Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Thucydide (suite)

Ces portraits d’hommes du ve s. avant notre ère, ces discours qui constituent la trame même de l’œuvre de l’historien n’ont donc pas une valeur limitée dans le temps et dans l’espace, contingente et en dehors de nos préoccupations. Ils atteignent une vérité supérieure, comparable aux illuminations des grands poètes. De l’analyse du particulier, Thucydide parvient à l’universalité. Le sens ultime de son ouvrage est que la crise dont souffre la conscience hellénique — la trahison par Athènes de l’idéal de Périclès — entraîne la décadence d’une civilisation et engage ainsi l’Occident tout entier. La guerre du Péloponnèse a fléchi le cours de l’Histoire, s’il est vrai que la pensée européenne reste encore tributaire de la Grèce.


Une harmonie austère

Le style de Thucydide est dense et elliptique, concis et abrupt : il ne représente qu’une étape dans l’évolution du style attique, et sans doute la beauté de l’expression est-elle plus souveraine chez Démosthène et chez Platon. La langue dont use l’historien est celle du vieil Attique ; la phrase est savamment travaillée. La place des mots, l’emploi de termes vieillis ou poétiques, les ruptures de construction, les tours imprévus, les asymétries, les antithèses, les hardiesses de la syntaxe en rendent la lecture — notamment celle des discours — souvent malaisée. En fait, l’ordonnance des divers éléments de la phrase sert à mettre en relief la vigueur de la pensée.

L’impression générale est une impression de gravité, d’« harmonie austère », suivant le mot de Denys d’Halicarnasse. On ne trouve pas les concessions au public habituelles aux rhéteurs. La force de l’ensemble, le dépouillement volontaire et une certaine raideur donnent à l’ouvrage un caractère à part dans la littérature hellénique : Thucydide s’adresse avant tout à l’intelligence, sans jamais sacrifier à l’art.

Cette apparente sécheresse, qui devient parfois obscurité, n’empêche pas une sorte de flamme intérieure de parcourir l’œuvre. Lorsque Thucydide décrit la peste d’Athènes ou la retraite de l’armée de Sicile, il arrive, grâce à la puissance dramatique de ses évocations, à provoquer l’émotion chez son lecteur, en dépit d’une feinte impassibilité. Par son mouvement continu, qui tend vers un dénouement inexorable, le récit s’apparente aux plus belles productions des poètes tragiques grecs.

A. M.-B.

 J. Girard, Essai sur Thucydide (Hachette, 1884). / G. B. Grundy, Thucydides and the History of his Age (tendres, 1911). / A. Thibaudet, la Campagne avec Thucydide (Gallimard, 1922). / G. F. Abbott, Thucydides. A Study in Historical Reality (Londres, 1925). / C. N. Cochrane, Thucydides and the Science of History (Oxford, 1929). / G. Méautis, Thucydide et l’impérialisme athénien (Neuchâtel, 1939 ; nouv. éd., A. Michel, 1965). / J. H. Finley, Thucydides (Cambridge, Mass., 1942). / A. W. Gomme, A Historical Commentary on Thucydides (Oxford, 1945). / J. de Romilly, Thucydide et l’impérialisme athénien (Les Belles Lettres, 1947) ; Histoire et raison chez Thucydide (Les Belles Lettres, 1956). / B. Hemmerdinger, Essai sur l’histoire du texte de Thucydide (Les Belles Lettres, 1956). / R. Syme, Thucydides. Lecture on a Master Mind (Londres, 1962). / C. Lichtenthaeler, Thucydide et Hippocrate vus par un historien-médecin (Droz, Genève et Minard, 1965). / Thucydide. La guerre du Péloponnèse. Périclès, éd. et comment. par R. Weil (P. U. F., 1965). / E. Delebecque, Thucydide et Alcibiade (Ophrys, Gap et Klincksieck, 1966).

thymus

Organe glandulaire situé dans le haut du thorax en arrière du sternum.


Bien développé chez l’embryon et le petit enfant, le thymus s’atrophie avec la croissance pour ne laisser qu’un reliquat graisseux chez l’adulte. Le « ris de veau » est le thymus de veau, apprécié des gastronomes.


Anatomie

Chez l’homme adulte, le thymus est représenté par un amas fibro-graisseux situé en arrière du sternum et en avant de la trachée ; on ne le sent pas, on ne le voit pas sur une radiographie thoracique normale, et cet organe a, de ce fait, longtemps passé pour un reliquat embryonnaire dépourvu de toute fonction physiologique effective chez l’homme adulte.

Cependant, depuis les travaux de J. F. Miller en 1961, on a découvert son importance fonctionnelle. Reconnue depuis longtemps chez l’embryon, où le thymus est un organe lympho-poïétique (producteur de lymphocytes), cette importance est, chez l’adulte, beaucoup plus grande que ne le laissaient supposer ses dimensions négligeables. Du thymus, en effet, dépend en grande partie la défense immunitaire de l’organisme.


Évolution

Le thymus se développe chez l’embryon au cours des 2e et 3e mois de vie intra-utérine. Il pèse environ 12 g à la naissance et se développe jusqu’à la période de la puberté, où il atteint un poids de 30 à 40 g.

Il a deux lobes, composés chacun de lobules, dont l’unité anatomique est le nodule. Un nodule thymique est constitué de deux sortes de cellules : de grandes cellules réticulaires, dites « cellules de la trame », qui auraient la même origine que les cellules souches du système lymphoïde, et de cellules plus petites, ou thymocytes, qui se présentent comme des lymphocytes.

C’est après la puberté que le thymus commence à diminuer de volume, à involuer. Cette involution est influencée par plusieurs facteurs : la grossesse, le stress, les infections, les intoxications l’accélèrent. Ce n’est qu’à un âge passablement avancé (de 40 à 50 ans) que le thymus n’est plus que ce petit reliquat fibreux pesant de 3 à 6 g.


Physiologie

En 1961, J. F. Miller eut l’idée d’enlever le thymus d’une souris à peine née.

Cette exérèse du thymus chez l’animal nouveau-né entraîne quatre séries de phénomènes :
— un syndrome de dépérissement (wasting syndrome) progressif, aboutissant rapidement à la cachexie et à la mort ;
— une diminution très importante du nombre de lymphocytes présents, tant dans le sang que dans les autres organes lymphoïdes, comme les ganglions ;
— une perturbation de la fonction des anticorps, l’injection d’antigènes n’entraînant plus qu’une formation minime d’anticorps correspondants, ce qui équivaut à une diminution de la réponse immunitaire ;
— enfin et surtout un phénomène de tolérance à la greffe de tissus étrangers, alors que les mêmes greffes sont habituellement rejetées chez l’animal normal ; les animaux qui n’ont pas de thymus sont donc en état de tolérance immunitaire, ce qui a des conséquences importantes en pathologie.

Tous ces effets sont corrigés par la greffe, durant la première semaine de la vie, d’un thymus provenant d’une souris de même lignée.