Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Thèbes (suite)

En 395, Athènes et Thèbes, réconciliées, s’allièrent contre Sparte, mais la confédération béotienne ne devait pas survivre à la guerre dite « de Corinthe ». Dès le début du conflit, les Orchoméniens prirent le parti de Lacédémone ; en 386, quand les Spartiates eurent obtenu que le roi de Perse imposât (sous couleur de garantir l’autonomie de chacune des cités grecques) la dissolution de toutes les ligues, la confédération se démantela, Sparte veilla à l’application des principes de la paix du Roi, installant à la Cadmée une garnison ainsi que dans plusieurs autres cités de Béotie : Athènes, que le combat commun n’avait guère rapprochée de Thèbes durant la dernière guerre, pouvait se donner le luxe de continuer à la mépriser tout en la plaignant et en accueillant 300 exilés.


La décadence

Sous la conduite de Pélopidas (v. 420-364 av. J.-C.), riche citoyen, philosophe et sportif, qui avait su utiliser la fortune de ses ancêtres pour aider ses concitoyens moins aisés, et d’Épaminondas (v. 418-362 av. J.-C.), moins fortuné, remarquable par ses qualités de stratège comme par son goût pour l’art traditionnel de la flûte et les spéculations philosophiques, menant une vie presque ascétique, les bannis purent rentrer à Thèbes, en chasser par surprise les Spartiates en 379.

Dès 377, une seconde confédération athénienne fut constituée, dont les principes furent ceux de la précédente, mais où l’influence de Thèbes fut plus nette encore : Platées fut de nouveau détruite, Thespies fut annexée au territoire thébain. Le 6 juillet 371, Épaminondas, commandant la nouvelle armée béotienne, que Pélopidas avait réorganisée et dotée d’une unité de choc, le fameux bataillon sacré de 300 hoplites supérieurement entraînés et motivés, remporta à Leuctres une victoire extraordinaire sur les Spartiates. Pour la première fois de l’histoire, les Spartiates, inférieurs à leur réputation, étaient battus sans appel.

Pour une décennie, Thèbes a conquis le droit de parler à la Grèce en maître : ses armées parcourent le Péloponnèse (pourtant Épaminondas n’ose pas tenter d’entrer à Sparte), Épaminondas libère l’Arcadie, où se constitue, sur le modèle béotien, une confédération nouvelle, la Messénie, qu’une ville nouvelle, Messène, auprès du mont Ithôme, protège de ses magnifiques remparts.

Pélopidas, pour sa part, impose en Grèce centrale l’autorité de Thèbes : en Thessalie, où Jason de Phères est assassiné en 370, en Macédoine, dont la fidélité sera garantie par des prises d’otages (le futur roi Philippe II* sera l’un d’eux). Les Thébains agissent même en mer Égée, où ils contrebalancent l’influence athénienne. La cité obtient à Suse en 367 l’appui du roi de Perse, qui, depuis 386, exerçait sur les affaires de Grèce un droit de regard.

En juin-juillet 362, pourtant, une coalition nouvelle des Athéniens et des Spartiates allait venir à bout de sa puissance. Près de Mantinée, Épaminondas mourut en remportant une victoire que nul de ses successeurs ne sut exploiter. Son hégémonie s’effrita peu à peu, Athènes retrouva son rang de première puissance de la Grèce. Durant les luttes contre Philippe II de Macédoine, c’est Démosthène* qui commandait à Chéronée (338), où périt la liberté de la Grèce : la cavalerie d’Alexandre y écrasa les escadrons thébains et le bataillon sacré.

La confédération béotienne fut dissoute, une garnison macédonienne installée à la Cadmée. Si les Thébains tentèrent comme naguère de se révolter lorsque mourut Philippe II, ils échouèrent devant la vigueur de la réaction d’Alexandre le Grand* : le nouveau maître de la Grèce ordonna que la ville fût rasée, ses habitants réduits à l’esclavage ; seuls furent respectés les temples des dieux et la maison de Pindare (sept. 335).

En 316 av. J.-C. fut décidée la reconstruction de la ville ; la confédération béotienne se restaura, mais sa faiblesse apparut nettement quand éclata en 172 av. J.-C. la troisième guerre de Macédoine, durant laquelle la Béotie ne fut pas capable de définir une attitude commune. Sous la domination romaine, Thèbes fut éclipsée par des cités comme Tanagra et Thespies ; elle ne retrouva quelque prestige que lorsque les ducs de Thèbes et d’Athènes firent au xiiie s. de la Cadmée le « plus beau et riche manoir de la Romanie ».

J.-M. B.

➙ Athènes / Grèce / Sparte.

 M. Feyel, Polybe et l’histoire de la Béotie au iiie siècle avant notre ère (De Boccard, 1942). / P. Guillon, la Béotie antique (Les Belles Lettres, 1948). / P. Cloché, Thèbes de Béotie, des origines à la conquête romaine (Nauwelaerts, Louvain, 1952). / F. Vian, les Origines de Thèbes. Cadmos et les Spartes (Klincksieck, 1963). / P. Roesch, Thespies et la confédération béotienne (De Boccard, 1966). / J.-P. Michaud, le Trésor de Thèbes (De Boccard, 1974 ; 2 vol.).

Thèbes

Nom grec d’une ville ancienne de la Haute-Égypte dénommée Ouaset à l’époque pharaonique.


Située à plus de 700 km au sud de l’actuelle ville du Caire, sur les bords du Nil, Thèbes a joué un rôle considérable dans l’histoire égyptienne. Ce devait être un village obscur durant l’Ancien Empire, dans un secteur où l’on adorait le dieu guerrier Montou. L’ascension de la ville est parallèle à celle du dieu Amon, qui s’impose au début du Moyen Empire (vers 2100 av. J.-C.) ; Thèbes devient alors la capitale des souverains de la XIe dynastie, qui restaurent l’unité du pays et la tradition pharaonique.

Après la seconde période intermédiaire, la réunification du pays se fait de nouveau depuis Thèbes, sous l’action énergique d’un prince local qui chasse d’Égypte les envahisseurs Hyksos* (vers 1580 av. J.-C.). Thèbes est au Nouvel Empire la capitale incontestée de l’Égypte. Elle rayonne d’un éclat inégalé, riche du butin accumulé au cours des guerres coloniales que l’Égypte mène contre ses voisins de Nubie et d’Asie, et qui vient grossir le trésor du dieu Amon, maître de Thèbes.

Sur la rive droite, les monuments se multiplient pour honorer Amon, « roi des dieux ». À Karnak, le sanctuaire du Moyen Empire fait place à un ensemble particulièrement complexe de monuments et de temples à l’intérieur ou à proximité d’une vaste enceinte de briques crues, sanctuaire dynastique que chaque Pharaon contribue à embellir et à compléter. Louqsor est plus mesuré dans ses dimensions, « harem du Sud » où le dieu Amon se rendait en visite au cours de la belle fête d’Opet avec sa compagne, la déesse Mout, et le dieu-fils Khonsou, empruntant la longue voie bordée de sphinx à tête de bélier qui relie les deux sanctuaires. Les richesses prodigieuses de ces sanctuaires sont représentées complaisamment sur les bas-reliefs peints des monuments.