Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Syrie (suite)

L’économie

La Syrie reste un pays essentiellement agricole. Les céréales (blé et orge), qui couvrent 70 p. 100 des 6 millions d’hectares cultivés, satisfont aux besoins nationaux. La grande culture commerciale est le coton (10 p. 100 du sol cultivé, 400 000 t en moyenne), dont un cinquième alimente l’industrie textile nationale et dont le reste est exporté. Tabac, fruits secs (notamment les abricots de la ghouta de Damas), pistaches sont les autres cultures d’exportation avec des produits de l’élevage. La marge de développement agricole n’est pas négligeable. Si les terres irriguées ne couvrent actuellement que 10 p. 100 environ de la surface du sol cultivé, cette surface va être approximativement doublée par un aménagement majeur, celui du barrage du coude de l’Euphrate, édifié à Ṭabqa entre 1968 et 1974, dont le réservoir, avec une capacité totale de 30 km3 environ, permettra d’irriguer progressivement de 500 000 à 600 000 ha. Une puissance électrique de 800 MW au total pourra être installée, décuplant la production actuelle.

Ces projets ambitieux donneront un coup de fouet à l’industrialisation, essentiellement limitée jusqu’à présent à des industries alimentaires et textiles, concentrées surtout à Alep et à Damas. Les ressources extractives comportent des phosphates, dont l’exploitation commence dans la région de Palmyre, et surtout les gisements pétrolifères récemment découverts dans la région de Karatchok, à l’extrême nord-est du pays, dont la production atteint 7 Mt en régime de croisière. Celle-ci est conduite par un oléoduc jusqu’à Homs, où une raffinerie a été construite en 1959, et vers le port d’embarquement de Tartous. Le pétrole a pris la deuxième place dans les exportations du pays, après le coton, dont la part est de l’ordre de 40 p. 100 du total, mais avant les autres produits agricoles.

X. P.


L’histoire

Pour la partie antérieure à l’indépendance, v. art. précédent.

Dès son accession à l’indépendance, la Syrie siège à l’O. N. U. ; le 22 mars 1945, elle est membre fondateur de la Ligue arabe, créée au Caire sur l’instigation de l’Égypte. En 1948, elle intervient militairement en Palestine contre le nouvel État d’Israël et, après l’échec des armées arabes, finit par signer l’armistice de Rhodes en février 1949. Mais cet échec amène le renversement, le 30 mars 1949, du président de la République Chukrī al-Quwwatlī à la suite du coup d’État militaire du colonel kurde Ḥusni Za‘īm, soutenu par le parti Baath al-Arabi (Résurrection arabe).

À cette époque, le leadership sur le monde arabe est l’enjeu de la rivalité entre l’Égypte, championne de l’unité avec la Ligue arabe, et l’Iraq hāchémite, lié à la Grande-Bretagne. Déjà en 1942, Nūrī Sa‘īd, Premier ministre irakien, avait élaboré un plan d’union arabe regroupant le Liban, la Syrie et la Transjordanie sous le sceptre du roi ‘Abd al-Ilāh. En août 1949, le parti du peuple pro-irakien fait assassiner Za‘īm et contrôle des élections qui amènent au pouvoir le général Sāmī Ḥinnāwī. La réaction des anti-irakiens ne se fait pas attendre : le colonel Adīb Chīchaklī (1901-1964) prend le pouvoir en décembre 1949, suspend le gouvernement et crée un parti unique, le Mouvement de la libération arabe. Il est élu à une grosse majorité président de la République en 1953. En 1950, il lie son pays à l’Égypte par un traité de défense commune et de coopération technique.

Mais deux forces politiques s’opposent à lui : le Baath, né en 1953 de la fusion du Baath al-Arabi avec le parti socialiste d’Akram al-Ḥawrānī, et le mouvement de la « Syrie libre » des officiers pro-irakiens réfugiés à Bagdad. Les luttes de l’opposition amènent un soulèvement du djebel Druze en février 1954, et, pour éviter une intervention de l’armée irakienne, Chīchaklī démissionne. Hāchim al-Atasī, appuyé par les indépendants de Khālid al ‘Aẓm et le Baath, est élu président de la République. Il arrive à contenir l’opposition du parti du peuple pro-hāchémite, qui est battu aux élections de septembre 1954 ; Quwwatlī est réélu président de la République.

Cependant, avec le contexte de la « guerre froide », les États-Unis font des progrès au Moyen-Orient : aide Truman aux pays sous-développés, pacte de défense contre l’U. R. S. S. entre les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Turquie (SACME [Suprême Allied Command for Middle East]). Mais les pays arabes se sentent plus menacés par Israël que par l’U. R. S. S. La Syrie refuse d’adhérer au SACME, ce qui entraîne la démission du Premier ministre Ḥasan al-Ḥakīm, pro-américain.

La diplomatie britannique, inquiète de la pénétration américaine au Moyen-Orient, forme alors le projet du pacte de Bagdad, qui unirait à son profit, sous l’égide de l’Iraq hāchémite, les pays arabes contre l’U. R. S. S. Le 24 février 1955, le pacte est signé entre la Turquie et l’Iraq, auxquels se joignent la Grande-Bretagne, l’Iran, le Pākistān ainsi que, mais officieusement, les États-Unis. Mais aucun autre pays arabe ne demande à en faire partie. La Turquie fait alors pression sur la Syrie, provoquant une crise ministérielle. Toutefois, l’U. R. S. S. ayant assuré à la Syrie qu’elle ne laisserait pas la Turquie recourir à la force, Ṣabrī al-‘Asalī, nationaliste antihāchémite, obtient la confiance de la Chambre, et le pacte de Bagdad est définitivement rejeté. C’est un échec pour la diplomatie britannique, qui voulait regrouper les pays du Croissant fertile ; en revanche, c’est un succès pour l’U. R. S. S., qui vend des armes à la Syrie par l’intermédiaire de la Commission de Prague et soutient le monde arabe pendant la crise de Suez (oct. 1956). La découverte d’un complot pro-irakien en novembre 1956 permet au gouvernement de décapiter l’opposition. L’aide soviétique s’accroît, et le parti communiste syrien, avec les milices urbaines et le colonel Bizrī, chef de l’état-major, prend de plus en plus d’influence.

Le président Quwwatlī, le Baath et les socialistes de Ḥawrānī, se trouvent alors isolés et débordés sur leur gauche. Ils ont recours à Nasser.