Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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thymus (suite)

Ces observations ont conduit à trois sortes de conclusions.
1. Le fait que le thymus soit de taille importante chez le fœtus et l’enfant, qu’il ne commence à involuer qu’après la puberté et que son ablation précoce entraîne un syndrome de dépérissement a conduit à penser qu’il jouait un rôle dans la croissance et dans la maturation sexuelle par le biais d’un contrôle du métabolisme général des acides nucléiques (A. D. N. et A. R. N.).
2. La diminution du nombre de lymphocytes circulants après thymectomie (ablation du thymus) prouve le rôle du thymus dans la production de ces cellules. Ce rôle était déjà connu chez l’embryon. Plusieurs théories sont actuellement proposées pour l’explication de ce phénomène, qu’on peut grossièrement schématiser comme suit : pendant la vie embryonnaire, les cellules souches du système lymphoïde subissent une double différenciation, qui les entraîne soit vers la moelle osseuse (différenciation myéloïde), soit vers le système lymphoïde (différenciation lymphoïde). À l’intérieur de la différenciation lymphoïde, certaines cellules passent par le thymus et deviennent des lymphocytes thymo-dépendants, ou lymphocytes T. Les lymphocytes T. ont une durée de vie beaucoup plus longue que les autres lymphocytes. Comme ils forment une grande partie de la totalité du stock des lymphocytes circulants, on comprend qu’après l’ablation du thymus juste après la naissance le nombre de ces cellules diminue considérablement, ce qui tend, par ailleurs, à prouver que l’influence du thymus sur la production des lymphocytes T. ne se limite pas strictement à la vie intra-utérine.
3. Les lymphocytes T., lymphocytes à vie longue, sont des cellules dites immunologiquement compétentes. Cela veut dire qu’ils ne sécrètent pas directement des anticorps, mais sont capables de le faire après avoir eu un contact avec un antigène donné, un antigène étant tout corps génétiquement étranger à l’organisme — microbe, bactérie, mais aussi greffe étrangère ou cellule cancéreuse, laquelle, par ses modifications pathologiques, devient étrangère à l’organisme qui l’a produite. Après thymectomie, la compétence immunologique de l’organisme disparaît, et c’est ce qui explique que celui-ci se trouve en état de tolérance immunitaire et ne rejette plus ni les greffes ni les tumeurs.


Modes d’action du thymus

Comment le thymus exerce-t-il son action sur la genèse des lymphocytes à vie longue ? La théorie de l’existence d’une hormone thymique circulante s’impose de plus en plus à l’heure actuelle. On a pu, en effet, mettre en évidence, dans la circulation, un polypeptide qui disparaît du sérum quelques heures après l’ablation du thymus et réapparaît après greffe du même organe. Cette hormone, non encore parfaitement identifiée, serait sécrétée par l’enveloppe de la glande. Le caractère hormonal de l’action du thymus a été mis en évidence par une expérience consistant à greffer un morceau d’enveloppe thymique à l’intérieur d’une poche poreuse perméable aux seules grosses molécules et non aux cellules : on constate, là aussi, alors que le morceau de thymus lui-même est exclu de la circulation et n’entre donc pas en contact avec les lymphocytes, que la compétence immunologique de l’organisme en question, préalablement thymectomisé, est restaurée. Il agit donc bien au moyen de l’action d’une molécule sécrétée par l’épithélium (enveloppe) thymique.

Une autre hypothèse, la première historiquement, voudrait que les lymphocytes T., pour devenir immunologiquement compétents, passent physiquement par le thymus et y séjournent avant de retourner dans la circulation.

Les deux théories ne sont pas exclusives l’une de l’autre. L’hormone thymique peut, en effet, continuer à influencer à distance les lymphocytes T., restaurant régulièrement leur compétence immunologique une fois qu’ils ont quitté le thymus.


Relations du thymus et de la pathologie

Pratiquée à l’âge adulte, l’ablation du thymus n’entraîne aucun des phénomènes observés chez l’animal nouveau-né. En effet, nous avons déjà dit que les lymphocytes T. ont une durée de vie longue : celle-ci serait, en effet, de vingt à trente ans chez l’homme. Cependant, une fois ce temps écoulé, si le thymus n’était plus fonctionnel, on verrait s’affaiblir les défenses immunitaires de l’adulte. Cette constatation, vérifiée chez la souris, semble expliquer l’augmentation de la fréquence des cancers avec l’âge, parallèlement à l’involution thymique et donc à une diminution, voire à une disparition du taux de l’hormone thymique circulante.

Une augmentation du taux de l’hormone thymique a été observée dans certaines maladies auto-immunes, comme la thyroïdite de Hashimoto et la myasthénie. L’existence d’une tumeur thymique sécrétante (v. ci-dessous) produit des lymphocytes T., qui, par aberration, sécréteraient des anticorps contre leur propre organisme, ce qui entraîne la perte de la tolérance immunitaire de l’organisme à l’égard de ses propres constituants. C’est ainsi qu’on a pu observer des améliorations cliniques dans les myasthénies après la thymectomie, qui est, de ce fait, devenue l’un des traitements de cette maladie.


Affections propres au thymus

Le thymus est lui-même le siège de tumeurs et d’hyperplasie (augmentation de volume non tumorale). Ces dernières s’observent plus souvent chez l’enfant que chez l’adulte, et surtout dans les six premiers mois de la vie. L’hyperplasie peut provoquer chez l’enfant des manifestations épileptiques du type petit mal et des signes de compression thoracique (cornage, essoufflement, cyanose, respiration striduleuse). On peut alors localiser par la radiographie l’origine des troubles, car le gros thymus est radiologiquement visible. Dans les formes mineures, l’abstention thérapeutique est la règle générale, car le pronostic de cette affection est très bon. Si, toutefois, la gêne thoracique est importante, on peut procéder à une radiothérapie, qui réduit considérablement le volume de la glande.