autonomie (suite)
Autonomie biologique
Les acquisitions majeures sont le fait de Claude Bernard (1813-1878) et de Pierre Vendryes (né en 1908). W. B. Cannon a repris, cinquante ans plus tard, certaines idées de Claude Bernard. Celui-ci a montré que la condition d’une vie autonome était la fixité du milieu intérieur, reprise sous le nom d’homéostasie par Cannon, et que tous les actes de la vie de relation ont cette fixité comme finalité. Selon Pierre Vendryes, cette œuvre constitue une physiologie générale. Ce dernier a fondé sa physiologie théorique sur le concept suivant : l’animal, en acquérant son autonomie par rapport au milieu extérieur, acquiert la possibilité d’entrer en relation aléatoire avec lui. Les organes d’action d’un système sont susceptibles d’un grand nombre de combinaisons, et, à chaque instant, le système nerveux a comme tâche de faire un choix entre ces possibles. C’est la relation articulaire, outil de l’autonomie. Vendryes en projette l’étude au domaine de la pensée et, de là, à la linguistique. Les travaux d’Henri Laborit (né en 1914) amènent les assouplissements nécessaires aux conceptions de Claude Bernard.
Autonomie cybernétique
L’étude cybernétique des êtres inanimés ou vivants conduit à des conceptions analogues. Pour être autonome, un système doit pouvoir établir avec son milieu des relations centripètes (récepteurs) et centrifuges (effecteurs) ; il doit, en outre, posséder des fonctions propres à modifier son propre mécanisme. Pour atteindre à un certain niveau d’indépendance, il lui faut également une mémoire. On n’a aucune idée de ce que pourrait être un mécanisme de conscience réfléchie qui permettrait d’aborder l’étude des mécanismes de l’indépendance vraie. Il semble que ce soit une faculté individuelle qui ne puisse émerger que dans une société. De tels systèmes — homéostat, puis multistat, systèmes S 4, S 5 et mémoire active — conduisent à construire des machines qui ont des comportements différents dans les mêmes circonstances et qui peuvent avoir le même comportement dans des circonstances différentes. On distingue :
— l’autonomie des moyens (homéostat d’Ashby) ; il s’agit de systèmes finalisés qui se restructurent lorsque leur logique ne leur permet pas d’atteindre leur but ;
— l’autonomie des buts (J. Sauvan : multistat et systèmes S 4 et S 5) ; c’est la possibilité de créer son propre but. L’adjonction d’une mémoire active (Sauvan) permet de dépasser le stade instinctif représenté par S 4 et S 5, en faisant intervenir la représentation d’événements passés ou d’événements imaginés à partir de ces derniers pour élaborer une finalité qui n’est d’ailleurs jamais définitive. On atteint là la simulation des systèmes biologiques les plus évolués.
J. S.
W. B. Cannon, The Wisdom of the Body (New York, 1932). / P. Vendryes, Vie et probabilité (A. Michel, 1942) ; Déterminisme et autonomie (A. Colin, 1956). / W. R. Ashby, Introduction to Cybernetics (Londres, 1956). / H. Laborit, Physiologie humaine cellulaire et organique (Masson, 1961). / J. Sauvan, Cosmologie pour un cerveau (Lausanne, 1970).