Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tōkyō

Capitale et la plus grande ville du Japon (11 477 000 hab.).


Tōkyō forme en fait avec Yokohama* une agglomération qui est la plus étendue du monde. La région métropolitaine de Tōkyō (créée en 1956) couvre 26 187 km2, soit la ville elle-même, les trois préfectures limitrophes de Kanagawa (Yokohama, au sud), Chiba (à l’est) et Saitama (au nord) et, pour partie, les préfectures voisines de Tochigi, Ibaraki, Gumma et Yamanashi ; 33 millions d’habitants vivent dans cette circonscription en 1975 : 25 millions pour la conurbation proprement dite et 8 millions pour les villes et campagnes intercalaires.


Les conditions générales

Le site de Tōkyō est le fond d’une baie peu profonde ouverte sur le Pacifique à égale distance (1 000 km) du nord de Hokkaidō et du sud de Kyūshū, avantage qui ne se révéla toutefois que très récemment. Les rives marécageuses passent vers l’intérieur à des buttes et de petits plateaux formant l’avancée des terrasses de Musashino et recouverts de limon volcanique. La cité s’est étendue aux dépens de la baie en immenses quartiers monotones (c’est Shitamachi : la « ville basse ») et vers l’intérieur sur les collines (Yamanote), au nord, à l’ouest et au sud du château. Quelques fleuves (Sumida-gawa, Arakawa, Kanda-gawa, Tsurumi-gawa) et de nombreux canaux ajoutent encore à la variété du site.

Tōkyō a des étés chauds et humides, des hivers ensoleillés parcourus par des vents du nord-ouest secs et froids. Il neige douze jours par an seulement. La température moyenne est de 15 °C et il tombe annuellement 1 500 mm de pluie. En dépit du nombre assez élevé de jours de pluie (149), l’ensoleillement est l’un des plus élevés du globe pour une ville de cette latitude (1 953 heures). L’été est quasi tropical, chaud et humide (août : 26,7 °C et 84 p. 100 d’humidité). L’automne est la saison des typhons. L’hiver est la période sèche (63 p. 100 d’humidité de novembre à mars) et la température s’abaisse à 3,2 °C en janvier, à 4 °C en février. Ce climat entretient une végétation assez luxuriante et très variée, là où elle subsiste : forêts denses à plusieurs étages aux environs ; dans les jardins, arbres à feuilles persistantes (magnolia, camélia, théier) et bambous ainsi que de nombreuses espèces de pins.

J. P.-M.


L’histoire

Au fond d’une baie relativement peu profonde, mais bien abritée sur la côte orientale de l’île de Honshū, le site de la ville actuelle de Tōkyō se trouve naturellement au débouché maritime de la plaine du Kantō, dans l’ancienne province du Musashi créée vers le viiie s. et reliée à la capitale Nara par une route, le Tōkaidō, qui longeait plus ou moins la côte. Centre important de shōen (ou seigneuries féodales) qui auront une existence presque indépendante du pouvoir central jusqu’au xiie s., le Kantō voit la montée au pouvoir du clan des Minamoto, qui s’installe non loin au sud de l’actuelle Tōkyō, à Kamakura. La prospérité du Kantō permet aux Minamoto de lutter efficacement contre les Taira, moins favorisés, et éventuellement de les supplanter.

Lorsque, en 1336, la puissance de Kamakura ayant été abattue et les Ashikaga ayant établi leur bakufu (leur siège) à Muromachi (quartier de Kyōto), les seigneurs du Kantō s’opposent au nouveau bakufu, celui-ci est obligé de leur conférer un statut particulier, à charge pour les familles Uesugi (alors Kantō-kanrei, ou gouverneurs du Kantō) de diriger la province. Les seigneurs du Musashi, participant à la guerre civile qui ravagea le pays durant toute la période des Ashikaga, établissent quelques forts et châteaux dans la région. Une famille appelée Edo crée un shōen au fond de la baie, et, plus tard, en 1457, un petit seigneur inféodé aux Uesugi, Ōta Dōkan, y élève un fortin. Celui-ci tombe cependant en désuétude ; les Hōjō, alors la famille la plus puissante, s’installent non loin, à Odawara, et y font construire un immense château. Hideyoshi* abat en 1590 les Hōjō et rase leur château ; il donne en fief à son plus fidèle lieutenant, Tokugawa Ieyasu*, la province du Kantō. Ieyasu choisit l’ancien site du shōen d’Edo pour y installer sa capitale et, à partir de 1603, fait construire un grand château qu’il entoure de douves ; il assainit par des travaux d’irrigation la plaine insalubre qui entoure le site. Le réseau de canaux forme encore aujourd’hui l’armature du plan urbain. Après la chute d’Ōsaka et l’affermissement de son pouvoir, Ieyasu, ayant établi son bakufu à Edo, y attire fonctionnaires, artisans, marchands et prêtres.

L’obligation étant faite aux daimyō tozama (ou daimyō extérieurs) de résider à Edo une année sur deux et d’y laisser en permanence leur famille en garant de fidélité, la ville ne tarde pas à se développer et à attirer les richesses des autres provinces. Edo s’agrandit, englobant progressivement les villages du Musashi (qui gardent encore leurs noms en tant que quartiers de la ville moderne), rayonnant à partir du centre seigneurial et aristocratique établi à l’intérieur des immenses enceintes concentriques du château. Seconde capitale du Japon, Edo dépasse bientôt en ampleur et en population (1 million d’habitants au xviiie s.) la capitale impériale de Kyōto ; elle devient le centre névralgique du pays d’où toutes les grandes routes partent. Gênée dans son expansion vers le nord et l’ouest en raison des collines du Musashi, Edo se tourne vers la mer et se met à conquérir des territoires sur celle-ci en asséchant les marécages côtiers de chaque côté de l’estuaire de la Sumida-gawa, la rivière qui alimente alors la ville en eau. L’extrême densité du peuplement (maisons de bois et de papier) favorise les incendies, qui ont revêtu parfois un caractère catastrophique (en 1657, 1772, 1806).

Mais chaque fois un nouvel urbanisme vient modifier le plan de la ville, agrandissant l’espace urbain et élargissant les rues ; on conserve toutefois les artères rayonnantes étroites et tortueuses afin d’éviter qu’une attaque éventuelle puisse parvenir trop facilement au cœur de la ville. Une civilisation particulière au Japon se développe dans cette fourmilière humaine, avec ses arts spécifiques, sa littérature, ses us et coutumes. Le port d’Edo servant de relais obligatoire entre les provinces du Nord et celles du Centre, la ville s’enrichit considérablement et voit le triomphe de la classe des marchands.