Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Auguste (suite)

L’utilisation de la diplomatie, la prudence, qui permettent à l’Empire de s’assurer des frontières solides, instaurent la paix dans le monde, aussi bien en Occident qu’en Orient, où la guerre régnait depuis des décennies. Cette paix permet aux courants commerciaux de se rétablir, surtout vers Rome, le principal client. Dorénavant, l’unité du monde romain est profondément ressentie par tous les habitants de l’Empire ; elle assure le développement d’une civilisation commune qui s’impose à tous ; la romanisation est rapide. C’est le début d’un âge nouveau, dû à l’intelligence politique d’Auguste.


Auguste remodèle Rome

Le princeps avait compris qu’un empire aussi puissant que le sien devait avoir une capitale qui fût la plus belle cité du monde. Tel n’était pas le cas ; la population était trop nombreuse et mal répartie ; elle vivait agglomérée au centre dans un désordre grandissant ; il y avait peu de place pour construire, car beaucoup de terrains étaient occupés par des jardins, par les maisons des grandes familles, par les constructions publiques. La plèbe s’entassait dans des immeubles de plusieurs étages, dans la plus totale anarchie. Rome ne ressemblait pas à ces villes ordonnées que l’Orient offrait aux regards éblouis des Romains, Alexandrie et Pergame.

César avait déjà pensé détourner le cours du Tibre au nord du Janicule, et lotir le champ de Mars. Auguste fut plus modeste et plus prudent, à son habitude. Il annexa à Rome les faubourgs, et répartit la ville en 14 régions administratives, divisées elles-mêmes en quartiers. Il fit aussi percer la liaison Forum-champ de Mars ; mais la situation de la plèbe n’en fut pas améliorée, puisque le champ de Mars fut réservé aux constructions publiques.

Sous la République, l’administration de la ville dépendait des magistrats traditionnels (édiles, tribuns de la plèbe, consuls), qui n’avaient que des fonctions provisoires. Auguste se garda bien de toucher à leurs prérogatives ; mais, parallèlement, il créa une série de fonctionnaires et de collèges, toujours progressivement et prudemment. L’alimentation en eau posait de très graves problèmes ; il n’y avait que quatre aqueducs médiocres ; Auguste chargea Agrippa de reconsidérer la question en tant que « curateur des eaux » ; il fit construire deux nouveaux aqueducs et de nombreuses fontaines et citernes. À sa mort, Auguste fit de cette administration un rouage de l’État avec un personnel nombreux et permanent.

Les incendies étaient une menace permanente pour la ville à cause de l’entassement des immeubles ; après l’incendie désastreux de 7 av. J.-C., Auguste créa un corps de vigiles, véritable corps de police, avec un préfet des vigiles d’ordre équestre à sa tête. Le ravitaillement de Rome fut donné à des curateurs, puis, plus tard, à un préfet de l’annone d’ordre équestre, concentrant en ses mains toutes les opérations nécessaires. Enfin, l’empereur donna des pouvoirs de police plus étendus, quoique toujours provisoires, à un préfet de la ville.

Ces réformes transformèrent totalement l’administration générale. Dorénavant, l’empereur lui-même assure les nominations et retire les charges de ces préfets et de ces curateurs quand il le veut. Il a créé ce corps de fonctionnaires sans véritable plan d’ensemble, par touches successives, mais son action a engagé définitivement l’avenir.

Ce renforcement de l’administration urbaine s’accompagna d’une transformation monumentale de la ville selon les directives de l’empereur lui-même. Certaines constructions n’eurent pour objet que d’exalter ses victoires ; ainsi les deux arcs de triomphe qui s’élevèrent sur le Forum. D’autres affirmèrent l’idée dynastique ; dès 28 av. J.-C., Auguste fit commencer l’édification, sur le champ de Mars, du mausolée qui devait contenir ses restes et ceux des membres de sa famille ; mais, surtout, il décida de construire son propre forum, qui fut le plus vaste ensemble monumental de son époque ; le Forum d’Auguste se présentait comme une grande enceinte close de murs l’isolant de l’extérieur, et dominée par le temple de Mars Ultor ; à l’intérieur, sur le pourtour, avaient été placées les statues des principaux généraux victorieux dans l’histoire de Rome.

Si Auguste pensa à sa propre gloire, il n’en négligea pas pour autant les constructions de délassement nécessaires à une plèbe nombreuse, indisciplinée, parfois dangereuse. Il fit édifier le théâtre de Marcellus, et il laissa Cornelius Balbus élever le sien sur le champ de Mars. Pour les courses de chars, si en vogue qu’elles donnaient lieu à des paris, il fit restaurer le Circus Maximus ; pour les combats de gladiateurs et les chasses, il poussa Statilius Taurus à élever dans Rome le premier amphithéâtre de pierre. Il ordonna la construction, sur le Janicule, d’une naumachie dans laquelle se déroulèrent des combats navals. Il permit à Agrippa d’édifier, encore sur le champ de Mars, les premiers thermes monumentaux de la ville ; dans les principaux quartiers du centre s’élevèrent des places entourées de colonnades et parsemées de jardins, les portiques, lieux favorables à la promenade et à la discussion.

Auguste réalisa cette œuvre par goût personnel (il aimait l’ambiance du cirque), mais aussi en politique habile qui favorise les inclinations de la plèbe pour éviter d’avoir à faire face à sa turbulence. Le visage de Rome en fut transformé.


Auguste et les difficultés de sa succession

Dans un régime qui était censé utiliser les institutions de la république en ce qu’elles avaient de meilleur, il ne pouvait être question pour Auguste de désigner ouvertement un successeur comme dans une simple monarchie. Cependant, le princeps ne voulait pas que sa mort fût la fin de ce qu’il avait réussi à créer, d’une certaine forme efficace du pouvoir.

Auguste ne put aborder franchement le problème ; aussi posa-t-il en principe de désigner, de son vivant, à l’attention du sénat et du peuple, celui qu’il désirait avoir comme successeur. Cette désignation n’était pas directe et, en droit, elle n’engageait personne. Il est vrai que les choses auraient pu être plus simples si l’empereur avait eu un fils.