Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

Pourtant, certaines personnalités, comme Ota Šik, ont été écartées du gouvernement. Le vote de la fédéralisation, le 28 octobre 1968, accorde à la Slovaquie l’égalité avec les pays tchèques au sein d’un État tchécoslovaque unique. Mais, à l’occasion des remaniements nécessaires, Smrkovský perd la présidence de l’Assemblée nationale, et d’autres personnalités libérales sont éliminées.

Le 16 janvier 1969, le suicide de l’étudiant Jan Palach permet à l’opinion publique de manifester de nouveau son unité et son soutien aux réformes. Le 28 mars, des manifestations populaires célèbrent la victoire des joueurs de hockey tchécoslovaques sur les Soviétiques. La pression soviétique se fait plus forte. Le 17 avril, le présidium se réunit. Le bloc uni des dirigeants du « printemps » se désagrège. Gustáv Husák est élu premier secrétaire du parti communiste tchécoslovaque en remplacement de Dubček, qui devient président du Parlement fédéral. Les conservateurs reprennent en main l’appareil du parti, et le plénum du 25 septembre élimine les libéraux du Comité central et des organes dirigeants. Dubček perd ses fonctions au présidium et au Parlement.

À partir de l’automne de 1969, il n’y a plus désormais qu’une politique de normalisation. L’épuration touche d’abord le parti à la fin de 1969 et pendant toute l’année 1970. Lors des échanges des cartes, les partisans du « printemps » sont éliminés. Certaines organisations de base du parti sont totalement supprimées. Un congrès du parti, qui porte le nom de XIVe Congrès, se réunit à Prague du 25 au 28 mai 1971 pour manifester le succès de la normalisation. Un membre du parti sur cinq a été éliminé, et les effectifs sont retombés à 1,2 million.

Mais l’épuration ne se limite pas au parti : elle gagne tous les secteurs de la société. Dans les entreprises, des commissions spéciales examinent les cas individuels de tous les salariés. Beaucoup perdent leur emploi. La presse, la radio, les services diplomatiques sont sévèrement épurés. La normalisation touche surtout les intellectuels. Des instituts de recherche sont supprimés et réorganisés. Des savants de renommée internationale deviennent manœuvres ou chauffeurs de camion. La délation est institutionnalisée dans les universités, où la sélection politique des étudiants redevient aussi stricte qu’à l’époque stalinienne.

Malgré les promesses de Husák, des opposants ont été arrêtés pour leurs activités en 1968. Des procès ont lieu en 1971 et en 1972 (condamnation du général Prchlich et de Milan Huebl, ancien recteur de l’université du parti), mais sans avoir l’ampleur et le caractère spectaculaire des procès des années 50.

Pour que la normalisation fût totale, les Soviétiques ont exigé la justification a posteriori de l’invasion. En octobre 1969, le gouvernement a dû annuler les résolutions adoptées en août 1968. La déclaration soviéto-tchécoslovaque du 30 octobre 1969 à Moscou voyait dans l’intervention du pacte de Varsovie « un acte de solidarité internationaliste qui a permis de barrer la route aux forces contre-révolutionnaires et anti-socialistes ».

En 1975, Husák est élu président de la République, tout en conservant ses fonctions à la tête du parti.

La fédéralisation, décidée en 1968 et effective à partir du 1er janvier 1969, a incontestablement favorisé la Slovaquie, d’ailleurs moins touchée que les pays tchèques par la normalisation. Actuellement, la Slovaquie fait preuve d’un grand dynamisme économique et culturel. La situation relative des pays tchèques est moins favorable. L’histoire de la Tchécoslovaquie depuis 1918 est étroitement liée au développement de l’« idée tchécoslovaque », et l’expérience prouve que cette idée s’affaiblit considérablement lors des grandes crises nationales et internationales.

B. M.

➙ Beneš (E.) / Bohême / Dubček (A.) / Gottwald (K.) / Masaryk (T.) / Moravie / Novotný (A.) / Slovaquie / Sudètes.

 Encyclopédie tchécoslovaque (en tchèque, Prague, 1923-1927 ; 4 vol.). / J. Prokeš, Histoire tchécoslovaque (Orbis, Prague, 1927). / J. A. Mikus, la Slovaquie dans le drame de l’Europe, 1918-1950 (les Îles d’or et Plon, 1955). / P. Zinner, Communist Strategy and Tactics in Czechoslovakia, 1918-1948 (New York, 1963). / M. Recheigl (sous la dir. de), The Czechoslovak Contribution to World Culture (Mouton, 1964). / La Réforme économique dans l’Europe de l’Est (Cahiers de l’ISEA, 1967). / P. Bonnoure, Histoire de la Tchécoslovaquie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968). / M. Machomis, la Société tchécoslovaque (en tchèque, Bratislava, 1969). / J. Pelikan, The Czechoslovak Political Trials, 1950-1954 (Stanford, 1971). / V. Olivova, The Doomed Democracy, Czechoslavakia in a Disrupted Europe (Londres, 1973). / G. Golan, Reform Rule in Czechoslovakia : the Dubček Era, 1968-1969 (New York, 1973).


L’économie


L’agriculture

C’est un secteur de production relativement riche, mais qui pose de nombreux problèmes. L’agriculture tchécoslovaque présente au sein du monde socialiste l’un des types classiques d’évolution du capitalisme au collectivisme. Elle se distingue par le caractère progressif de l’abolition de la propriété privée. Dans l’entre-deux-guerres, les exploitations très vastes étaient rares : une réforme agraire avait été opérée dans les années 20. La Slovaquie restait le pays de la petite propriété forestière, pastorale et agricole. En Moravie et en Bohême existait une petite et une moyenne bourgeoisie rurale attachée à son domaine. C’est pourquoi, après la guerre, la réforme devait être très lente dans ses débuts (le régime socialiste ne date d’ailleurs que de 1948). On a limité à la taille assez élevée de 50 ha le plafond maximal autorisé pour une exploitation. Plusieurs centaines de milliers d’hectares ont été confisqués (et plusieurs milliers de familles ont reçu des lots), mais ce chiffre est moins élevé que dans d’autres pays du Comecon. Des exploitations appartenant à des Allemands des Sudètes et quelques biens ecclésiastiques et bourgeois ont été saisis. Ils ont formé le secteur d’État, qui atteint un des taux les plus élevés en pays socialiste, couvrant le cinquième de la superficie agricole. Il est vrai que la part des forêts est importante. En outre, la Tchécoslovaquie est le pays qui a su le mieux ménager la transition entre propriété privée et propriété socialiste, en définissant, dans la législation et les faits, quatre types de coopératives, modèles distingués selon le degré de mise en commun des terres, du cheptel, des bâtiments (total dans le type supérieur, très faible ou inexistant dans le type inférieur) ainsi que selon le niveau de rémunération et de ses modalités (en fonction du capital apporté dans le type inférieur, de la journée de travail, comme dans un kolkhoze, dans le type supérieur). Les transitions d’un type à l’autre ont été assez lentes. L’ensemble des terres a été ainsi distribué dès 1958. Les terres de coopératives couvrent 77 p. 100 de la superficie agricole, soit une moyenne de 600 ha par unité, mais la moitié seulement appartiendrait au type supérieur.