Thomas (Albert) (suite)
En janvier 1920, Albert Thomas est officiellement nommé directeur. Il le demeurera jusqu’à sa mort. Avec la même énergie qu’il avait mise à organiser la production des armements, il se consacre à mettre sur pied la nouvelle institution. Il la veut et il la rend la plus indépendante qu’il soit possible de la Société des Nations, dont les prudences diplomatiques l’agacent. Il lui assure la compétence la plus vaste en étendant son domaine à l’agriculture ; il conçoit le B. I. T. non pas comme l’exécutif de la conférence internationale du travail, mais comme le moteur qui propulse toute l’Organisation. Il recrute des collaborateurs dans les milieux les plus divers et anime la lourde machine que devient le B. I. T. en multipliant les contacts personnels.
Après le vote de la convention internationale des huit heures, il charge son ami Edgard Milhaud de mener une monumentale Enquête sur la production, qui, en 1925, établit que la nouvelle loi a finalement accéléré le progrès technique et augmenté la productivité. Persuadé que « la présence réelle vaut dix années de correspondance » (1924), il visite un grand nombre de pays pour obtenir des gouvernements et des parlements les ratifications indispensables. Vingt semaines par an, en moyenne, il est absent de Genève, où il continue, cependant, d’assumer ses fonctions directoriales. Sa « diplomatie de la présence » ne suscite pas que des approbations : les militants socialistes et syndicalistes acceptent la collaboration de l’O. I. T. avec l’Église et avec les mouvements confessionnels, mais non avec l’Italie fasciste.
Venue la crise de 1929, A. Thomas souhaite élargir l’action de l’O. I. T. à l’économie, puisqu’à la S. D. N. c’est le libéralisme économique qui demeure la doctrine officielle. Il voudrait aussi mettre sur pied à Genève une université internationale du travail avec le concours d’Henri de Man, le socialiste belge auteur d’Au-delà du marxisme. Il préside le Comité national des loisirs, mis sur pied par la Fédération nationale des coopératives de consommation. Peut-être songe-t-il un jour à reprendre un rôle actif dans la politique française. Léon Blum, parfois, a dit que, le jour venu, Thomas serait son ministre des Affaires étrangères.
Ce jour n’est pas venu : le 7 mai 1932, Albert Thomas, de passage à Paris, s’effondre, terrassé par une congestion.
G. L.
➙ Socialisme.