Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tibet (suite)

Les Chinois, mettant à profit le conflit entre le dalaï-lama, chef du gouvernement théocratique, et le panchen-lama, favorable aux thèses de Pékin, constituent alors sous la présidence de celui-ci (qui sera d’ailleurs destitué à son tour le 31 déc. 1964) un « Comité préparatoire pour l’autonomie », dont les travaux aboutissent, en septembre 1965, à constituer le Tibet en « région autonome », dotée d’une Assemblée populaire et dirigée par Ngapo Ngawang Jigme jusqu’à sa destitution en 1967. Mais les milieux tibétains en exil (en Inde, au Sikkim, au Népal, au Bhoutan) maintiennent le symbole de l’indépendance et dénoncent avec véhémence la Chine, qui est accusée de déporter en masse les Tibétains et de les remplacer par des colons chinois.

En septembre 1968, les leaders de la Révolution culturelle créent un comité révolutionnaire, dirigé par un membre suppléant du comité central du parti communiste chinois, qui entreprend la lutte contre le séparatisme minoritaire et les éléments antimaoïstes, tout en favorisant l’implantation chinoise et la création de sections du travail du Front uni. Au cours de l’année 1969, l’introduction de sections de production et de construction de l’armée populaire de libération accentue l’emprise du pouvoir central par la substitution de cadres chinois aux Tibétains. Cependant, la résistance tibétaine reste vive : la réforme agraire, acceptée difficilement, provoque une jacquerie de paysans (déc. 1970), qui refusent la collectivisation rurale.

Y. B.

➙ Bouddhisme / Chine.

 G. Tucci, Indo-Tibetica (Rome, 1932-1941 ; 4 vol.) ; Tibet paese delle nevi (Novare, 1968 ; trad. fr. Tibet, Nagel, 1973). / A. David-Neel, le Vieux Tibet face à la Chine nouvelle (Plon, 1953). / T. Shabad, China’s Changing Map (Londres, 1956 ; nouv. éd., 1972). / R. A. Stein, les Tribus anciennes des marches sino-tibétaines (P. U. F., 1961) ; la Civilisation tibétaine (Dunod, 1962). / V. A. Bogoslovskij, Essai sur l’histoire du peuple tibétain ou Naissance d’une société de classes (en russe, Moscou, 1962 ; trad. fr., Klincksieck, 1973). / H. E. Richardson, Tibet and its History (Londres, 1962). / J. Bacot, Introduction à l’histoire du Tibet (A. Maisonneuve, 1963). / T. W. D. Shakabpa, Tibet. A Political History (New Haven, Connect., 1967). / D. L. Snellgrave et H. E. Richardson, A Cultural History of Tibet (Londres, 1968). / E. Haarh, The Yar-lun Dynasty (Copenhague, 1969). / R. Rahul, The Government and Politics of Tibet (Delhi, 1969). / G. Tucci et W. Heissig, Die Religionen Tibets und der Mongolei (Berlin, 1970 ; trad. fr. les Religions du Tibet et de la Mongolie, Payot, 1973).


La littérature

Comparativement à celle des deux grands pays voisins, Inde et Chine, la littérature du Tibet est tardive : les premiers témoignages écrits ne remontent pas au-delà du viie s. apr. J.-C., époque présumée de l’invention de l’écriture, selon la tradition tibétaine. Mais la prolixité des écrivains tibétains a vite comblé ce retard, et la littérature tibétaine est l’une des plus abondantes du monde.

La connaissance que nous en avons, fondée essentiellement jusqu’à ce jour sur les collections rapportées par les voyageurs occidentaux, reste fragmentaire. Pour s’en assurer, il suffit de consulter les catalogues des grandes imprimeries, les bibliographies compilées par les Tibétains eux-mêmes ou les citations qu’ils font d’œuvres inconnues par ailleurs. Paradoxalement, l’invasion du Tibet par les troupes communistes chinoises a grandement enrichi notre connaissance de la littérature : en effet, si bon nombre de bibliothèques ont été pillées et irrémédiablement dispersées, les Tibétains réfugiés en Inde à la suite du dalaï-lama, en 1959, ont apporté avec eux tout ce qu’ils pouvaient sauver comme livres, xylographies ou manuscrits ; leur publication est entreprise actuellement sur un rythme accéléré, modifiant chaque jour l’image que les tibétologues se faisaient de la production littéraire tibétaine. L’étude qui suit ne peut donc prétendre être ni définitive ni exhaustive.


Traits généraux

La littérature tibétaine est indissociable de la religion. Celle-ci représente la source d’inspiration, la toile de fond et le but dernier de la quasi-totalité de la production littéraire. Même la littérature scientifique et technique (médecine, astrologie, arts, techniques) ne lui échappe pas totalement. Cela s’explique en partie par le caractère religieux des Tibétains ; mais aussi, et peut-être surtout, parce que cette littérature, sous sa forme écrite, est la production des clercs. Eux seuls sont lettrés ; auprès d’eux seulement on peut poursuivre des études ; les imprimeries se trouvent dans les monastères, de même que les grandes bibliothèques.

Ainsi, pas plus que les autres manifestations culturelles, la littérature n’est-elle une expression gratuite. C’est dire que la forme romanesque est inconnue au Tibet, bien que certaines biographies de saints puissent y être assimilées, comme nous le verrons.

Il ne faudrait pas déduire de ce qui précède que la littérature tibétaine est uniquement vouée à la scolastique. On peut dire il est vrai, en schématisant, que, du viie au xiiies., les Tibétains ont mis tous leurs talents au service des traductions, du sanskrit en tibétain, des textes bouddhiques (traductions réunies pour la plupart aux xiiie et xive s. dans les deux grandes collections du Kanjur et du Tanjur, ou dans des collections comme le Rnying-ma’i rgyud-’bum). Parallèlement, les tenants de la religion non bouddhique — le bon — forgeaient sur ce modèle leurs écritures saintes. Et depuis lors, la majeure partie des ouvrages écrits par les Tibétains a été consacrée à l’exégèse de ces textes canoniques ou à la transmission de doctrines ou de rituels issus d’expériences mystiques (littérature dont nous ne parlerons pas ici). Néanmoins, la formation traditionnelle des clercs incluant les arts et les sciences, à peu près tous les domaines de l’activité littéraire sont représentés. Une conséquence de cette formation éclectique est la prolixité déjà notée des auteurs : leurs œuvres comportent souvent plusieurs centaines de titres, regroupés dans les nombreux volumes de leurs œuvres complètes (gsung-’bum).