Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sumatra (suite)

Sumatra-Nord (Sumatera Utara, 6 620 000 hab., soit 94 hab. au km2) est la province la plus peuplée ; c’est aussi, pour une grande part, le pays batak, le pays du lac Toba, le pays des plantations. Les Bataks constituent le groupe ethnique le plus nombreux et, probablement, le groupe le plus original et le plus dynamique. Ces Proto-Malais, coupés de tout contact avec le monde jusque vers 1825, soumis en 1907 seulement, sont divisés en six tribus, dont les plus importantes sont les Karos et les Tobas. Chaque tribu est composée d’un certain nombre de clans patrilinéaires, mais exogames. Les Bataks vivent en petits villages ou en hameaux serrés. Autrefois animistes, ils ont été convertis en majorité au protestantisme. Ils peuplaient jadis les montagnes, en densités parfois très fortes, faisant des brûlis ou cultivant à la houe des rizières en terrasses. Ils ont aujourd’hui émigré vers les pentes extérieures du Toba, vers la plaine orientale (vers Medan). Instruits par les missions et très dynamiques, ils jouent un rôle important en Indonésie.

L’aspect physique des monts Barisan est, ici, complètement modifié par la présence d’une énorme masse volcanique, l’« intumescence Toba » (100 km de large, 300 km de long), coupole qui barre le Median Graben sur toute son épaisseur, atteignant 2 000 m d’altitude. Le cœur s’est effondré sur 3 000 km2 et est partiellement occupé par un lac de 1 200 km2 (plus du double du lac Léman) et d’une profondeur de 500 m, au centre duquel s’élève l’île de Samosir (1 600 m). Sur les flancs orientaux de l’intumescence Toba et dans l’étroite plaine alluviale, là où elle n’est pas occupée par des rizières et des cocotiers, s’étend une des plus grandes zones de plantations du monde. De grandes sociétés hollandaises, anglaises, américaines, franco-belges avaient créé ici, dans un pays pratiquement vide, sur des sols dacitiques et andésitiques fertiles, des plantations de tabac (1863), de théiers (1911), d’hévéas (1907), d’elæis (palmiers à huile) et de sisal. La population de ce qui était l’Oostkust est passée de 116 000 habitants en 1880 à 1 675 000 habitants en 1930 et à quelque 4 millions de nos jours grâce à une immigration massive (Chinois, Javanais et Bataks). La plupart des plantations ont été nationalisées entre 1958 et 1965, et ont connu une période de crise. À l’heure actuelle, les plantations d’hévéas et d’elæis sont de nouveau en pleine production grâce à une politique énergique de remise en état.

Des gisements de pétrole cédés par Shell à la société d’État Pertamina produisent 5 Mt dans la baie d’Aru, raffinées à Pangkalan Brandan. Medan, capitale de la province, a 635 000 habitants, et son port Belawan a un trafic supérieur à 1 Mt et est le deuxième port d’Indonésie par la valeur des exportations.

Sumatra-Ouest (Sumatera Barat, 2 790 000 hab., soit 42 au km2) est le pays minangkabau. Les Minangkabaus sont des Deutéro-Malais qui présentent le caractère paradoxal d’être à la fois musulmans très pratiquants et matrilinéaires.

Ils habitent l’étroite plaine côtière orientale et aussi les hautes terres. Le Median Graben est, ici, particulièrement bien marqué (hautes vallées de la Sumpur et de la Hari), quoique morcelé par trois ensembles volcaniques : Marapi, Talang et Kerinci. Le cœur du pays minangkabau est au pied de l’ensemble Marapi, là où les monts Barisan sont particulièrement faciles à franchir (de là l’importance de Bukit Tinggi). Les Minangkabaus pratiquaient une agriculture soignée (rizières irriguées) et, dès le début du xixe s., des cultures commerciales (cocotiers et caféiers). Si l’agriculture est restée largement commercialisée (cocotiers en plaine, manioc, canne à sucre, piments, épices, tabac, légumes en altitude), elle est toutefois en décadence. C’est la conséquence d’une très forte émigration. Le départ des hommes vers les villes de l’île, vers Jakarta et même vers l’étranger est de tradition ancienne, dû, semble-t-il, à la structure matrilinéaire de la société, mais cette émigration a pris une ampleur considérable du fait du surpeuplement, aggravé par la crise du café, par la disparition de l’artisanat. Sumatera Barat est la province qui a le moins progressé démographiquement depuis 1930 (1 910 000 hab.) ; Padang (200 000 hab.), la capitale de la province, est un port secondaire ; le pays minangkabau est sur la mauvaise face de Sumatra.

Les deux provinces de Riau et de Jambi sont beaucoup moins peuplées (2 600 000 hab., soit 14 hab. au km2) ; elles forment la plus grande partie de la plaine orientale, en partie amphibie, avec d’immenses estuaires remontés par la marée. Des pionniers chinois ont développé la pêche (par pièges sur cette côte basse) et l’exploitation du bois ; des pionniers de diverses origines ont créé des « small holdings » (petites plantations) d’hévéas sur quelque 200 000 ha, dont la production est exportée vers Singapour. Surtout la province de Riau contient à Minas et à Duri les plus riches gisements de pétrole d’Indonésie : quelque 40 Mt extraites par Caltex et exportées par le port de Dumai, terminal du pipe-line. L’archipel des Riau est riche en bauxite.

Sumatra-Sud (Sumatera Selatan), autre portion de la plaine orientale, bien qu’elle englobe aussi une partie des monts Barisan avec le volcan actif Dempo (3 159 m) et le lac Ranau, est plus peuplée (3 400 000 hab., soit 33 hab. au km2). Cela est dû à l’importance des « small holdings » d’hévéas (100 000 ha), à celle des cultures vivrières développées par des immigrés javanais dans le cadre de la « transmigration », à la présence de Palembang, sur la Musi, à 100 km de la mer, ville de 580 000 habitants, port et centre industriel actifs (raffineries de Plaju et de Sungai Gerung, usine d’engrais chimiques), dont l’influence s’étend loin vers l’intérieur grâce aux voies ferrées. Le pétrole des anticlinaux tertiaires est exploité et raffiné par la Stanvac (Standard Oil et Socony Vacuum) ; les mines de charbon de Bukit Asem sont en plein déclin. Bangka et Belitung font de l’Indonésie le sixième producteur mondial d’étain.