, 1030-1093) parle déjà de cet effet de « flou lorsqu’on examine de près la peinture, alors que les formes deviennent distinctes avec plus de recul... » Ce sont les montagnes du Sud telles qu’elles sont véritablement et non pas ces falaises au relief tourmenté qu’affectionnent ses contemporains et les peintres qui l’ont précédé. Il exprime plutôt l’atmosphère d’un paysage, sans trop s’embarrasser des détails, et est qualifié de « quasi-impressionniste » par O. Sirén.

Les anciens catalogues et les écrits des lettrés des Song attribuent une centaine d’œuvres à Dong Yuan, dont les thèmes étaient très variés : personnages, animaux, thèmes mythiques tels que les immortels, démons et dragons. Toutefois, à l’heure actuelle, peu d’œuvres authentiques de ce peintre ont été conservées. Parmi celles-ci, citons le Paysage de Xiaoxiang (Siao-siang t’ou) [Musée de Pékin]. Bien que le thème soit emprunté à la mythologie, l’œuvre demeure très réaliste et il s’agit vraisemblablement d’un paysage du Yangzi (Yang-tseu). Une brume évanescente baigne l’atmosphère. Collines et arbres sont représentés par de légères touches du pinceau. À droite, sur un banc de sable figuré par des traits allongés, de minuscules personnages font leurs adieux aux occupants d’une barque qui s’éloigne. Au centre s’étendent collines et fleuve suivant une certaine ligne de perspective. À gauche, des pêcheurs lancent paisiblement leurs filets. Ce style trouvera son prolongement immédiat dans l’œuvre de Juran, dont le rouleau vertical À la recherche du chemin (dao/tao) dans les montagnes en automne (musée de Taibei) allie à l’intériorité le réalisme atmosphérique et la vigueur du pinceau dans l’indication des détails.

C.-I. H.