Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

automatisation (suite)

Les conséquences économiques et sociales de l’automatisation lui ont valu l’épithète de « seconde révolution industrielle » (N. Wiener). De même que la première révolution industrielle (introduction du machinisme dans l’industrie) a libéré l’homme des travaux de force en accroissant la productivité de son travail, l’introduction de l’automatisation augmente encore cette productivité en affranchissant l’homme de tâches intellectuelles non créatrices. La portée des conséquences de l’automatisation dépend d’un choix politique : mise au service de l’ensemble des membres d’une collectivité, l’automatisation peut bouleverser profondément les structures de cette collectivité, et fonder un humanisme d’un type nouveau.

J.-P. G.

P. N.

 N. Wiener, The Human Use of Human Beings (Boston, 1950 ; 2e éd., 1954 ; trad. fr. Cybernétique et société, Deux-Rives, 1952 ; nouv. éd., Union Gén. d’Éd., 1962). / J. Diebold, Automation, the Advent of the Automate Factory (New York, 1952). / L. Salleron, l’Automation (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1956 ; 5e éd., 1968). / F. Pollock, Automation in USA (Francfort, 1957 ; trad. fr. l’Automation. Ses conséquences économiques et sociales, Éd. de Minuit, 1957). / C. Vincent et W. Grossin, l’Enjeu de l’automatisation (Éd. sociales, 1958). / P. Naville, l’Automation et le travail humain (Éd. du C. N. R. S., 1961) ; Vers l’automatisme social (Gallimard, 1963). / A. Touraine, les Travailleurs et les changements techniques (O. C. D. E., 1965). / M. Chalvet, l’Automatisation (A. Colin, 1966). / J. Rose, Automation, its Anatomy and Physiology (Édimbourg, 1967 ; trad. fr. Anatomie et physiologie de l’automation, Dunod, 1969) ; Automation, its Uses and Consequences (Édimbourg, 1967 ; trad. fr. Utilisations et conséquences de l’automation, Dunod, 1969). / G. Elgozy, Automation et humanisme (Calmann-Lévy, 1968).
On peut également consulter les Cahiers d’études de l’automation, publiés par le C. N. R. S. depuis 1957.

automatisme

Mécanisme psychique mis en lumière par les expériences médiumniques et devenu, dans le surréalisme*, le ressort fondamental de la création poétique et artistique. Débordant le cadre du surréalisme proprement dit, l’automatisme est également responsable du déferlement pictural dont l’abstraction* lyrique sera le théâtre, entre 1945 et 1955 principalement.



Préhistoire de l’automatisme

Poètes et prosateurs s’étaient fréquemment avisés, depuis Platon, de l’existence d’une sorte de débit mécanique qui se produisait en eux à la faveur de circonstances exceptionnelles. Ainsi Samuel Coleridge entendit-il distinctement dans son sommeil les deux cents vers de Kubla Khan dont, au réveil, il ne put retrouver qu’une quarantaine. Il n’est pas impossible que le caractère involontaire de cette « dictée » soit à l’origine des explications de l’inspiration poétique faisant intervenir une cause extérieure (la Muse, le dieu ou les dieux, les esprits, le démon, etc.). C’est en tout cas la thèse reprise par le spiritisme (dont la vogue sera considérable pendant la seconde moitié du xixe s.), selon laquelle, à la faveur de sa transe, le médium entre en communication avec l’esprit des morts, qui lui dictent les réponses aux questions posées par l’assistance. On sait avec quel enthousiasme et avec quelle candeur Victor Hugo* se prêta aux « voix » entendues par lui à Guernesey, sans y reconnaître sa propre intonation. Les réflexions sur les phénomènes médiumniques vont bientôt accréditer l’expression d’écriture automatique pour désigner sous sa forme écrite le résultat de la transe. Celle-ci peut également se manifester sous forme orale ou sous forme graphique, voire picturale, comme chez Augustin Lesage et Joseph Crépin.


L’écriture automatique

En dépit de son contexte, l’expérience spirite avait eu au moins le mérite de prouver que, le rôle critique de la conscience une fois suspendu, se déclenchait un irrépressible torrent verbal, malheureusement infléchi par son attribution à un habitant de l’au-delà. C’est à André Breton* que va revenir le mérite de dégager des fumeuses théories spirites la notion d’écriture automatique, en lui donnant sa justification psychologique, seule capable de lui ouvrir de vastes perspectives poétiques. La découverte qu’il vient de faire de Rimbaud et de Lautréamont a persuadé Breton que ceux-ci avaient mis à contribution, d’une manière beaucoup plus systématique que les poètes qui les avaient précédés, un mécanisme psychique particulier. D’autre part, l’expérience directe de la psychanalyse à laquelle il s’est livré en 1917 l’a familiarisé avec la « censure » comme avec les moyens mis en œuvre par la cure pour en surmonter la prohibition. En 1919, la singularité d’une phase de demi-sommeil l’encourage à en rechercher l’équivalent dans une écriture soustraite à tout contrôle rationnel. La même année, il écrit avec Philippe Soupault le premier livre obtenu de cette manière, les Champs magnétiques, acte de naissance de l’écriture automatique au sens surréaliste. Mais c’est seulement en 1922 qu’une initiation aux méthodes spirites va lui fournir la désignation souhaitée. Et, dans le Manifeste du surréalisme (1924), le nouveau mouvement sera défini en fonction de cinq années d’expérimentation de l’automatisme.


Automatisme et poésie surréaliste

Aux yeux de Breton il s’agit de ruiner de fond en comble l’écriture volontaire, en d’autres termes la littérature, et, au-delà, une civilisation fondée sur la répression culturelle et morale. L’écriture automatique n’a pas pour fin première la fabrication de poèmes, mais la découverte du « fonctionnement réel de la pensée ». Capter à la source le courant continu de cette pensée se heurte bien entendu à de nombreux obstacles. Et, dans la mesure où les poètes ne seront pas exempts eux-mêmes d’arrière-pensées littéraires, on risque fort d’altérer la pureté du discours automatique. Ce sera le cas notamment avec Paul Eluard*, chez qui prévaut l’ordonnance poétique traditionnelle, à laquelle l’automatisme a pour tâche de fournir quelques pierres précieuses. Au contraire, Benjamin Péret offre l’exemple le plus accompli d’une poésie qui se confond étroitement avec l’écriture automatique, au point d’en conserver le rythme originel. Cet aspect dynamique frappe également le lecteur de Hans Arp* ou d’Aimé Césaire. D’autres poètes surréalistes, indifférents au courant lyrique, semblent préoccupés surtout de recueillir quelques paillettes lumineuses : ainsi de René Char* première manière et de Clément Magloire-Saint-Aude. Le risque d’hermétisme est ici consciemment assumé, étant entendu que le surréalisme tient pour provisoire toute difficulté d’interprétation. L’écriture automatique a largement contaminé la poésie, de Léon-Paul Fargue à Michaux* notamment, mais aussi la prose, où les contes de Péret ont suscité quelques prolongements. Et, de Ionesco* à Romain Weingarten, le théâtre ne l’a pas ignorée non plus.