Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tirana

Capit. de l’Albanie.


La population est passée de 12 000 habitants en 1920 à 17 000 en 1939, à 135 000 dans les années 50, à un peu plus de 180 000 au milieu des années 70.

Ce gros village balkanique doit donc son développement au régime socialiste. Mais les raisons qui en ont fait la capitale des pays albanais demeurent, et, en premier lieu, la position : la ville est installée au centre du pays, entre les montagnes de Guégarie au nord et les régions habitées par les Tosques au sud. Elle est située non loin de la côte, mais au contact entre les plaines sublittorales, qui furent longtemps marécageuses et même paludéennes, et la montagne de l’Albanie moyenne (à quelques kilomètres de Tirana s’élève l’un des principaux sommets, le Dajti [1 612 m]). Le site est celui d’une plaine alluviale offrant un passage facile vers la côte, recevant en abondance les eaux de l’arrière-pays, dominée par quelques collines couvertes d’une belle végétation.

Tirana, mieux qu’Elbasani ou Berati, a toujours été un gros marché, un carrefour de caravanes et de marchandises, circulant du nord au sud et de l’Adriatique vers l’arrière-pays. Au temps de l’Albanie médiévale, occupée par les Ottomans, ce fut la ville principale : le bazar, aujourd’hui détruit, attestait, il y a peu d’années encore, l’importance de la fonction commerciale. L’aristocratie et la bourgeoisie y ont construit de belles demeures, marquées par l’architecture musulmane ou ottomane : maisons à toit à quatre pans, précédées d’une véranda, entourées d’un jardin potager et fruitier, nichées au fond d’impasses, comme on en voit dans le centre historique de la ville.

C’est l’indépendance, théoriquement établie en 1912, et surtout l’avènement du régime de démocratie populaire (1946) qui entraînèrent la croissance de la ville. Au cours de la période mouvementée que connut le pays de 1912 à 1945, Tirana accrut légèrement sa population, et quelques quartiers s’étendirent ; mais rien de notable ne fut réalisé, à l’exception de la construction, après l’occupation par les troupes italiennes, d’un ensemble monumental qui demeure aujourd’hui : une large allée partant d’une place bordée de ministères, conduisant à une esplanade entourée par l’université, le musée et l’Opéra.

Le régime socialiste a fait de Tirana une vraie capitale où sont concentrés les organes du parti, de la planification et de l’État. La construction d’un réseau ferré dans le pays a permis la liaison de la capitale au port de Durrësi, qui approvisionne Tirana, à Elbanasi, une des villes principales du Sud, à Cërriku et au bassin pétrolifère. La ville est le siège d’importantes manifestations internationales, culturelles ou sportives. Le Nouveau Palais de la culture, commencé lors de l’époque de l’amitié soviétique, a été achevé grâce à l’aide chinoise. Enfin, la capitale est devenue un important centre industriel. Les usines sont alimentées en énergie par la centrale hydro-électrique Lénine, située à proximité de la ville. Le combinat Staline produit des tissus pour l’ensemble du pays. L’usine de tracteurs, plus récente, a été équipée de machines chinoises. On compte également d’autres ateliers de drap et de velours, une verrerie, des industries alimentaires variées, un combinat polygraphique. Au total, Tirana assure le cinquième de la valeur de la production industrielle globale du pays.

L’immigration des paysans chassés de leurs villages par la mécanisation de l’agriculture a permis d’assurer à cette industrie nouvelle la main-d’œuvre nécessaire. Des stages de formation de cadres ont eu lieu à Moscou et, depuis 1961, ce sont des techniciens chinois qui assurent sur place cette formation.

L’afflux d’une main-d’œuvre nouvelle, un excédent naturel encore élevé dans la ville même ont conduit le gouvernement à tracer un plan d’urbanisme faisant place à des ensembles résidentiels répartis à la périphérie, à une restructuration du centre, où ont été démolis l’ancien bazar et quelques quartiers, mais aussi à une large extension des espaces verts et de récréation (jardins, parcs, parterres de fleurs, stades et installations sportives), réalisant ainsi le type même de l’urbanisme socialiste. La ville a gardé toutefois son charme touristique : il reste, bien entretenus, des mosquées du xviiie et du xixe s., des maisons et des rues de l’époque ancienne, des édifices décorés datant de l’occupation ottomane.

La capitale n’est pas excessivement peuplée et étendue par rapport à l’ensemble du pays, qui compte plus de deux millions d’habitants. Le seul élément de centralisation est d’ordre universitaire : l’université, fondée en 1957, compte plus de 7 000 étudiants. Mais des bassins ou foyers industriels et un réseau de villes moyennes contrebalancent parfaitement l’importance de Tirana dans le pays.

A. B.

Tirpitz (Alfred von)

Amiral allemand (Küstrin 1849 - Ebenhausen, près de Munich, 1930).


Cet Allemand de l’Est, qui, en quinze ans, fera de l’Allemagne de 1914 la seconde puissance maritime mondiale, eut de bien modestes débuts. Fils d’un employé de justice, élevé à Francfort-sur-l’Oder, il était entré à seize ans dans la marine prussienne, où le nombre des places offertes excédait celui des candidats. Méthodique et tenace, il trouvera dans le domaine naval, dont la Prusse faisait alors peu de cas, un champ libre où son imagination pangermaniste, alliée à de réels talents d’organisateur, pourra se donner libre cours. Officier depuis 1869, il commandera divers bâtiments, puis une flottille de torpilleurs et acquerra une solide formation technique. Promu contre-amiral en 1895, il a la chance d’être remarqué par Guillaume II, qui, petit-fils choyé de la reine Victoria, avait rapporté de ses séjours à la cour de Londres un amour passionné de la mer et un certain complexe de jalousie de la flotte britannique. Tirpitz sera l’un des premiers à percevoir que l’expansion commerciale du IIe Reich devait avoir pour corollaire la constitution d’une grande flotte de guerre capable d’en imposer à ses concurrents et d’appuyer dans le monde l’armée des voyageurs de commerce allemands. Mis en 1896 à la tête de la division navale d’Extrême-Orient, il reçoit mission de choisir un point d’appui capable de rendre les bâtiments allemands indépendants de Hongkong. C’est ainsi que Tirpitz fonde le comptoir allemand de Qingdao (Ts’ing-tao), où il crée un grand port de commerce. En 1897, le Kaiser le nomme secrétaire d’État à la Marine, poste qu’il conservera durant dix-huit ans. Dès lors, il ne connaît plus qu’un seul but, la construction d’une flotte de haute mer, qui sera vraiment son œuvre. Habile manœuvrier, il saura flatter le Reichstag : « Il faut, dit-il, donner aux assemblées une balle avec laquelle elles puissent jouer. » Aussi obtiendra-t-il le vote des lois statutaires de 1898 et de 1900 qui, prévoyant un programme de 37 cuirassés et 52 croiseurs, créent une puissance maritime allemande à vocation mondiale, dont Guillaume II soulignera l’importance dans son fameux discours de Kiel où il proclame en 1900 que « l’avenir de l’Allemagne est sur l’eau ». Pour passionner l’opinion, Tirpitz, qui vient d’être anobli par l’empereur, crée une Ligue maritime qui rassemblera un million d’adhérents. À partir de 1906, il se consacre à la construction des dreadnoughts et fait pousser les études qui rendront leur artillerie supérieure à celle de leurs homologues britanniques. En 1914, la flotte de haute mer, commandée par l’amiral von Ingenohl, comprend 13 dreadnoughts de 19 000 à 25 000 tonnes (plus 4 en construction) et 3 croiseurs de bataille de 23 000 tonnes. Mais, quelle que soit son influence sur le Kaiser, qui l’a nommé grand amiral en 1911, Tirpitz n’obtiendra pas de Guillaume II que « sa » flotte de haute mer prenne l’initiative d’attaquer la Grand Fleet britannique. Aussi, pour répondre au blocus allié, appuie-t-il la demande de l’état-major naval d’engager une guerre sous-marine sans merci au commerce allié et fait-il entreprendre en 1915 un programme de construction de 100 sous-marins, ce qui, en dépit des pertes, portera le nombre des U-Boote disponibles de 41 en janvier 1916 à 103 en janvier 1917. Déclenchée en février 1915, la première guerre sous-marine doit être bientôt tempérée à la demande du chancelier Th. von Bethmann Hollweg en raison de la violence des réactions américaines. Un an après, à la suite de nouvelles discussions entre l’état-major naval — qui, avec Tirpitz, réclame la reprise d’une guerre sous-marine à outrance — et le chancelier d’empire, Tirpitz démissionne avec éclat (15 mars 1916) de son poste de secrétaire d’État à la Marine.