Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Syrie (suite)

Beaucoup plus discontinus et morcelés étaient traditionnellement les foyers irrigués alimentés par l’Oronte, très encaissé le plus souvent et dont les eaux nécessitaient une élévation considérable (grande noria de Ḥamā, de 22 m de diamètre, irriguant 25 ha). Ces grandes roues éparses tout au long du cours et des aménagements antiques plus considérables, encore partiellement utilisables (le lac de Homs), ont été à la base de l’existence de toute une série de centres urbains, dont Homs (Ḥimṣ, 216 000 hab.) et Ḥamā (137 000 hab.) sont les plus importants. L’aménagement intégral du fleuve, entrepris dès avant la fin du mandat français, a considérablement étendu ces surfaces. Après la première phase, autour de Homs, qui comporta la surélévation du niveau du lac antique, l’aménagement du Ghab entre 1950 et 1961, comportant à la fois le drainage de la zone marécageuse du fossé et l’édification de deux barrages-réservoirs, a augmenté de 40 000 ha l’étendue irrigable.

• Les plaines de culture sèche. La Djézireh (al-Djazīra). Autour de ces noyaux irrigués, la marge intérieure du Levant, entre la montagne et le désert, est occupée par des plaines et des plateaux recouverts par des cultures pluviales de céréales. De gros villages groupés, pratiquant un système communautaire rigide à assolement réglé (système mouchaa [muchā‘a]) et dépendant foncièrement le plus souvent naguère de grands propriétaires urbains, y ont toujours plus ou moins survécu face aux montagnes bédouines. Ces campagnes de culture sèche sont particulièrement étendues au nord-ouest, autour d’Alep, où la trouée du bas Oronte dans l’alignement montagneux littoral permet une pénétration plus satisfaisante des pluies dans l’intérieur (de 300 à 500 mm).

Mais la bande cultivable située le long du piémont du Taurus, la Djézireh, qui reçoit encore de 200 à 400 mm de pluies annuelles, fortement peuplée dans l’Antiquité, a, par son rôle de pâturage d’hiver pour les tribus turkmènes estivant dans les hautes terres anatoliennes, connu une régression particulièrement sévère et restait encore après la Première Guerre mondiale livrée pour l’essentiel aux nomades chammar, qui y remontaient en été avec leurs troupeaux. En 1930, lors de la pacification définitive du pays par l’autorité française, le peuplement sédentaire n’y dépassait pas une étroite bande le long de la frontière turque et du chemin de fer. La recolonisation de la Djézireh fut un épisode humain majeur du quart de siècle suivant, où se conjuguèrent plusieurs éléments. Une population sédentaire importante s’installa dans cette région (elle passa de 40 000 habitants en 1929 à 250 000 en 1955), où des chrétiens de toutes sortes, notamment les Assyro-Chaldéens (nestoriens) chassés de leurs montagnes du Kurdistān par la Première Guerre mondiale, tinrent une place décisive à côté des nomades en voie de fixation. À côté de ces nouveaux villages, qui s’égrènent particulièrement le long du Khābūr, où la culture irriguée du coton est associée à celle des céréales, une grande colonisation capitaliste céréalicole, pratiquée sans peuplement par des entrepreneurs surtout alépins, qui se rendent dans le pays seulement pour les semailles d’automne, puis pour la récolte de printemps, après l’avoir abandonné pendant l’hiver, a créé une structure économique vigoureuse, unique dans le Moyen-Orient ; ce type de grande exploitation mécanisée trouve dans ses solides assises financières la possibilité d’accepter les années de récoltes nulles grâce aux énormes bénéfices des années pluvieuses. La Djézireh est ainsi devenue un des greniers à céréales de la Syrie, dont le centre urbain de Kaméchliyé (al-Qāmichlī, 33 000 hab. en 1968), en plein essor, symbolise l’expansion.

• Le désert et les oasis. Le désert syrien a vécu jusqu’aux années 30 sous la dépendance quasi totale de grandes tribus nomades. Les quelques oasis égrenées le long des chaînons de la Palmyrène qui s’enfoncent jusqu’au cœur de la zone désertique n’avaient d’autre fonction que celle de base pour les entreprises commerciales des nomades.

Ce schéma est aujourd’hui totalement inversé. Les nomades qui subsistent dans le désert, fortement appauvris par des années de sécheresse et n’ayant pu reconstituer leurs propres troupeaux, sont pour l’essentiel au service des sédentaires des cités, dont ils gardent les troupeaux. On estime que les deux tiers du petit bétail pâturant dans le désert appartiennent aujourd’hui aux citadins. Si le nombre de têtes de moutons et de chèvres a été, depuis quarante ans, multiplié approximativement par 2,5, le nombre des dromadaires a diminué de 90 p. 100, et cette évolution traduit bien l’appauvrissement des nomades et la transformation de leur fonction. Ceux-ci ne sont plus guère aujourd’hui qu’une centaine de milliers, et la pression administrative pour leur fixation se fait de plus en plus forte, manifestation d’une revanche des sédentaires, longtemps menacés par eux. Elle se concrétise dans l’article 158 de la Constitution syrienne et dans l’article 43 du programme du parti Baath au pouvoir, qui rangent tous deux la disparition du nomadisme au nombre des objectifs de l’État.


l’État syrien


Composantes ethniques et religieuses

Dans la mosaïque que constitue le Levant, l’équilibre humain réalisé dans la construction politique syrienne est ainsi très différent de celui du Liban voisin. Il est marqué par la prépondérance indiscutée des éléments urbains, musulmans et sunnites, autour desquels s’est organisé l’État. La Syrie compte ainsi 88 p. 100 de musulmans contre 12 p. 100 de chrétiens (grecs orthodoxes [5 p. 100], grecs catholiques [2 p. 100], maronites, syriens orthodoxes [jacobites] et catholiques, assyriens, etc.). Parmi les musulmans, il y a 70 p. 100 de sunnites (dont 60 p. 100 d’arabophones, le reste comprenant les minorités turques et kurdes), 12 p. 100 d’‘alawītes et 3 p. 100 de druzes.