Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

autonomie (suite)

Autonomie biologique

Les acquisitions majeures sont le fait de Claude Bernard (1813-1878) et de Pierre Vendryes (né en 1908). W. B. Cannon a repris, cinquante ans plus tard, certaines idées de Claude Bernard. Celui-ci a montré que la condition d’une vie autonome était la fixité du milieu intérieur, reprise sous le nom d’homéostasie par Cannon, et que tous les actes de la vie de relation ont cette fixité comme finalité. Selon Pierre Vendryes, cette œuvre constitue une physiologie générale. Ce dernier a fondé sa physiologie théorique sur le concept suivant : l’animal, en acquérant son autonomie par rapport au milieu extérieur, acquiert la possibilité d’entrer en relation aléatoire avec lui. Les organes d’action d’un système sont susceptibles d’un grand nombre de combinaisons, et, à chaque instant, le système nerveux a comme tâche de faire un choix entre ces possibles. C’est la relation articulaire, outil de l’autonomie. Vendryes en projette l’étude au domaine de la pensée et, de là, à la linguistique. Les travaux d’Henri Laborit (né en 1914) amènent les assouplissements nécessaires aux conceptions de Claude Bernard.


Autonomie cybernétique

L’étude cybernétique des êtres inanimés ou vivants conduit à des conceptions analogues. Pour être autonome, un système doit pouvoir établir avec son milieu des relations centripètes (récepteurs) et centrifuges (effecteurs) ; il doit, en outre, posséder des fonctions propres à modifier son propre mécanisme. Pour atteindre à un certain niveau d’indépendance, il lui faut également une mémoire. On n’a aucune idée de ce que pourrait être un mécanisme de conscience réfléchie qui permettrait d’aborder l’étude des mécanismes de l’indépendance vraie. Il semble que ce soit une faculté individuelle qui ne puisse émerger que dans une société. De tels systèmes — homéostat, puis multistat, systèmes S 4, S 5 et mémoire active — conduisent à construire des machines qui ont des comportements différents dans les mêmes circonstances et qui peuvent avoir le même comportement dans des circonstances différentes. On distingue :
— l’autonomie des moyens (homéostat d’Ashby) ; il s’agit de systèmes finalisés qui se restructurent lorsque leur logique ne leur permet pas d’atteindre leur but ;
— l’autonomie des buts (J. Sauvan : multistat et systèmes S 4 et S 5) ; c’est la possibilité de créer son propre but. L’adjonction d’une mémoire active (Sauvan) permet de dépasser le stade instinctif représenté par S 4 et S 5, en faisant intervenir la représentation d’événements passés ou d’événements imaginés à partir de ces derniers pour élaborer une finalité qui n’est d’ailleurs jamais définitive. On atteint là la simulation des systèmes biologiques les plus évolués.

J. S.

 W. B. Cannon, The Wisdom of the Body (New York, 1932). / P. Vendryes, Vie et probabilité (A. Michel, 1942) ; Déterminisme et autonomie (A. Colin, 1956). / W. R. Ashby, Introduction to Cybernetics (Londres, 1956). / H. Laborit, Physiologie humaine cellulaire et organique (Masson, 1961). / J. Sauvan, Cosmologie pour un cerveau (Lausanne, 1970).

autopropulsé (projectile)

Projectile n’utilisant pas de point d’appui pour sa propulsion et dont le mouvement résulte de la réaction provoquée par l’éjection à grande vitesse d’une partie de sa substance.



Introduction

Les Anciens, mages, brahmanes, prêtres de l’Égypte et de la Grèce, utilisaient les propriétés de la fusée pour faire intervenir à leur gré les dieux. Ils connaissaient les serpenteaux, c’est-à-dire des petits tubes de roseau, de papyrus ou de peau remplis d’un mélange salpêtre et rampant sur le sol comme un serpent lorsque le mélange était allumé.

Vers 850, le pyrotechnicien Marcus Graecus fait mention d’un artifice nommé feu volant : « Prenez une livre de soufre, deux livres de charbon de tilleul ou de saule et six livres de salpêtre, broyez-les très subtilement tous les trois dans un vase de marbre. Que cette composition soit ensuite placée dans un roseau ou dans un bâton creux et qu’on y mette le feu. Elle s’envolera dans la direction qu’on voudra et réduira tout en cendres par l’incendie. La composition peut être employée à volonté, soit pour voler, soit pour imiter le tonnerre. La tunique, ou enveloppe, pour voler, doit être mince et longue... »

À cette époque, les Grecs avaient des feux volants qu’ils lançaient en direction de l’ennemi. Les Égyptiens ont en 1249 des projectiles appelés scorpions, formés d’un explosif nitré et qui « rampent, murmurent, éclatent et incendient ». Un texte d’Ogoday, fils de Gengis khān, révèle que les Chinois connaissaient aussi les fusées dès le xiiie s.

En France, au xve s., les fusées volantes furent utilisées par Dunois au siège de Pont-Audemer (1449), puis par Jean Bureau († 1463) et son frère Gaspar († 1469), grand maître de l’artillerie*, pour la conquête de la Guyenne (1451-1453). Mais leur rendement médiocre les fit abandonner jusqu’à la fin du xviiie s. À cette époque, l’officier d’artillerie anglais William Congreve (1772-1828) confectionna des fusées de 8, 12, 32 et 42 livres, d’une portée de 2 500 m, qui furent employées notamment en 1807 contre la flotte danoise à Copenhague. En France, l’étude des fusées fut entreprise activement en 1810, et, en 1840, des batteries de « fuséens » étaient créées. Des fusées, dont la portée atteignait 7 000 m et dont le calibre le plus élevé était de 170 mm, furent utilisées en 1855 au siège de Sébastopol. Peu après, William Haie plaçait des déflecteurs à leur partie postérieure, ce qui leur donnait, par effet de rotation, une précision améliorée. Mais les progrès des canons (chargement par l’arrière, rayures) évincèrent momentanément les fusées. Des études théoriques, en particulier celles (1930) de Robert Esnault-Pelterie (1881-1957), en astronautique, permirent de montrer l’importance des engins autopropulsés. En 1933, René Leduc (1898-1968), en collaboration avec la maison Breguet, étudia un propulseur aérothermique. Les recherches allemandes se poursuivirent dans le même temps et en 1937 une grande station expérimentale fut installée à Peenemünde : elle mit au point les engins connus pendant la Seconde Guerre mondiale sous les noms de V1 et de V2.