Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

T’ai-wan (suite)

Le milieu naturel

L’individualisation de cette île, tropicale et très montagneuse, est réelle sur le plan de la géographie physique. Allongée sur 320 km du nord au sud, Taiwan est élevée (le tiers de l’île a plus de 1 000 m d’altitude) et ses montagnes sont plus hautes que celles de la Chine orientale, des Philippines et du Japon : le point culminant (Yushan [Yu-chan]) atteint 3 950 m. Ces montagnes élevées sont d’une exceptionnelle beauté ; de direction nord-sud, elles couvrent toute la partie orientale de l’île, cependant que la partie occidentale est une basse plaine alluviale ; le relief est donc fortement dissymétrique. Les montagnes elles-mêmes forment un ensemble dissymétrique, puisque la chaîne principale, les Zhongyangshan (Tchong-yang-chan), très élevée (32 pics supérieurs à 3 000 m) et parallèle à la côte orientale, est toute proche de celle-ci, dont elle n’est séparée que par la Taitung Rift Valley (dépression de Taidong [T’ai-long], longue de 160 km et large de 7 à 8 km) et les monts Taidong (de 12 à 15 km de large, 1 000 m d’altitude). Vers l’ouest, au contraire, cette chaîne est flanquée d’une haute chaîne parallèle, les Yushan, et des plus modestes Alishan (1 600 m en moyenne), ensembles qui dominent, par l’intermédiaire d’une zone de piedmont (collines et bassins), la plaine alluviale ; cette plaine — qui, au sud de la rivière Da’an (Ta-an), peut atteindre 45 km de large — disparaît au nord, où montagnes et collines tombent directement dans la mer.

La structure géologique rappelle celle de la Chine méridionale : il s’agit d’un « pseudo-socle ». Les terrains sont les mêmes : primaires et secondaires, plissés à plusieurs reprises, notamment au Crétacé (plissements siniens) avec intrusions granitiques et émissions de rhyolites. Mais, contrairement à ce qui s’est passé en Chine continentale, ces terrains ont subi des plissements récents (oligocènes) complétés par des intrusions miocènes et, dans le Nord, des émissions volcaniques quaternaires. Les grands traits du relief, toutefois, sont dus à des failles très récentes (pliocènes et quaternaires) : failles du fossé de Taidong (Taitung Rift Valley) séparant les Taidongshan et les Zhongyangshan, failles séparant cette dernière chaîne des Yushan, failles encadrant le horst des Alishan. Ce relief est mal consolidé et les tremblements de terre sont fréquents.

Taiwan est une île tropicale, plus chaude que la Chine méridionale aux mêmes latitudes, notamment en hiver parce que l’île est baignée par les eaux équatoriales du Kuroshio ; même dans le Nord, plus frais, la moyenne de février atteint 15 °C à Taibei. Les pluies sont abondantes, partout supérieures à 1 500 mm.

Toutefois, l’île étant soumise à l’alternance de la mousson du sud-ouest en été et de l’alizé de nord-est en hiver, la présence des montagnes méridiennes se traduit par des inégalités sensibles dans les précipitations et des différences dans les régimes. Le sud-ouest de l’île (d’une façon générale, toute la plaine occidentale) reçoit entre 1 500 mm et 2 000 mm par la mousson, en été, et a un hiver ensoleillé et sec : il s’agit d’un climat tropical typique ; l’irrigation est utile pour les rizières en saison des pluies, indispensable en saison sèche. La côte est (et surtout le Nord-Est) reçoit plus de 3 m de pluie, parfois 6 m ; il pleut toute l’année et le climat est « sub-équatorial » ; aux pluies estivales de la mousson, à peine affaiblies par le relief, s’ajoutent en effet des pluies d’hiver apportées par l’alizé devenu instable et humide dans ses basses couches au-dessus d’une mer chaude, qui déverse des pluies abondantes sur les reliefs « au vent » (tandis qu’il est sec en redescendant sur la plaine) ; le maximum des pluies se produit même pendant l’« hiver », d’octobre à mars.

Comme l’archipel des Philippines et la côte méridionale de la Chine, l’île de Taiwan est sur la trajectoire des typhons — surtout nombreux en septembre — qui se dirigent vers le Japon et causent de terribles ravages.

L’île était entièrement forestière. Contrairement aux provinces fortement déboisées de la Chine méridionale, elle l’est encore aux trois cinquièmes. Toutefois, la forêt a à peu près disparu de la plaine occidentale, réduite à quelques morceaux de mangrove dans les deltas méridionaux ou à des bouquets de bambous. Une forêt « péné-tropicale », dense, toujours verte, s’épanouit entre 300 m et 1 500 m au nord, entre 600 m et 2 000 m au sud (chênes, lauriers, camphriers) ; plus haut, jusqu’à 2 600 m, c’est la forêt mixte, composée surtout de chênes toujours verts ou à feuilles caduques, d’érables, d’ormes et de hêtres ; plus haut encore, jusqu’à 3 600 m, c’est le domaine des conifères.


La population

Taiwan est très peuplée, bien qu’elle le fût tardivement, beaucoup plus que la province de Fujian (Fou-kien), qui lui fait face et d’où vint l’essentiel de sa population : elle compte 16 millions d’habitants soit 450 habitants au kilomètre carré, trois fois la densité du Fujian. Les « autochtones » ne sont guère que 100 000 à 150 000 : Paléomongoloïdes ou Proto-Malais ; la plupart vivent de cultures sur brûlis, habitent des maisons sur pilotis et ont longtemps été chasseurs de têtes. La population, pour le reste, est chinoise, mais non encore homogène. En 1945, 82 p. 100 des habitants étaient des Fujian, peuplant le nord et l’ouest de l’île et ayant gardé leur langue ; 16 p. 100 des habitants étaient des Hakkas venus du Guangdong (Kouang-tong), mais parlant un dialecte du Hunan (Hou-nan), installés au pied des collines et dans les vallées. S’y ajoutent, depuis 1949, les réfugiés (militaires, fonctionnaires, savants, banquiers, industriels, grands propriétaires) qui jouent encore un rôle dominant. Les deux groupes, immigrés anciens et réfugiés continentaux, tendent à se rapprocher grâce à la scolarisation (qui permet la diffusion de la langue mandarine), grâce à la réussite de la réforme agraire, qui a permis l’enrichissement des paysans, et grâce à l’« occidentalisation » de la population (éclatement de la « famille étendue »).