Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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tissage (suite)

➙ Bobinage / Bonneterie / Canetage / Encollage / Filature / Impression / Non-tissé / Ourdissage / Tapis / Teinture et apprêts / Textiles (industries).

 A. Lambrette, Tout le tissage (Textile et technique, 1947-1950 ; 6 vol.). / C. et S. Labriffe, Manuel du tissage (Baillière, 1948-1954 ; 3 vol.). / R. Thiébaut, le Tissage (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1952 ; 2e éd., 1964). / W. Endrei, l’Évolution des techniques du filage et du tissage du Moyen Âge à la révolution industrielle (trad. du hongrois, Mouton, 1968).


Les tissus d’art : Moyen-Orient et Occident

Le tissage sur métier était une technique déjà évoluée à l’origine des civilisations sédentaires (période mésolithique). Les fouilles faites dans de nombreux sites lacustres suisses ou danois ont livré des tissus de lin ou de laine à décors géométriques, le brochage était en usage (toile d’Irgenhausen au Musée national suisse, Zurich). Par la suite, en général, les plus beaux décors seront exécutés sur un matériau plus flatteur, la soie.

Les dessins à personnages, animaux ou végétaux apparaissent vers 1500 av. J.-C. Cependant, il est difficile de faire un véritable historique de ces motifs avant l’ère chrétienne, et la chronologie reste incertaine bien après. L’histoire du décor tissé est celle des combinaisons de l’imagination du décorateur avec l’invention du technicien, sans que l’antériorité de lune ou de l’autre puisse être aisément établie.

Jusqu’au xiie s., le bassin oriental de la Méditerranée a joué le rôle de guide — avec une extension vers le sud de l’Espagne —, et aussi le Moyen-Orient. De récentes recherches ont apporté l’hypothèse selon laquelle le vaste domaine de l’Extrême-Orient, contrairement à l’opinion antérieure, aurait été influencé par des exemples venus de l’ouest avant de répandre à son tour son influence par la « route de la soie ».


Les tissus dits « sassanides »

Après les conquêtes d’Alexandre, l’Orient sassanide* recevait la soie de la Chine par l’intermédiaire des Parthes. Sa production est très difficile à étudier, car aucun des tissus actuellement qualifiés de sassanides n’a été trouvé en Iran. Ils ont généralement servi d’enveloppe aux corps ou aux reliques de saints personnages ramenés d’Orient en Occident. Beaucoup de tissus à décor sassanide ont probablement été fabriqués à Byzance. Les scènes de chasse, les cavaliers tirant à l’arc, le pyrée (autel du feu), l’arbre de vie (palmier ou arbre plus fantaisiste), les animaux affrontés ou adossés, les décors enfermés dans des cercles sont leurs motifs les plus caractéristiques. Les chasses au lion du Kunstgewerbemuseum de Berlin et du musée des Tissus de Lyon sont menées par des cavaliers qui ressemblent au roi Khosrô II (590-628).


Byzance

Le grand développement qu’y connut l’activité textile est dû à la fois au changement du costume sous le règne de Constantin (306-337) et à l’introduction de la culture de la soie sous Justinien (527-565). Au ive s. furent fondés les ateliers impériaux, nommés gynécées ; mais la société byzantine se fournissait aussi à Alexandrie, Damas, Antioche, Tyr et Sidon. L’inspiration antique, dans le décor, est plus romaine que grecque : quadriges, combats du cirque (trésors d’Aix-la-Chapelle, de Coire, de Sens, de Liège, du Latran à Rome ; musée des Tissus de Lyon et musée de Cluny à Paris). Un motif fréquent est la lutte d’Hercule (ou Samson ?) contre le lion de Némée ; un tissu du musée de Krefeld représente les Dioscures. Les scènes religieuses font preuve de bien plus d’invention, mais elles sont plus souvent brodées que tissées, sauf exceptions.

Les motifs animaliers géométrisés sont très en honneur : ainsi les éléphants entourés de médaillons représentés sur un tissu qui enveloppait les ossements de Charlemagne (Aix-la-Chapelle, xe s.). La pièce décorée de cavaliers, cadeau de Constantin V à Pépin le Bref (Lyon), le Gilgamesh du trésor de Sens font partie des étoffes pseudo-sassanides tissées à Byzance au viie s. L’origine byzantine est parfois attestée par la forme du vêtement dont provient le tissu (manteau à encolure ronde). L’apogée du tissage de la soie dans l’Empire byzantin* se situe aux xe et xie s., sous les dynasties macédoniennes. Les ateliers de Thèbes, de Corinthe et de Chypre ont créé des décors où la figure humaine est rare, ce qu’explique l’influence islamique. Ils ont fourni le marché italien jusqu’à l’apparition d’une industrie locale (xie s.).


Les Coptes*

Les ateliers coptes nous ont laissé, du iiie au xiie s., des dizaines de milliers de fragments dont seuls quelques-uns peuvent être datés avec certitude. Du iiie s. date une nouvelle manière d’ensevelir les morts, en les revêtant de leurs plus beaux habits, dans des sarcophages ou à même le sable. Dans l’ensemble, les motifs hellénistiques sont beaucoup plus fréquents que les motifs chrétiens, d’ailleurs souvent exprimés de façon abstraite. Les mosaïques influencent fortement le décor de la première période, dans le choix des couleurs comme dans le style, naturaliste (ainsi du tissu aux poissons partagé entre le musée des Tissus de Lyon et le Louvre, iie ou iiie s). Puis une évolution se dessine dans les sujets, les portraits et les personnages en pied cédant la place au décor géométrique et à une flore de plus en plus stylisée.


L’islām*

Le domaine musulman s’étend sur tout le bassin méditerranéen, mais il compte aussi des ateliers en Anatolie et en Iran* du Nord — par où filtrèrent les influences occidentales jusqu’au Japon. Le décor est caractérisé par le refus de la représentation humaine et l’importance décorative de l’inscription. Les rares thèmes figurés — guerre ou chasse — ont souvent une inspiration commune d’origine sassanide, que les tissus proviennent d’Égypte ou du domaine persan.

L’Égypte fāṭimide a fabriqué des tissus décorés de bandeaux d’épigraphie et de motifs animaliers. Un certain nombre d’exemples existent en France, fragments du musée de Cluny, de l’église Saint-Étienne de Chinon, voile « de sainte Anne » à Apt, suaire de l’abbaye de Cadouin en Périgord. L’essor des ateliers fāṭimides fut brusquement arrêté par les croisades.