Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

surréalisme (suite)

 J. Monnerot, la Poésie moderne et le sacré (Gallimard, 1945). / M. Nadeau, Histoire du surréalisme (Éd. du Seuil, 1945). / M. Carrouges, André Breton et les données fondamentales du surréalisme (Gallimard, 1950). / Y. Duplessis, le Surréalisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1950 ; 9e éd., 1971). / A. Kyrou, le Surréalisme au cinéma (Arcanes, 1953 ; nouv. éd., Losfeld, 1964). / F. Alquié, Philosophie du surréalisme (Flammarion, 1956). / G. Ribemont-Dessaignes, Déjà jadis ou Du mouvement Dada à l’espace abstrait (Julliard, 1958 ; nouv. éd., U. G. E., 1973). / J.-L. Bédouin, Vingt Ans de surréalisme, 1939-1959 (Denoël, 1961) ; la Poésie surréaliste (Seghers, 1964 ; nouv. éd., 1970). / P. Waldberg, le Surréalisme (Skira, Genève, 1962). / V. Crastre, le Drame du surréalisme (Éd. du Temps, 1963). / H. Béhar, Étude sur le théâtre dada et surréaliste (Gallimard, 1967). / M. Alexandre, Mémoires d’un surréaliste (la Jeune Parque, 1968). / F. Alquié (sous la dir. de), Entretiens sur le surréalisme (Mouton, 1968). / H. Kapidzic-Osmanagic, le Surréalisme serbe et ses rapports avec le surréalisme français (Les Belles Lettres, 1968). / J. Baron, l’An I du surréalisme (Denoël, 1969). / J. Schuster, Archives 57-68, batailles pour le surréalisme (Losfeld, 1969). / A. Le Brun, Les mots font l’amour (Losfeld, 1970). / Le Surréalisme international, numéro spécial d’Opus international (G. Fall, 1970). / A.-V. Aelberts et J.-J. Auquier (sous la dir. de), Poètes singuliers du surréalisme et autres lieux (U. G. E., 1971). / R. Bréchon, le Surréalisme (A. Colin, coll. « U 2 », 1971). / G. Durozoi et B. Lecherbonnier, le Surréalisme, théories, thèmes, techniques (Larousse, 1971) ; André Breton, l’écriture surréaliste (Larousse, 1974). / X. Gauthier, Surréalisme et sexualité (Gallimard, 1971). / S. Alexandrian, le Surréalisme et le rêve (Gallimard, 1974). / P. Audouin, les Surréalistes (Éd. du Seuil, 1974).


L’art surréaliste


Le problème des limites

Un recueil de gravures publié en 1973 s’intitule Quatre Siècles de surréalisme. Il est tentant, en effet, surtout dans le domaine artistique, d’étendre à d’autres époques et à d’autres cultures les objectifs esthétiques qui furent ceux des surréalistes. Ceux-ci n’ont pas manqué eux-mêmes de dire tout l’intérêt que revêtaient à leurs yeux les œuvres d’un Bosch*, d’un Grünewald*, d’un Piero di Cosimo, d’un Uccello*, d’un Arcimboldo, d’un Caron, d’un Watteau*, d’un Füssli, d’un Goya*, d’un Friedrich, d’un Bocklin*, d’un Moreau*, d’un Gauguin*, d’un Munch*, dans lesquelles ils découvraient ou croyaient découvrir des préoccupations qui annonçaient les leurs (v. fantastique [le]). De même, la passion avec laquelle ils ont considéré les arts primitifs d’Océanie* et d’Amérique (v. Indiens), à l’exclusion expresse de l’Afrique, ou encore avec laquelle ils se sont associés à la redécouverte des Celtes*, signifiait la prise de conscience d’affinités indéniables avec des cultures si éloignées dans l’espace ou dans le temps.

Il n’en est pas moins vrai que tout cela ne va pas au-delà de la reconnaissance de ces affinités, d’ailleurs plus particulièrement sensibles dans tel ou tel cas individuel que pour la collectivité surréaliste, et que le surréalisme demeure avant tout un mouvement du xxe s. parfaitement inscrit dans l’histoire de notre temps. À tel point que, par une attitude inverse de celle qui consiste à le découvrir partout et de préférence là où il n’est pas, on a régulièrement tenté, depuis sa fondation, d’en limiter la durée réelle à 1929, à 1935 ou à 1947 par exemple, selon la bonne foi variable des observateurs et la diversité des intérêts qu’ils avaient à défendre. La seule honnêteté commanderait d’être attentif aux dates fournies par les surréalistes eux-mêmes, à savoir, d’une part, 1919 (les Champs magnétiques de Breton et Soupault ; les premiers collages de Max Ernst) et, d’autre part, 1969, date à laquelle le mouvement surréaliste, en France, a proclamé sa propre dissolution.


Le problème des critères

Qu’est-ce qui distingue une œuvre d’art surréaliste ? À cette question, les surréalistes ont souvent répondu d’une manière qui peut passer pour dilatoire : est surréaliste ce qui est fait par les surréalistes ou encore ce qui a été jugé tel par les surréalistes. Réponses qui ne sont pas aussi tautologiques qu’il y paraît, dans la mesure où elles sous-entendent des activités non pas séparées, mais réunies au sein d’une collectivité agissante et pensante se définissant en premier lieu par ses relations d’hostilité avec le milieu environnant. La qualification surréaliste est la sanction d’une activité collective, elle-même fondée sur un certain nombre de principes communément admis par les participants ; comme il est logique, le manquement à ces principes entraîne la perte de cette qualification (en d’autres termes, l’exclusion) tant pour l’individu que pour les œuvres par lui produites. Le meilleur exemple en serait l’exclusion de Max Ernst lorsque celui-ci reçut en 1954 le Grand Prix de peinture de la Biennale de Venise. Aux yeux des surréalistes, en effet, il n’est pas concevable que les œuvres continuent d’être subversives lorsque leur auteur a fait acte de soumission à l’égard de l’idéologie dominante et de ses institutions. La qualification surréaliste apparaît donc avant tout comme une qualification morale, qu’elle porte sur un homme (ou une femme) ou sur une œuvre d’art. Mais il va de soi que cette qualification morale découle d’une relation avec les principes fondateurs du surréalisme, qui, eux-mêmes, ont un double aspect, à la fois éthique et esthétique.


Les principes de la création

En schématisant quelque peu, on pourrait dire que, pour les surréalistes, une œuvre d’art ne se justifie que si elle contribue à « changer la vie ». Le mépris qu’ils affichent pour l’art en général comme pour la littérature en général vient justement de ce qu’ils les tiennent, sauf exception, pour radicalement incapables de souscrire à cette exigence. Mais comment une œuvre d’art peut-elle contribuer à cette subversion de l’existence quotidienne ? En refusant de sacrifier les pouvoirs inventifs de l’artiste à la description du monde extérieur. La théorie du « modèle intérieur », telle que Breton la développe dès 1925, vise à détourner les artistes de la représentation réaliste telle qu’elle sévit en Occident depuis la Renaissance : l’artiste, désormais, ne doit plus chercher à porter sur la toile que les seules images qui surgissent en lui-même. N’est-ce pas aux mêmes exigences que répondent l’apparition et le développement de l’abstraction* ? Oui, si l’on considère les premières œuvres non figuratives de Kandinsky* entre 1911 et 1914. Non, s’il s’agit du néo-plasticisme ou du suprématisme, qui, après avoir fait table rase de la figuration traditionnelle, élaborent un système esthétique de frustration pure, où le désir n’a pas sa place. Car c’est finalement aux images du désir que le surréalisme entend donner issue, comme les seules capables de mettre en cause l’ordre moral et politique, que sert un art attaché à décrire uniquement les apparences des biens terrestres.